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Le
principe de Bloom (2)
Chers
et fidèles lecteurs, avant de vous livrer les réflexions que m’inspirent le
second tome du Principe de Lucifer, je
vous dois une explication métaphysique. Certains, se sont peut-être étonnés
de mon choix de requalifier Le principe de
Lucifer en principe de Bloom. L’une
des raisons qui ont motivé ce parti est que Bloom considère l’athéisme
comme un outil qui permet de comprendre le monde et de le transformer. Dans
l’entrevue qu’il accorde à son éditeur, il répond à la question : « Croyez
vous en Dieu », par « Personnellement,
je ne crois pas en Dieu... Il n’y a pas de Dieu, c’est à nous de faire son
travail… Nous devons assumer la responsabilité de transformer cet Univers en
un lieu juste ».[1]
Or, dans un univers matérialiste sans Dieu, il n’y pas de diable. Aussi,
peut-on se demander pourquoi Bloom associe l’image de Lucifer à sa démarche
d’unification rationnelle des lois qui gouvernent le monde ?
La
réponse à ce paradoxe se trouve dans le schéma d’interprétation retenu par
Bloom. Ce schéma rejette, certes, le Dieu de la Bible mais
reproduit, aussi, l’exigence eschatologique, judéo-chrétienne, d’établir
la justice de la fin des temps (parousie) en ce bas monde[2].
Bloom parvient à cette conclusion en soulignant la contradiction qu’il y
aurait entre la présence du mal dans le monde et les qualités d’omnipotence,
d’omniscience et d’infinie bonté qui caractériseraient Dieu. Pourtant,
cette contradiction n’est pas une démonstration logique de la
non-existence de Dieu. C’est tout au plus, une réfutation d’une
construction théologique donnée. Pour Bloom, la figure du Diable s’impose, néanmoins,
car elle résout ladite contradiction. En
vérité, cette contradiction n’est pas logiquement surmontable dans un schéma
d’interprétation manichéen, fut-il laïque. Elle l’est pourtant dans
d’autres systèmes religieux non binaires[3].
Historiquement, il faut reconnaître que cette contradiction théologique a été
à l’origine de nombreuses hérésies qui sont allées jusqu’au rejet du
divin, voire au satanisme pur et simple. Ces hérésies se sont, souvent, développées
selon le raisonnement suivant : si le monde est mauvais, ce n’est pas
Dieu qui l’a créé. Son véritable maître, c’est Satan. En faisant le mal,
j’accomplis l’œuvre de ce dernier. Sauf
pour le titre de son ouvrage, on imagine difficilement Bloom invoquer le malin
pour résoudre la contradiction de l’existence simultanée de l’ordre (les
lois de la physique, de la biologie, de la sociologie…) et du chaos en son
sein (mort, maladie, meurtre, prédation). Les postulats qu’il adopte, en conséquence,
sont ceux-ci : a) Dieu n’existe pas, car le mal existe. b) Puisqu’il
n’y a pas de justice dans l’outre-monde, il faut la réaliser en celui-ci.
c) C’est à l’humanité qu’il revient de faire le bien et le moyen pour y
parvenir : c’est le rationalisme scientifique. d) Au sein de la science,
la théorie qui englobe toutes les autres c’est celle de l’évolution, guidée
par le mécanisme de la sélection naturelle. Cela aboutit, chez Bloom, à un
curieux mélange où une théorie de la droite raison - le darwinisme - sert à
échafauder une approche néo-hégélienne de la nature et de l’histoire qui,
par son caractère holistique, se rattache aux philosophies de gauche. C’est
ce qui m’a incité à requalifier Le
principe de Lucifer
en principe de Bloom, afin de
souligner que le discours de l’auteur sur le ‘’réel’’ n’est pas,
malgré tout l’intérêt qu’on lui porte, exempt de critique. Il est
faillible et réfutable comme l’est, d’ailleurs, cet article. Si
j’insiste aujourd’hui sur ce point, c’est que l’un des motifs des procès
dont nous faisons actuellement l’objet est que nous tiendrions, dans ces
colonnes, des propos pseudo scientifiques. Or, ce genre d’affirmation est, précisément,
anti-scientifique. Comme
l’a brillamment démontré l’épistémologue Karl Popper, la science n’établit pas des vérités éternelles (métaphysiques)
mais des véracités transitoires. La possibilité de l’erreur est la
condition nécessaire du progrès scientifique et de la démocratie politique.
