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FAUT-IL INTERDIRE LE DROIT DE Grève ?

 

La grève qui s’est éternisée durant plus de trois mois à AGC Automotive (ex-Splintex) de Fleurus a relancé la triste réputation d’une Wallonie grévicultrice.

C’est l’occasion où jamais de se pencher sur le droit de grève et de prendre position à ce sujet.

Avant tout, nous devons préciser que le FNB, fidèle à sa philosophie de liberté maximale pour tous, est opposé à l’interdiction du droit de grève. Certains y voient un droit fondamental et inaliénable, nous ne le contesterons pas, pour autant que ce droit s’exerce dans le cadre légal existant, et de manière responsable.

Il nous semble en effet inadmissible que d’aucuns saisissent l’occasion d’un conflit social pour se permettre des abus, des débordements et des illégalités. Dès lors qu’une loi a été votée démocratiquement, elle doit être appliquée!

Historiquement, la grève trouve une justification tout à fait légitime. Devant les abus de certains patrons, soutenus souvent par un appareil d’état ploutocratique, la seule arme du prolétariat était le syndicalisme et la grève.

Le syndicalisme de manière à agir de manière concertée et solidaire face à des employeurs qui détenaient le pouvoir. La grève, parce que c’était le seul moyen de « faire mal » au patron en paralysant son capital investi et en lui faisant perdre de l’argent.

Cela était vrai dans une économie peu concurrentielle, relativement protectionniste, voire autarcique. Dans une société de classes telles qu’on la connaissait au XIXième ou au début du XXième siècle, on trouvait face à face les patrons et les salariés. L’analyse marxiste – qui s’est révélée fausse – n’était pas totalement dépourvue de fondement dans un tel contexte.

Grève et syndicalisme posent cependant problème dans une société mondialisée, où les capitaux ne connaissent plus de frontières et circulent librement à la vitesse de l’électronique.

L’analyse d’une société fondée sur des classes sociales solidaires par delà les frontières est totalement dépassée, si tant est qu’elle ait jamais été pertinente.

En ce qui concerne les services publics, il est permis de s’interroger sur la conformité aux principes démocratiques du droit de grève.

D’une part, si un service public a été instauré, c’est qu’il était jugé indispensable à la collectivité par le pouvoir. Est-il donc légitime de paralyser une entreprise au service de tous et indispensable à la collectivité, au nom d’intérêts particuliers, ou de l’intérêt d’une catégorie d’individus? L’intérêt général devrait en principe primer les intérêts particuliers ou corporatistes…

D’autre part, en démocratie, la politique menée par les autorité publiques devrait être conforme à la volonté démocratique du peuple: il serait dès lors inadmissible de s’y opposer.

C’est d’ailleurs ce que pensait un de nos anciens premiers ministres, le socialiste Achille Van Acker, lui-même ancien ouvrier, qui fit licencier des postiers pour fait de grève.

Il est par ailleurs significatif de constater la puissance des syndicats dans les services publics et le taux de grève qui y est largement plus élevé que dans le privé. Serait-ce que les managers publics sont si mauvais? Où que les agents de l’Etat peuvent trop se permettre? Où encore que les syndicats prétendument représentatifs soient devenus un véritable état dans l’Etat? Il est vrai qu’une administration ou un service publics ne peuvent en principe jamais tomber en faillite…

Faut-il préciser qu’en principe, outre les inconvénients et pertes diverses générés par une grève de service public, les avantages arrachés par les grévistes sont normalement financés par le contribuable, c’est-à-dire vous et moi.

En ce qui concerne les entreprises privées, elles constituent une personne juridique agissant dans la sphère économique. La concurrence se joue entre entreprises dans un même secteur, sur le plan international. La mondialisation et la levée des barrières douanières dans le cadre de l’OMC (anciennement GATT), sont un fait qui s’impose, qu’on le veuille ou non. De plus, il serait inconcevable de revenir à un protectionnisme et à une économie autarcique, à l’heure d’Internet et des transferts financiers électroniques. Les entreprises sont donc obligées de relever les défis de la concurrence et du « dumping social ». Et comme les pouvoirs publics ont interdiction d’intervenir dans la sphère économique concurrentielle, il n’y a plus rien à attendre de ceux-ci, sinon de mettre en place un cadre politique et légal favorable au développement de nos entreprises.

