Crise
de l'enseignement:
laxisme,
ukases et déconnexion
Inutile d’épiloguer longuement. Notre
enseignement est en crise. Une crise profonde, terrible, si bien qu’on ne sait
pas trop bien par où commencer pour y remédier. En septembre dernier, on
lançait un cri de détresse : pénurie d’enseignants, désaffection des
professeurs déjà nommés, désertion des bilingues qui partaient travailler
dans le privé où les salaires sont plus intéressants, démoralisation face à
un système terriblement administratif, procédurier, résultat d’une étroitesse
d’esprit et d’une mesquinerie, propres des “bonzes” progressistes qui sévissent
à la “Communauté française”. En effet, le progressisme, idéologie vague
et diffuse mais dominante parmi les pédagogues, les directeurs d’école,
beaucoup d’enseignants, surtout féminins, structure les crédos spontanés de
nos contemporains. Ce progressisme induit le laxisme en matière de discipline,
édulcore les vieux critères de la politesse chez les élèves et chez leurs
parents, oblitère le comportement du professeur qui ne veut pas passer pour un
passéiste de mauvais caractère, introduit une culture délétère de la
discussion et du “dialogue” avec l’élève indiscipliné et violent, érode
les exigences en matière d’expression orale et écrite, généralise la
tolérance pour des comportements déviants, notamment sur le plan de la
toxicomanie et de la sexualité. Ce progressisme diffus a deux visages dans le
grand public, deux visages également dans l’encadrement (directeurs,
sous-directeurs).
Les deux visages du
progressisme dans le grand public
Le progressisme est soit de gauche et a été véhiculé dans notre société
par les socialistes (qui, au fil du temps, ont recruté dans leurs rangs les
“intellectuels” soixante-huitards), par les écologistes (qui ont fait
de la surenchère) et par l’aile gauche dominante des sociaux-chrétiens en
pleine liquéfaction, grâce aux sottises de leur Présidente, Joëlle Milquet.
Pour ce progressisme, tout ce qui faisait l’excellence de nos traditions pédagogiques
a été battu en brèche par un ensemble de préjugés malsains, étiquetés
“contestataires”. On s’est d’abord attaqué au fondement même de la pédagogie
européenne, c’est-à-dire à l’”art de la mémoire”, ensemble de procédés
visant à accroître graduellement, par des exercices, les capacités de la mémoire
humaine (de Rome à Thomas d’Aquin et de celui-ci à Leibniz, ces exercices
ont formé l’épine dorsale de tout enseignement). Pour apprendre, en
effet, il faut retenir des termes de vocabulaire, en français, en latin et dans
les langues étrangères, il faut retenir des démonstrations, des syllogismes
en philosophie générale, en mathématique ou en sciences. L’”art de la mémoire”
commence par l’apprentissage “par cœur” de lexiques ou de règles,
grammaticales ou arithmétiques. Il est accentué par l’utilisation d’images
ou de graphes, comme l’a préconisé Comenius (1592-1670). L’idéologie
contestatrice soixante-huitarde a mené une compagne acharnée, dès le début
des années 70, contre le “par cœur”, ruinant anticipativement les bases de
“l’art de la mémoire”, c’est-à-dire les petits exercices mnémotechniques
qui ont fait l’enseignement pendant des générations. Résultat
aujourd’hui : un français affreux, appauvri, en lambeaux; l’incapacité de
retenir du vocabulaire néerlandais ou anglais, pour ne pas parler du latin,
dont l’enseignement est devenu une farce; en maths et en sciences, incapacité
de lire correctement les questions. Les Wallons devaient devenir bilingues en
l’an 2000: sans “par cœur” pour se qui concerne le vocabulaire, on
ne devient jamais bilingue!
L’autre visage du progressisme dans le grand public est celui, moins spécifiquement
gauchiste, et plutôt “populiste” (au mauvais sens du terme), de
l’utilitarisme. L’école doit être “utile”, faire des choses
“utiles”, former des employés ou des fonctionnaires bornés, sans esprit
critique, sans mémoire, coupés de l’humus historique de leur nation et de
leur “aire civilisationnelle” (Huntington). Ce faux pragmatisme est à la
limite encore plus dangereux que le gauchisme contestataire, car il sape
très sûrement les fondements mêmes de l’enseignement. L’école existe
pour transmettre une culture au-delà de tout critère d’utilité. Les choses
utiles, on les apprend dans des établissements d’enseignements qui ont une
vocation professionnelle, ou sur le terrain ou en entreprise. Le tronc commun,
primaire et secondaire, sert à acquérir une culture générale et,
justement, à exceller, de manière plus ou moins heureuse, dans
l’”art de la mémoire”, à intérioriser les ressorts intimes de la
pensée critique, de la parole, de la syntaxe, de l’amphibologie de toute
parole (soit la pluralité de sens cachée derrière chaque terme ou sentence;
le terme nous vient de Humboldt et du philosophe espagnol Eugenio d’Ors).
