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LA DÉMOCRATURE

 

 

 

 

Un dimanche, par hasard, j'ai regardé le magazine télévisé "l'Hebdo". Un reportage sur notre Parlement fédéral. Celui-ci était décrit comme une sorte de musée. Le royaume de la paperasse et des archives. Un théâtre dont les acteurs ne sont pas convaincus du rôle qu'ils jouent. Un lieu consacré par la Constitution comme le premier des pouvoirs, mais que le pouvoir réel a quitté.

 

Le diagnostic peut sembler choquant. Il est en dessous de la vérité. Car le pouvoir réel a réellement abandonné le Parlement. Ce dernier n'est plus qu'un musée : celui de la démocratie, régime qui semble disparu de nos contrées. 

 

Le Parlement est un théâtre de l'illusion. Hémicycle de l'absurde, où une bande de copains font leur show devant les caméras, quand celles-ci daignent les filmer. Où l'on s'agresse devant les caméras pour la galerie, puis on s’en va boire un verre ensemble. Où un personnel diligent et policé remplit, imprime, classe et envoie des tonnes de papier que personne ne lira, car trop d'information tue l'information. 

 

Pourquoi et comment le pouvoir a-t-il quitté cet hémicycle, pourtant consacré par la Constitution comme le premier des pouvoirs ? 

 

Le vote nominatif, le bouton électrique que les parlementaires enfoncent sur ordre, le grand tableau marquoir où s'illuminent les votes sont les premiers responsables. Le choix des parlementaires n'est pas secret. Ils n'ont pas la liberté de vote de l'électeur. Ils votent sur ordre. Comme leur chef de groupe le dit. Comme leur président de parti l'a décidé. Ils n'ont pas le choix, car ils tiennent à leur fauteuil. Celui qui ne respecte pas la discipline ne sera plus élu la prochaine fois. Il perdra son emploi. Aussi simple que cela. 

 

Car le second responsable de la servitude des parlementaires est le scrutin de liste. Instrument antidémocratique par excellence. Il permet de déterminer avec beaucoup de précision qui sera élu et qui ne le sera pas. Le système est simple. Sauf cas exceptionnel, les candidats ne sont jamais élus par leurs seules voix de préférence. Ils sont élus du fait de leur place sur la liste. Le premier sur la liste, si la liste obtient un siège. Si elle en obtient deux, le second sera élu… et ainsi de suite. Sauf accident, le cinquantième ne sera jamais élu. Avec une répartition des votes relativement stable, on peut donc dire à l'avance qui sera élu. A quelques exceptions près. On peut surtout dire qui ne sera jamais élu. Et ce, avec quasi-certitude. On peut donc priver avec la même certitude un parlementaire de son emploi, lors de la prochaine échéance électorale. Voilà la sanction pour celui qui ferait preuve d'indépendance d'esprit. D'indiscipline, diront les présidents de partis. 

 

Troisième responsable, la cooptation. Institution jadis créée pour amener au Parlement des élites qui répugnaient à s'exhiber dans les kermesses locales pour faire des voix. Vite détournée de sa finalité, cette providentielle cooptation qui permettait de repêcher les collègues restés sur le carreau ! Par malchance, ou par la volonté délibérée de l'électeur. La cooptation : filet de sécurité dont on ne profite que si l'on s'est montré discipliné, servile et obséquieux à l'égard de son Président de parti.  Fi donc de l'indépendance d'esprit : on n'est jamais trop prudent ! Merveilleuse cooptation qui permet d'éviter les aléas de la démocratie. 

 

Quatrième responsable le manque de démocratie dans la confection des listes. Comment croyez-vous donc qu'elles sont composées ? Par un vote de militants ? Par un "pool" ? Que non ! Un petit comité prend les ordres au siège du parti et place les candidats désignés en ordre utile. Après cela, la démocratie peut éventuellement jouer pour le reste de la liste. 