Dans un tel cadre, les grèves sont un pur anachronisme et démontrent la totale incompréhension des enjeux. Au sein d’une entreprise, les actionnaires, le management et les salariés sont embarqués sur le même bateau: le succès de l’entreprise profite – ou devrait profiter – à tous, tandis que la régression ou la faillite pénalise tout le monde.

Le combat économique ne consiste pas – ou plus – à s’approprier une part plus ou moins large du bénéfice de l’entreprise, mais à générer et utiliser de manière plus efficiente que les entreprises concurrentes le cash-flow généré. A défaut, les salariés perdent leur emploi, et les investisseurs leur capital. Bien plus, les pouvoirs publics le paient également lourdement en allocations de chômage et en perte de recettes fiscales.

Il est dès lors incompréhensible que les pouvoirs publics cherchent à attirer des investisseurs étrangers – souvent des multinationales – au lieu de favoriser l’investissement autochtone. Il est significatif à cet égard de constater que l’argent belge cherche à émigrer vers d’autres cieux moins taxés et donc à profiter à des étrangers, et que les pouvoirs publics belges cherchent à attirer des capitaux étrangers avec l’argent confisqué aux investisseurs belges. Il est pourtant notoire que le capital étranger n’est pas très stable et s’envole dès que l’offre est plus alléchante ailleurs. La solution évidente n’est-elle pas de favoriser l’implantation d’un capitalisme autochtone?

Pour en revenir à la grève, il est évident que toute grève nuit à l’entreprise qui y est confrontée. Soit les capitaux sont belges, et l’entreprise est pénalisée sur le plan de la compétition internationale: les salariés scient la branche sur laquelle ils sont assis, ou plutôt mordent la mamelle qui les nourrit.

Soit les capitaux sont étrangers, et la perte de productivité générée par la grève pousse l’investisseur étranger à se tourner vers d’autres cieux plus productifs ou plus stables socialement… En outre, toute grève dans une entreprise a des répercussions sur les autres investisseurs qui risquent d’être effrayés: l’environnement économique est en lui-même tellement aléatoire que le capital cherche toujours à réduire ses incertitudes et les risques – et le climat social en est un des éléments.

En bref, une grève – même justifiée – a toujours un effet négatif sur l’emploi futur!

Il conviendrait, dans l’intérêt de tous d’abandonner les schémas périmés de lutte des classes et d’opposition d’intérêts entre les salariés et les employeurs, pour se tourner vers les véritables défis: la compétition internationale, c’est-à-dire une opposition d’intérêts avec les entreprises étrangères.

Mais ceci suppose une révision fondamentale des schémas de pensée hérités du passé et la création d’un climat de confiance et de franche collaboration au sein de nos entreprises.

Cela devrait se faire, selon nous sur la base d’un véritable contrat social au sein des entreprises. Sans capital, pas d’investissements et pas de travail. Sans la compétence et les efforts des travailleurs, le capital ne peut fructifier. L’intérêt de tous est donc de collaborer en dehors de tout schéma conflictuel.

Le capital à risque doit rapporter plus que les livrets d’épargne ou les emprunts d’Etat, sinon, il ne sera jamais investi pour créer de l’emploi. Il semble dès lors légitime de lui garantir un rendement au moins égal à ceux-ci.

Personne n’a envie de travailler pour un salaire égal aux allocations de chômage. Il est dès lors légitime de garantir un revenu supérieur à ceux qui ne travaillent pas.

