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LE RAPPORT EXPLOSIF DE LA CIA

En décembre 2004, la CIA – plus précisément son National Intelligence Council, présidé par l’ambassadeur Robert L. Hutchings – a rendu public le rapport « Mapping in global future ». Celui-ci, comme nombre d’études de la CIA, est accessible à tous, mais en Anglais uniquement, via le site internet de la CIA (www.cia.org).

Qualifié d’explosif par la presse économique, il a été accueilli avec condescendance par les autorités européennes voire purement et simplement ignoré par nos dirigeants.

Certains ne veulent lui accorder aucun intérêt, du fait qu’il est public, et par conséquent ne viserait qu’à intoxiquer les non-américains. Voilà une grille de lecture un peu courte, nous semble-t-il.

Nombre de prévisions ne se réalisent jamais, il n’empêche qu’elle devraient générer une réflexion et des remises en cause salutaires, de manière à mieux maîtriser notre avenir.

Gouverner, c’est prévoir. Mais il semble que nos gouvernants préfèrent se laisser entraîner au gré des événements, pour autant qu’ils peuvent tirer profit de leurs prébendes.

Il faut d’abord constater que pour la CIA, l’Union Européenne semble quanté négligeable:constat réaliste ou peur de la réalité?

La méthodologie utilisée pour établir ce rapport est intéressante: il se fonde sur un dialogue avec des experts indépendants.

Quatre grands thèmes sont abordés. Afin de les illustrer, un scénario fictif est présenté pour chacun de ceux-ci. Nous allons les passer en revue. Ceci ne signifie bien entendu pas que nous adhérons à ces analyses.

1. Les contradictions de la globalisation

La globalisation aura un visage de moins en moins occidental: la Chine et l’Inde deviendront des poids lourds économiques. Ils dépasseront tous les autres pays industrialisés, à l’exception des Etats-Unis. Il pourrait en être de même du Brésil et voire de l’Indonésie.

L’Europe aura raté la révolution technologique: elle sera largement dépassée par la Chine, l’Inde et d’autres pays émergents. Contrairement à l’Europe, ceux-ci investissent massivement dans les nouvelles technologies (nanotechnologies, biotechnologies…). Les montants investis par ces pays émergents sont colossaux en termes absolus, mais plus encore rapportés au pouvoir d’achat local.

Ces progrès scientifiques s’accélèrent de plus en plus dans les pays émergents. Cela pourrait poser problème, car que de nombreuses technologies civiles peuvent également être utilisées dans le domaine militaire, ce qui est source d’instabilité. Actuellement, la Chine forme trois fois plus d’ingénieurs que les Etats-Unis.

Les développements technologiques devraient permettre de réduire les inégalités sociales, il n’en sera pourtant rien: celles-ci persisteront même au sein de l’OCDE et pourraient même s’accroître au niveau mondial.

Le scénario « Le monde de Davos » permet de conclure que:

a) la croissance des marchés asiatiques imposera des réformes aux économies occidentales.

b) dans un système d’échange global, il faudra intégrer les économies émergentes, ce qui ne se fera pas sans mal.

c) Une puissante économie globalisée ne suffira pas à résoudre certaines crises.

2. L’émergence de nouvelles puissances modifie le paysage géopolitique

Le fait marquant sera l’émergence de l’Asie et notamment de la puissance militaire chinoise: la Chine deviendra la seconde puissance mondiale.

Cependant, le rythme de la croissance chi

noise pourrait poser problème. La Chine connaîtra en effet un sérieux problème de vieillissement de sa population, qui aura des conséquences sociales comparables à celui des autres pays occidentaux. Ceci pourrait susciter des problèmes dans de nombreux domaines et donc de l’instabilité.

L’émergence de la puissance indienne posera également de nombreux problèmes, notamment dans le domaine de l’environnement. L’Inde pourrait devenir un pôle d’attraction pour d’autres pays et constituer un contrepoids à la Chine. La politique de restriction des naissances entraînera également un déséquilibre entre classes d’âges au sein de la population.