Une théorie perçue comme erronée à un moment T sera, peut-être, tenue pour
vraie en T + 1. En ce sens, nous revendiquons le droit à l’erreur et militons
pour une liberté d’opinion totale, sans laquelle il ne peut y avoir de
rationalité sociale ou politique. Hélas, nous nous faisons peu d’illusion.
Nous savons que la pensée magique et inquisitoriale gagne chaque jour du
terrain. Qu’elle contamine peu à peu les organes de répression idéologique
de l’Etat, les catégories du droit et l’esprit de nos concitoyens. Peut-être,
le système parviendra-t-il, par ses persécutions, à nous faire taire ?
Mais, dans cette hypothèse, nous aurons, au moins, la consolation de voir son déclin
s’accélérer. Car, sans regard critique, il perdra le peu de facultés qui
lui reste de s’adapter. Et, quand soufflera le vent de l’histoire, il
s’effondrera d’un coup, sans crier garde. Cette
digression sur l’instauration progressive de la dictature en Belgique, rejoint
un des thèmes centraux du deuxième livre de Bloom : celui de la formation
et de l’adaptation des systèmes physico-chimiques (atomes, molécules),
vivants (bactéries, cellules), sociaux et politiques (groupes de primates et
groupes humains). Or, ce que Bloom constate, c’est que tous ces systèmes
reposent sur deux forces antagonistes qui en assurent l’équilibre et la
dynamique. Il désigne ces deux forces par les concepts d’agents
de conformité et de générateurs
de diversité. Les agents de
conformité sont les éléments qui imposent : « assez
de similarités sur les membres d’un groupe pour lui donner une identité,
pour l’unifier lorsqu’il est accablé par l’adversité, afin que ses
membres parlent un langage commun et pour unir la foule dans des efforts parfois
si vastes qu’aucun des individus participant ne peut entrevoir l’objectif
dans son intégralité ». Les générateurs de diversité :
« engendrent :
la variété. En effet, chaque individu ne représente dans l’esprit [du
groupe] qu’une hypothèse… Chez les êtres humains, différents types de
personnalité incarnent également des approches qui bien qu’inutiles
aujourd’hui, pourraient s’avérer vitales demain. »[4] Le
bon sens populaire a résumé la première des tendances décrites par Bloom
dans le fameux adage « Qui se
ressemble s’assemble. ». Cette tendance à l’association, selon des
affinités communes, avait fortement impressionné Platon. Il s’en était
inspiré pour échafauder une théorie sur la nature des âmes et les métaux
(or, argent, bronze) dont elles seraient formées. Platon en avait, aussi, déduit
tout un programme de gouvernement, où les magistrats devaient organiser les
mariages de telle sorte que la pureté des âmes et de la race soit préservée
[5].