Quant au moyens financiers générés par l’entreprise, il semble normal, dans un esprit de coopération, que ceux-ci soient partagés entre les divers partenaires. Une partie doit être réinvestie, pour préserver et développer l’outil, ce qui garantit l’emploi futur. Une partie peut être partagée entre les investisseurs et les travailleurs. Plutôt que de les partager sur une base conflictuelle, préjudiciable à tous – investisseurs, travailleurs et pouvoirs publics –, il semble logique de les partager sur base contractuelle.

En outre, ces mesures devraient générer une nouvelle solidarité au sein de l’entreprise. Il est en effet curieux de constater qu’actuellement beaucoup d’entreprises raisonnent sur base de chiffres abstraits: « pour rester compétitif, il faut réduire la masse salariale d’autant, et donc licencier autant de salariés... ». Etrange manière de penser: ou bien les salariés sont indispensables à l’entreprise – ce qui devrait être le cas dans une société bien gérée – ou bien ils ne devraient pas s’y trouver !

S’il s’agit de réduire la masse salariale, une véritable solidarité devrait se concevoir en jouant sur le niveau des salaires plutôt que sur le nombre de salariés: les camarades devraient se serrer collectivement la ceinture pour éviter des licenciements, et non préserver le niveau des salaires en faisant supporter les restrictions par une minorité qui perd son emploi.

Les pouvoirs publics devraient d’ailleurs s’opposer au licenciement de certains pour préserver le niveau de salaires de la majorité: c’est en effet la collectivité qui supporte, via les allocations sociales, l’essentiel du coût des licenciements.

Une véritable solidarité entre travailleurs ne se conçoit dès lors que si l’on envisage des salaires variables en fonction de la situation de l’entreprise, donc pourquoi pas une participation contractuelle aux bénéfices? Les licenciements, ou de préférence la mise au chômage temporaire, ne seraient envisagés que si le niveau de salaire de base se rapproche du niveau des allocations de chômage.

Pour parler clairement, un intéressement aux bénéfices est donc la solution que nous préconisons. Evidemment, ceci n’est concevable que dans la mesure où la comptabilité est transparente et accessible aux salariés: il serait scandaleux que les dirigeants d’une entreprise dissimulent des bénéfices pour les soustraire au partage.

Pour continuer dans cette logique, il serait donc légitime que les salariés soient associés à la direction et au contrôle, par exemple par une représentation au sein du conseil d’administration.

Une telle révolution n’est envisageable que si la fiscalité des entreprises diminue considérablement: à défaut, le capital s’y opposera. Ceci ne pénaliserait cependant pas les pouvoirs publics: ils y gagneraient par la voie des impôts sur le revenu et par une meilleure efficience de l’économie.

Bien sûr, une série de mesures devraient accompagner une telle révolution, mais ceci est une autre histoire. On peut citer, par exemple, une « TVA sociale » ou l’instauration de prêts hypothécaires dont le remboursement serait lié au revenu…

Autre argument qui devrait convaincre le patronat: l’intéressement aux bénéfice implique une meilleure motivation et une plus grande créativité à tous les échelons de l’entreprise, et une source non négligeable de lutte contre le gaspillage: la productivité y gagnerait considérablement.

Pour conclure, nous sommes opposés à toute mesure coercitive. Il s’agit de convaincre que la grève est un instrument obsolète et contre-productif. Dans le cadre de la mondialisation et d’une concurrence internationale sans merci qui nous est imposée, les entreprises sont devenus des acteurs au sein desquels on doit créer de nouvelles solidarités. Le partage des bénéfices et des pertes nous semble une piste digne du plus haut intérêt.

Quant au secteur public, il nous semble qu’un organisme indépendant devrait servir d’arbitre entre les fonctionnaires et le pouvoir pour fixer le niveau des salaires et avantages sociaux, en tenant compte de l’ensemble des statuts, dans les divers ministères et parastataux, sur la base du budget disponible et des contraintes spécifiques des emplois: il n’est pas normal que les rémunérations de la fonction publique soient fixés sur la base de rapports de force en prenant les citoyens en otage.

R.K.

 

 

 

(Bastion n°88 de mars 2005)

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