 

Le vrai pouvoir a donc quitté le Parlement. On le retrouve au sein d'une caste restreinte, d'une oligarchie, comme disait Robert Michels, dès avant la première guerre mondiale. Cette oligarchie est composée des présidents de partis, de quelques ministres et des représentants des groupes de pression plus ou moins occultes, syndicats, mutuelles, haute finance, capitaines d'industrie. Tout ce petit monde se retrouvant dans des cénacles secrets ou des loges discrètes. Là se trouve le vrai pouvoir. Là se prennent les décisions importantes. Là se distribuent les mandats juteux et les prébendes. Là s’arrangent les problèmes. En toute discrétion. En dehors de toute démocratie. Sans tenir compte des intérêts de la Nation. 

 

Et vous croyez que la démocratie règne au sein des partis politiques? Détrompez-vous ! Le pouvoir y est verrouillé. On ne peut se porter candidat aux élections internes qu’avec l’agrément de la direction. Divers mécanismes sophistiqués empêchent toute candidature non autorisée. De toutes manières, l’appareil possède un tel poids, et les militants sont tellement disciplinés, qu’un candidat qui ne bénéficierait pas de l’investiture officielle courrait droit à l’échec. Un parti fonctionne comme une armée. Une machine à conquérir le pouvoir. La démocratie n’y a pas de place, pour des raisons d’efficacité. 

 

La première prérogative du Parlement a toujours été le vote des impôts et du budget. L'oligarchie a trouvé la parade en faisant systématiquement appel à l'emprunt. Emprunt qui n'est qu'un impôt différé : on offre des cadeaux maintenant, d'autres les paieront plus tard. Et s'ils sont toujours au pouvoir, ils paieront en monnaie de singe... 

 

Le système électoral n'est plus qu'une mascarade. Le peuple n'a le choix qu'entre chou-vert et vert-chou. Les partis traditionnels promettent n'importe quoi avant les élections, mais sont tous d'accord pour appliquer le même programme quoiqu'il advienne. La formation d'un nouveau gouvernement n'est qu'un changement de joueurs au sein de la même équipe. 

 

Qu’importe la volonté de l'électeur. 

 

Karl Popper, avait depuis longtemps diagnostiqué que les élections ne permettent pas de choisir une politique ou de désigner les vrais dirigeants. Mais il voyait dans celles-ci le moyen de sanctionner un gouvernement. De renvoyer au vestiaire une équipe perdante. De désavouer et de changer de politique. Mais ce juif d'origine autrichienne estimait que ce n'était pas possible avec des gouvernements de coalition. Car une coalition ne permet pas de déterminer clairement les responsabilités. Une coalition des perdants est toujours possible pour contourner la sanction de l'électeur et rejeter le vainqueur des élections dans l'opposition. L'histoire politique de notre pays fourmille de tels exemples. Selon Popper, les systèmes de coalitions ne sont pas démocratiques. 

 

Friedrich von Hayek, quant à lui, estimait que le pouvoir a quitté les parlements parce que l'on a confié à ceux-ci deux fonctions incompatibles. La fonction législative et le contrôle politique. De ce fait, le gouvernement impose sa volonté et sa politique au Parlement. On aboutit inévitablement à des votes systématiques majorité contre opposition. Car la majorité maintient le gouvernement en place. Si ses projets ne sont pas approuvés par le Parlement, la stabilité du gouvernement est ébranlée, le risque de nouvelles élections se profile à l'horizon. Or les élections représentent toujours une dépense importante et la remise en cause du mandat. Cela explique que dans le passé, les gouvernements belges ne tombaient jamais devant le Parlement, mais implosaient de l'intérieur. Par décision des groupes de pression. 

 

Sans opposition réelle et donc sans contrôle, l'oligarchie au pouvoir a perdu de vue l'intérêt général et l'intérêt de l'Etat. Elle ne poursuit que ses propres intérêts et ceux des lobbies occultes qui les commanditent. Quasi sans frein, elle peut s'adonner à la corruption et s'enrichir au dépens de la Nation. 