L’individu formé à une telle école est prêt à faire les métiers les plus
divers, en étant toujours capable de retomber sur les pattes en cas de revers,
car il a des connaissances diversifiées et détient l’art de les mettre en
perspectives. L’utilitarisme veut aller vite, abolir le temps, enregistrer des
résultats sur le cours terme; funeste erreur! L’école est le lieu où l’on
doit se soustraire à l’effervescence ambiante d’une vie économique qui
tourne fou, et où l’on doit acquérir des valeurs intemporelles, faute de
quoi l’individu se retrouve déstructuré, déboussolé et, en cas de contrariété
dans l’existence, est forcément tenté par les “paradis artificiels” de
l’alcool, des drogues ou de la sexualité malheureuse, frénétique et décevante.
Les effets conjoints de la contestation soixante-huitarde et de l’utilitarisme-pragmatisme
libéral-populiste ont donc ruiné notre enseignement.
Les deux visages du
progressisme dans l’encadrement
Pour faire bref, disons que l’encadrement, formés d’apparatchiks
“progressistes” dans la plupart des cas, va, paradoxalement, appliquer les
directives émises par la “Communauté française”, soit en moyenne 1,2
directive par jour ouvrable! C’est la sarabande infernale des ukases, souvent
contradictoires, mais qu’il faut appliquer parce que les pouvoirs
publics sont là pour éduquer les masses, les sortir de leurs torpeurs réactionnaires,
extirper les mauvais sentiments fascistoïdes présents dans les familles, etc.
Nous avons donc affaire, sous le couvert d’un discours laxiste et “libérateur”,
à un petit monde cruel, mesquin, mais parfaitement digne du 1984 d’Orwell.
Les critères positifs de la discipline d’antan, imposée aux élèves mais
assortie d’une liberté académique pour les enseignants, sont combattus par
ceux-là même qui introduisent un système bien plus “contrôleur”,
totalitaire et imbécile, car tout zèle administratif, toute tentative de réguler
ce qui est trop complexe —et amphibologique— pour être “régulable”,
relèvent de la bêtise à front de taureau, la bêtise du progressisme,
la bêtise qui se croit incarnation des “Lumières”. En bout de
course, les résultats scolaires effectifs des élèves sont de moins en moins
“lumineux”...
Les apparatchiks de l’enseignement dé-tricotent donc les acquis séculaires
de nos écoles sous la double impulsion du laxisme, premier visage, et du zélotisme
contrôleur et administratif, deuxième visage. En bonne logique communiste,
l’encadrement est le “parti”, qui sait mieux que le prolétariat quels
sont les besoins de ce même prolétariat, les élèves sont les “masses
populaires”, protégées par le “parti”, et, enfin, les enseignants, les
“corps intermédiaires”, de l’ancien régime, fascisants, nostalgiques de
la discipline de jadis, qu’il convient de contrôler, de broyer et surtout de
ne pas défendre contre les dérapages verbaux (voire autres) des élèves.
C’est la raison majeure qui se profile derrière les désertions, les abandons
de poste au profit du privé. C’est aussi la raison majeure qui jette les
enseignants dans les affres de dépressions effroyables autant que récurrentes.
Du temps de la discipline traditionnelle, de la liberté académique et de
l’absence d’ukases orwelliens à répétition, les enseignants considéraient
leur métier comme une vocation et rarissimes étaient ceux d’entre eux qui
sombraient dans la dépression ou qui tenaient à coups de médicaments. Quant
aux élèves, même les cancres, ils sortaient en ayant retenu quelque chose, en
écrivant plus ou moins correctement et en sachant lire l’énoncé d’un
problème mathématique ou technique simple.
Ce laxisme et cet autoritarisme administratif entraînent un autre cataclysme :
celui de la déconnexion totale du système d’enseignement par rapport au réel.
Et quand je dis cela, je ne parle certainement pas d’une connexion avec
la vie économique actuelle, mouvante, fragilisant les petites entreprises
familiales équilibrées et équilibrantes, favorisant les gigantesques
machines pachydermiques désorientantes (Toffler), mais d’une connexion
bien plus subtile de l’homme avec son propre, avec sa nature d’être
historique, de zoon politikon (Aristote), d’homo religiosus (Eliade). Car un
être historique, imbriqué dans une Cité dont il connaît les limites et les
dimensions, tempéré dans sa propension à l’égoïsme par un cadre religieux
bien équilibré, est un homme complet, non mutilé, structuré, qui pourrait
bien mieux faire fonctionner son “oikos”, et, par conséquent, l’économie
de sa Cité. Mais ce jeu dramatique de déconnexions et de reconnexions
erratiques, auquel nous assistons, mériterait un livre entier... Celui qui fera
le procès des erreurs récentes et fatidiques de la civilisation occidentale.
