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Le billet dhumeur de Charles Magne Relire Orwell Lun des ouvrages qui aura le plus contribué à former mon esprit critique est incontestablement le magistral «1984» de George Orwell. Je lavais découvert en 1979 à un moment où lURSS déployait ses missiles SS 20 contre lEurope et envahissait lAfghanistan. A cette époque, il était politiquement correct dêtre marxiste et pacifiste de même quil lest aujourdhui dêtre islamophile. Cinq ans plus tard, javais retrouvé luvre pour célébrer la concordance du titre et du millésime. Au cours de ces deux premières lectures, javais été subjugué par lanalyse orwellienne du communisme. Je navais pas réalisé que louvrage irait bien au-delà de cet horizon historique. Dix-sept ans plus tard, mon regain dintérêt pour le phénomène totalitaire ma naturellement ramené à «1984». A ma grande surprise, jai constaté que le livre offrait, toujours, des clefs essentielles pour comprendre le monde actuel. La théorie du pouvoir qui sen dégage nous dévoile la manière dont les démocraties occidentales se sont progressivement transformées en régimes totalitaires. Orwell nous aide à comprendre ce phénomène par le développement dune véritable sociologie politique dont les données principales sont : 1) la concentration des élites, 2) labolition du passé 3) la manipulation des masses, 4) la perversion du langage. La concentration des élites. Une large fraction des Européens vit encore dans lillusion que leurs dirigeants politiques agissent pour leur bien-être. Or, les politiciens oeuvrent en premier lieu pour la conservation du pouvoir. Lun des moyens les plus assurés de conserver ce pouvoir est de réduire le nombre de ses prétendants. Moins lélite sera grande, moins la concurrence sera forte, plus la probabilité doccuper une position sociale intéressante sera élevée. Depuis le début des années 1970, trois types de mesures ont permis de réduire sensiblement la dimension des élites occidentales : a) une fiscalité confiscatoire qui détruit les patrimoines familiaux donc les cultures nationales b) le nivellement de lenseignement par le bas, c) limportation massive de prolétaires immigrés. Manifestement, le projet politique sous-jacent est davilir le peuple. Ainsi peut-on le détourner de la tentation de contrôler ses gouvernants. Orwell lécrit: « Il ny a rien à craindre des prolétaires. Laissés à eux-mêmes, ils continueront de génération en génération et de siècle en siècle, à procréer, travailler et mourir, non seulement sans aucune tentation de se révolter, mais sans avoir le pouvoir de comprendre que le monde pourrait être autre que ce quil est. Ils ne deviendraient dangereux que si le progrès de la technique industrielle exigeait quon leur donne une instruction plus élevée.[1] » Labrutissement collectif est, dailleurs, un des principes fondamentaux de lAngsoc[2]: « Lignorance cest la force ». La sociologie moderne qualifie ce phénomène de fermeture des élites sur elles-mêmes de « verrouillage de la niche ». Cependant, la sociologie Orwellienne va plus loin. Elle nous enseigne que plus lélite se restreint, plus elle est facile à contrôler. Plus ses membres deviennent conformistes. Le pouvoir social se concentrant, les individus qui veulent lexercer dilapident leurs ressources dans les rivalités intestines du système. Ils ne disposent plus ni des moyens ni du temps pour le remettre en cause. La politique se vide, ainsi, inévitablement de son contenu. Par-là, sexplique le conformisme de la décadence. Pour préserver leur position sociale, les membres de lélite devront multiplier les signes de soumission à lidéologie dominante. Ils ne peuvent retrouver de liberté daction quen poussant le système dans ses retranchements logiques. De là nous viennent les sempiternels discours et surenchères antiracistes des prétendants au pouvoir et de ses détenteurs. Orwell a également perçu que les nouvelles formes de totalitarisme saccompagneraient dune régression de létat de droit au profit de lois incertaines qui feront peser une menace constante et diffuse sur les élites : « Les actes ne [seront plus] déterminés par des lois, ou du moins des lois claires Nombre de croyances et attitudes exigées ne sont pas clairement spécifiées et ne pourraient être clairement spécifiées sans mettre à nu les contradictions inhérentes à [lidéologie dominante].