 

Les petits partis constituent la seule véritable opposition. Mais ils sont pénalisés, voire interdits aux élections. Contrairement à la caste politique en place, ils n'ont ni accès au financement public, ni à la tribune des médias. La télévision et la radio sont contrôlées par l'oligarchie politique et assomment quotidiennement la population sous la propagande. On fait des pressions policières sur ceux qui ont présenté les listes pour qu'ils se rétractent, on crie ensuite à la fausse signature ! On jette même les listes au bac, sans autre forme de procès, en dernière instance, quand l'oligarchie au pouvoir se sent menacée. 

 

Se lancer dans une bataille électorale, sans avoir accès aux médias, relève de la gageure. L’électeur ne vote que pour ce qu’il connaît. Et il ne connaît pas ce qu’il ne voit, ni n’entend, dans les médias. Contrôler les médias, c’est diriger le vote de l’électeur.

 

 

Le quatrième pouvoir est muselé. La presse est subventionnée par l'Etat et financée par la publicité des grands groupes financiers. Le statut des journalistes devient de plus en plus précaire et le « free­lance » devient la règle. Sécurité d'emploi, promotions et beaux reportages ont pour prix la liberté d'expression. L'auto-censure spontanée a remplacé la censure. Les journalistes relaient donc et distillent les directives du pouvoir. C’est pour cela que l’on vente les mérites du cocooning. Pour cela aussi que l’insécurité n’est pas un enjeu politique : l’électeur-consommateur doit rester chez lui, devant sa télévision, pour absorber docilement les consignes du pouvoir. On l’éduque. On lui dicte ses émotions. On lui dit ce qu’il doit penser, ce qu’il doit acheter, ce qu’il doit voter. 

 

L’électeur lui-même est perverti. Il ne vote plus pour des idées. Il ne s’intéresse plus à des projets de société. Il vote utile : pour qui peut lui procurer un avantage quelconque, un emploi, un logement social… L’électeur est corrompu. Les politiciens l’ont volontairement corrompu. Ils ont conçu un système de clientélisme. Les institutions, la législation, les procédures ont été compliquées à dessein. Pour jouir de ses droits les plus élémentaires, il faut être guidé dans le labyrinthe des règlements par les rabatteurs politiques : syndicats, mutuelles, permanences sociales. A moins de se payer de coûteux juristes, le citoyen ne peut bénéficier des avantages auxquels il a droit, qu’en quémandant l’aide des auxiliaires du pouvoir politique. « Tu ne sauras à quoi tu as droit, que si tu votes pour moi… ».  

 

Malgré tout, les politiciens doutent de l’électeur. Parce qu’un tel système n’est pas éternel : il porte les germes de sa propre destruction. Le peuple pourrait se réveiller. Le peuple n’est pas fiable ? Le peuple devient exigeant ? Changeons donc de peuple ! Importons de nouveaux électeurs, une nouvelle clientèle. Plus docile, plus influençable parce que plus pauvre et moins formée, moins gênante : acheter les voix des nouveaux venus sera plus aisé. De toutes façons, on taxera les autres, moins disciplinés, ceux qui refusent le statut de quémandeur, de client, ceux qui s’obstinent à travailler.   

 

La Nation est victime de cette mauvaise farce. Elle n'a droit qu'à se serrer la ceinture pendant que politiciens et courtisans se partagent prébendes, mandats juteux et pots-de-vin. L'oligarchie est irresponsable et intouchable : quoiqu'il arrive, elle restera toujours au pouvoir. Pour se servir. Que le peuple paie ses erreurs, sa mauvaise gestion et son aveuglement ? Les politiciens s'en moquent : ils ne risquent pas d'être touchés par ces problèmes. Ils sont protégés : tout ce petit monde se tient par la barbichette. Et il n’y a pas d’opposition pour les dénoncer ou pour les remplacer. Il ne peut y avoir d’opposition, parce que tous sont d’accord pour la liquider. Par tous les moyens. 

 

Y a-t-il encore un démocrate dans la salle ?

 

R. K.  

 

Note de la Rédaction : Depuis mars 1996, date de rédaction de cet article, le parti ÉCOLO est arrivé au pouvoir, et malgré des semblants de démocratie interne, il ne semble guère déroger aux règles valables pour les autres partis et expliquées ci-dessus...

 

 

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