Bien que cet aspect de la théorie platonicienne soit, aujourd’hui, presque
totalement oublié il en demeure quelque chose dans l’inconscient collectif
dans l’expression : « avoir
des atomes crochus », dont Platon est l’auteur. Si la théorie de
Platon a un côté excessif dans son désir de pureté, (elle exalte selon les
termes de Bloom les agents de conformité), il semble bien que, dans la nature,
des agents de conformité soient à l’œuvre pour structurer les systèmes
vivants et sociaux. Mais laissons à Bloom la responsabilité de décrire
comment ces agents de conformité fonctionnent dans le règne du vivant : « Si
vous passez une éponge tout droit sortie de la mer à la passoire et ceci dans
un seau d’eau, vous défaites les liens des habitants et les forcez à errer
seuls, sans domicile. Tout ce que vous verrez dans le seau est un liquide
trouble mais ce trouble est bien plus qu’il n’y paraît. Malgré leur séparation,
les animaux microscopiques se recherchent frénétiquement et finissent par se
regrouper à nouveau en une masse compacte. A présent, dans le même récipient,
mettez une éponge rouge et une éponge jaune. Les réfugiées de couleur différentes
repousseront avec mépris le mélange des races et rechercheront comme des
folles d’autres individus de leur espèce. Les cellules rouges, sectaires, éviteront
les jaunes et vice-versa. En trois jours, les rouges se seront rassemblées en
un bouquet écarlate tout comme les jaunes avec leurs sœurs couleur citron »[6]. Cela
ne vous rappelle rien de politiquement incorrect ? En tout cas Bloom
n’hésite par à franchir le pas de l’association d’idées dangereuse et
ajoute : « Les humains sages
suivent aussi cette règle primitive [celle des éponges] une étude menée à Détroit
sur 1013 hommes montra que les blancs tendent à choisir d’autres blancs comme
meilleurs amis, les protestants à choisir des protestants, les catholiques à
choisir des catholiques… Les expériences montrent que les êtres humains sont
attirés par ceux qui partagent leur opinion sur la religion, la politique, les
parents, les enfants, les drogues, la musique, l’appartenance ethnique et même
les vêtements. Ils feront tout pour s’approcher de leurs semblables [A moins qu’on ne les en empêche par la force ou l’oppression idéologique],
y compris se marier, que de s’approcher d’une personne différente même si
elle est une meilleure candidate au mariage ». Par
Trotski et Gramsci ! C’est-là une pure abomination !!! Bloom démontrerait,
ainsi, qu’il existerait une tendance génétiquement programmée à
discriminer ? Comment peut-il écrire des choses pareilles ? Et
surtout les publier ? Observez encore que l’auteur aggrave son cas en
soulignant le fait que les agents de conformité incitent les groupes à rejeter
la laideur et les individus handicapés. Ainsi, un babouin à la patte cassée
voit : « les adultes et les
petits s’enfuir devant lui en criant et se fait attaquer par ses anciens
copains. Un lézard dominant qui vient de se faire arracher la queue découvrira
en rentrant dans son domaine qu’il n’est qu’un paria. La vue d’un goéland
argenté en détresse pousse généralement ses congénères à l’attaquer,
pas à l’aider… Le psychologue et zoologiste David Barash pense que notre
intolérance vis-à-vis des handicapés vient en partie d’un réflexe ancien
qui nous pousse à nous éloigner de ceux qui pourraient être porteurs de
maladies infectieuses… Je crois que le besoin d’imposer une uniformité
physique prend sa source dans les principes qui transforment un groupe en un
système adaptatif complexe, en une machine d’apprentissage. Souvenez-vous de
la règle essentielle de cette machine câblée : renforcer les connexions
de ceux qui réussissent et affaiblir ceux qui échouent. Le singe à la patte
cassée risquait de
saboter la traversée d’un territoire difficile. Le lézard sans queue
n’était pas assez rusé pour éviter les dents d’un ennemi. Le goéland
argenté devait peut-être son malheur à de mauvaises décisions ou à des gènes
médiocres… Notre rejet de ceux qui s’écartent d’une norme physique
semble intégré dès notre enfance. Des études menées dans le monde entier
prouvent que dès leurs deux premiers mois, les bébés préfèrent les beaux
visages aux visages déplaisants…[7] » Là
encore on est effrayé à la lecture de tels propos. Ne pourraient-ils pas
laisser penser que… la beauté existe… Alors qu’il est de notoriété
judiciaire qu’elle n’existe pas. Faut-il conclure de toutes ses considérations
que l’Europe s’égare dans la voie d’un système politique contre-nature
et anti-adaptatif ? On n’ose légalement l’imaginer. Heureusement, dans
les autres chapitres, Bloom se rachète, un peu, en signalant l’existence
de générateurs
de diversité. Au moins, le concept sonne bien et semble plus
conforme à ce que chaque Belge est dans l’obligation de penser. En quoi
consistent, ces générateurs de diversité ?