[3] Ceci vaut par exemple pour le concept dislamophobie dont on voit bien quil est totalitaire[4]. Orwell annonce également le détachement de lélite de la réalité sociale et labolition de lhistoire. « Le mot clef est ici noirblanc ( ) il désigne la volonté loyale de dire que le noir est blanc, et, plus, à savoir que le noir est blanc et à oublier lon na jamais cru autre chose. Cette aptitude exige un continuel changement du passé. »[5] Labolition du passé. Elle est en effet nécessaire pour que les citoyens oublient les éléments dhistoire qui jetteraient le moindre doute sur les bienfaits du régime en place. En Belgique, la volonté de détruire le passé a commencé par laffirmation que notre pays « a toujours été une terre dimmigration et un espace multiethnique ». Dans cette perspective, il nest pas tolérable de conserver des vestiges historiques qui invalident le discours politique. De là viennent le projet de retirer la statue de Godefroy de Bouillon de la place royale et les modifications incessantes du contenu des ouvrages scolaires. Oublié Ambiorix et nos croisés. Voici venu le temps des nouveaux héros belges des manuels dhistoire : Mahomet le prophète de la tolérance, Saladin le résistant aux croisades, Ali Baba et ses quarante voleurs ? De même nous assène-t-on chaque jour que lislam cest la paix[6] - même si 95% des conflits actuels dans le monde impliquent des peuples musulmans. La décérébration des foules ne serait pas possible sans la manipulation quotidienne des masses. Orwell avait anticipé quelle se ferait par un mass-média jouant des émotions le télécran mélange dordinateur, de caméra Web et de télévision. Cette prémonition fait quelquefois oublier quil intégrait aussi dans les manoeuvres de détournement du peuple de la chose publique a) les jeux : « La loterie était le seul événement public auquel les prolétaires portaient une sérieuse attention. Il y avait probablement quelques millions de prolétaires pour lesquels cétait la principale sinon la seule raison de vivre. » b) les niaiseries dune certaine presse et c) la pornographie[7]. Pour manipuler les masses efficacement, il faut abolir la vie privée dernier refuge de la liberté individuelle. Il faut tout connaître des habitudes socio-économiques pour les orienter. Tel est le but à peine voilé du recensement 2001 lancé par le ministère des affaires économiques. Pour travestir la réalité sociale, il faut également pervertir le langage. Tel est le dessein de la novlangue utilisée par les média. Si tout le monde connaît déjà lexpression jeûûûne pour voyou afro-maghrébin et tournante pour les viols collectifs commis par les bandes ethniques, il faut désormais ajouter au glossaire des euphémismes lénifiants acte de malveillance pour attentat, voire tentative de menace de mort[8]. Quant aux incivilités[9] elles se multiplient dans lesdits groupes ethniques. Qualifiera-t-on un jour un attentat nucléaire islamiste à Bruxelles dacte impudique ? Lhistoire le dira. Du moins, sil reste des journalistes de la RTBF pour lécrire. Voir également à propos de George Orwell:
[1] On notera à ce propos que nos gouvernants préfèrent de loin la tiers-mondisation de lEurope à une instruction élevée débouchant sur la formation de consciences politiques aguerries. [2] Abréviation pour socialisme anglais. [3]
Op. cit, pp.299-300. [4] On peut, à ce sujet, se reporter au billet dhumeur du mois doctobre 2001. [5]
Op. cit., p. 301. [6] La formule est orwellienne à souhait. Elle reprend trait pour trait le slogan « la guerre cest la paix ». [7] Cf. chapitre IV de la première partie. [8] Perle rare de la novlangue, utilisée par le bourgmestre de Thonon-les-bains, après lexplosion dune voiture piégée destinée à tuer le plus grand nombre possible dinnocents. [9] Dernier concept novlangue pour désigner les crimes et les meurtres. Ainsi gageons que la loi belge, ne tardera pas à condamner lislamophobe et à récompenser lislamophile. Un avant-goût de charia, en quelque sorte.
(Bastion n°57 de Novembre 2001) |