Conclusions
Pour faire face à la désertion des enseignants et à l’absentéisme pour
causes de maladie psychique, on a fait appel en septembre dernier à des
personnes issues de la “société civile”, pour combler les trous dans les
effectifs. J’en ai fait partie. Avec d’autres, dans le même groupe
scolaire. Première impression: nous sommes nécessaires, notre présence a été
officiellement souhaitée par la “Communauté française”, mais, c’était
clair, nous n’étions pas les bienvenus, nous apportions une pensée, des
attitudes, un style qui n’avait rien à voir avec ce mixte lamentable de
progressisme soixante-huitard, “cool” en théorie, et de progressisme
administratif, totalitaire et communiste dans son essence, où l’homme,
en dépit de ses différences dues à des vécus personnels, doit se conformer
à des règlements contradictoires, incongrus, imbéciles, abscons. Pris entre
deux feux, celui des élèves, généralement grossiers et ensauvagés, et celui
de l’encadrement, également grossier mais du style “butor rond-de-cuir”,
j’ai fait l’expérience brève de remplacer une dame malade, à bout, en
subissant, avec humour et sans illusions, la double calamité qui s’est
abattue sur le volet “enseignement” de notre société : une enfance et une
jeunesse déboussolée et analphabète, même en fin de secondaire, complètement
incapable de suivre une explication plus longue qu’un clip vidéo,
pianotant à longueur de journée sur le mini-clavier de leurs sacro-saints GSM,
les oreilles bouchées par les écouteurs de leur diskman; les mufles de
l’encadrement imposés par la “Communauté française” qui multiplient les
interdits et les vexations pour les professeurs et accordent leur blanc-seing,
en dépit du règlement d’ordre intérieur, à toutes les gamineries branchées
des élèves (interdiction de confisquer GSM et autres bimbeloteries électroniques,
ne pas gronder mais “dialoguer”, accepter benoîtement sans répliquer les
noms d’oiseau que ces chérubins vous adressent —mais là, tintin, j’ai répliqué,
à la manière du Capitaine Haddock!—, trouver normal qu’une demie douzaine
d’hurluberlus de dix-huit ans exhibent leurs postérieurs roses ou basanés,
selon les cas, mais tous également nus, à une jeune collègue, également
issue de la “société civile”, etc.). Dans le cas présent,
dans de telles conditions, l’enseignement francophone en région
bruxelloise n’est pas réformable. Nous connaissons déjà les prémisses
d’un ensauvagement généralisé. L’avenir nous promet bien pire
encore.
Politiquement parlant, les mesures qui s’imposent sont donc : 1) rétablir la
démocratie collégiale au sein des établissements scolaires, en donnant une
voix aux professeurs; 2) juguler le pouvoir des apparatchiks de l’encadrement
(on va dans le bon sens, mais trop lentement en limitant à cinq ans les
fonctions de directeur, préfet, etc.; 3) élargir les mesures disciplinaires
aux parents d’élèves; amende pour tout comportement inacceptable de leurs
rejetons; 4) protection de l’intégrité morale et physique des
enseignants, toute insulte ou voie de fait doivent être sanctionnées
d’amendes et de peines de prison, pour l’élève, s’il est majeur, comme
pour ses parents, comme on a d’ailleurs commencé à le faire dans certains
cas; il faut simplement couler cette jurisprudence existante en termes de loi.
Sans ces mesures drastiques, le cas de l’enseignement francophone est désespéré.
Arnaud Gérardin.
LE
MYTHE DE L’éGALITARISME
Changement important
dans le mode de financement des écoles, à partir de la rentrée prochaine, et
qui entrera en vigueur progressivement jusqu'en 2010.
Le Parlement de la
Communauté française a voté à l'unanimité le projet Ecolo qui
prévoit un financement différencié des écoles: c'est-à-dire plus de moyens
pour les écoles dont les élèves sont issus des milieux les moins favorisés
(lire immigration)
Ce sont des critères
socio-économiques « objectifs », relatifs au quartier de résidence
de ces élèves, qui seront pris en compte: c’est dire que l’on va favoriser
les enfants issus de l’immigration.
Une étude «interuniversitaire»
a fixé des critères et a créé un «logiciel informatique» pour déterminer
le niveau de financement: le pouvoir politique abdique au profit de la
pseudo-science.
Les subventions aux
écoles les moins favorisées augmenteront plus vite pour les écoles
défavorisées que pour les écoles normales, grâce financement obtenu aux
accords de la Saint Boniface, d’il y a quatre ans.
On renonce donc au
principe d'égalité: un enfant égale un enfant. Selon tous les partis
traditionnels, l'égalité n'est pas une donnée de départ, c'est un objectif
à atteindre!
Bref, tous sont d’accord
sur l’égalitarisme de gauche et le nivellement par le bas. Quels que soient
les compétences et les mérites, il faut arriver au même résultat!
Le FNB, quant à lui
défend l’égalité de financement: il faut permettre à tous les enfants de
développer au mieux leur potentiel, quelle que soit leur origine sociale. Les
surdoués et les méritants ne doivent pas être sacrifiés au profit des
arriérés et des paresseux!
L’intérêt de la
collectivité doit primer l’idéologie égalitaire.
FXR
Ce
que le FNB propose... |
(Bastion n°80 d'avril
2004)
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