Pour les organismes biologiques : en variations génétiques qui permettent
l’adaptation aux changements d’environnement. Pour les sociétés humaines :
en idées et théories nouvelles. Cependant, dès que ces générateurs de
diversité se manifestent, ils sont systématiquement combattus par les agents
de conformité dont le rôle est, précisément, d’assurer la cohésion
(l’identité) du système. Fort de ce constat, Bloom soutient la liberté de
recherche et d’opinion comme le moyen par lequel les sociétés humaines
s’adaptent à un environnement changeant. Toutefois, le paradoxe devant lequel nous sommes placés en Belgique, c’est que les agents de conformité nous accusent de rejeter la diversité, alors que nous en sommes les générateurs[8]. Ainsi, si nous défendons la liberté d’opinion, on nous accuse de vouloir la supprimer. Si nous affirmons n’être pas racistes, on nous objecte que c’est pour mieux cacher que nous le sommes. Une telle dialectique dirigeait les procès staliniens et maoïstes. Elle ne nous impressionne pas. Nous la combattrons sans répit, persuadés que les lois qui dirigent le monde auront raison de toutes les lubies gauchistes. Alors, mes frères et sœurs en dissidence : patience ! Patience ! Charles
Magne (à suivre)
[1]
Howard Bloom, Le principe de Lucifer, Tome 2, Le cerveau Global, Le jardin des
livres, Paris, 2004, p.372. [2]
Un schéma de pensée identique à celui de Marx. [3]
Ainsi, au IIe siècle de notre ère, le philosophe Celse, défenseur du
paganisme, développait, des arguments identiques à ceux de Bloom contre les
Chrétiens, tout en demeurant croyant. Car, pour Celse, Dieu n’est pas un être
anthropomorphique. Il est la cause première à laquelle remontent tous les
effets secondaires. Et, parce que Dieu est la cause originelle, il est la
cause de lui même – causa sui.
Cela semble compliqué mais repose sur une idée très simple : rien
ne peut sortir de rien. En cela, le néant des athées n’est pas une
option logique pour expliquer l’existence du monde. [4]
Op. Cit. pp. 70-71. [5]
Il faut savoir que selon les lois actuellement en vigueur en Belgique, Platon
serait immédiatement traduit en justice pour incitation à la haine raciale
et à la discrimination. Bien que le système actuel condamnerait, sans vergogne
Platon, il s’inscrit parfaitement dans sa logique d’enrégimenter la Cité
dans le carcan de l’idéalisme politique.
[6]
Op.cit pp. 240-241. [7]
Op. cit., p.133. [8]
Du point de vue logique, on peut facilement démonter cet argument. Supposons
que la conformité C se définisse par l’ensemble des idées politiques I
acceptées par le pouvoir à un moment donné (t), on a alors C = S
I (t) = [I1(t) + I2(t) + I3(t) +… In(t)].
Supposons maintenant que la diversité D, se définisse comme la possibilité
d’ajouter à C une idée politique nouvelle à un moment quelconque (t+n) on
a alors D = S I (t) + S
I (t+n) = [I1(t) + I2(t) + I3(t) + ...In(t)]
+ [I1(t+n) + I2(t+n) + I3(t+n) + … In(t+n)].
Là où le sophisme de nos
adversaires intervient c’est quand ils affirment que lorsque nous
revendiquons le droit à la pluralité des opinions, nous voulons en fait
(affirmation non démontrée) remplacer C par S
I (t+n) où si l’on préfère que notre projet est = S I (t) + [S
I (t+n) - S
I (t)] = S I (t+n). En admettant, pour les besoins de leur démonstration, que nous
mentions délibérément sur nos intentions et souhaitions imposer S
I (t+n), nos adversaires se
placeraient, alors, sur le plan politique qu’ils condamnent. Car, en
excluant S
I (t+n) => S I (t) < D. Ce qui d’un point de vue moral donne S
I (t) º S
I (t+n). Mathématiquement nos adversaires conçoivent donc D (dont ils se
revendiquent) comme S
I (t)* S
I(t+n) c’est-à-dire : C. Ceci est une contradiction dans les termes
puisque C ¹ D où S
I(t+n) Ï
C. Ainsi, veulent-ils nous faire
croire que la partie est plus grande que le tout, ce qui est une absurdité.
En tant que véritables défenseurs de D = S
I (t) + S
I (t+n), nous sommes bien plus démocrates qu’ils ne le sont et tous leurs
sophismes n’y changeront rien.
(Bastion n°87 de février 2005) |