Les ressources énergétiques vont doper la croissance économique de la Russie, mais celle-ci va devoir affronter de graves problèmes démographiques et sociaux. Celle-ci sera affaiblie également par des conflits avec l’islam sur sa frontière sud.

Le rôle et le poids de l’Europe dépendront largement de sa capacité à intégrer les nouveaux pays adhérents.

Les dépenses de défense de l’Europe devraient être largement dépassées par la Chine et d’autres pays émergents, qui considèrent déjà l’Europe avec dédain. Cette dernière restera incapable de se défendre elle-même.

La dénatalité et la contraction de la population active posera de très sérieux problèmes à l’Europe dans les domaines économique, social et politique. L’Europe sera contrainte d’adapter sa capacité de travail, de réformer son système social, son éducation, son système fiscal, et d’accepter un accroissement de l’immigration(1) – principalement en provenance des pays musulmans –, à défaut de quoi, elle sera confrontée à un déclin prolongé qui mettra en danger les acquis de l’Union Européenne.

Les processus de décision au sein de l’Union Européenne devront être revus et simplifiés, si l’Europe veut relever les défis auxquels elle est confrontée.

La croissance économique de l’Europe est très faible, du fait de sa législation sociale rigide et de son incapacité à entamer les réformes nécessaires. Ceci met en danger la cohésion, voire l’existence même de l’Union. L’exemple suédois montre cependant qu’il est possible de trouver des solutions sans remettre en cause les acquis sociaux. Il faudra impérativement augmenter le taux d’activité des femmes et de la population de plus de 50 ans, tout en accroissant la flexibilité du travail.

La CIA estime que l’Europe devrait favoriser une immigration légale, plus facile à intégrer, que de fermer ses frontières, ce qui ne freine en rien une immigration illégale, qui pose bien plus de problèmes d’intégration à long terme. Même en cas d’arrêt de l’immigration, l’Europe devra relever le difficile défi d’intégrer une population musulmane en pleine croissance.

Il est peu probable que l’Europe continue d’intégrer d’autres membres au delà des candidats actuels.

La demande croissante en énergie est un défi majeur à relever. Les énergies fossiles resteront prépondérantes (39% pour le pétrole, 24% pour le gaz, 22% pour le charbon, 6% pour le nucléaire et 8% pour les énergies renouvelables).

La croissance de la demande en énergie (50% d’ici 2020 contre 34% pour 1980-2000), surtout chez les puissances émergentes (Chine, Inde…), provoquera une compétition exacerbée pour leur contrôle et une source sérieuse d’incertitudes.

L’Europe sera de plus en plus dépendante de la Russie 

pour ses approvisionnements énergétiques, ce qui aura des implications politiques.

La situation où le monde est dominé par une seule super-puissance – les USA – est unique. Cette situation ne sera pas fondamentalement remise en cause à l’échéance 2020, malgré l’opposition de plus en plus grande, surtout chez les musulmans, à la domination américaine. De nombreux pays estiment en effet plus efficace d’influencer les Etats-Unis en coopérant avec eux qu’en s’opposant à eux.

Un scénario intitulé « Pax americana » est examiné. On en conclut que les USA seront confrontés à un environnement international de plus en plus complexe, qui imposera beaucoup de dextérité. Les USA pourraient arbitrer l’équilibre entre la Chine et d’autres pays asiatiques.

3. Les nouveaux défis de gouvernance

Si les nations resteront le fondement de l’ordre global, leur influence ira décroissant, au profit des ONG et des entreprises transnationales.

Les migrations de population des pays pauvres vers les pays développés, vont s’intensifier, ce qui obligera une quantité croissante de pays à devenir multi-ethniques et multi-religieux. Ceci constituera un véritable défi pour intégrer ces populations, si on veut respecter leur identité ethnique et religieuse.

Si la croissance économique favorise la démocratisation, le risque reste grand que des jeunes démocraties – en ex-Union Soviétique et en Asie, notamment – retournent à l’autoritarisme.

Il existe un fossé énorme, et croissant, au niveau des libertés et de la démocratie entre les pays islamiques et le reste du Monde. Ceci est notamment attribué à l’absence de croissance dans ces pays, sauf dans le secteur énergétique. De nombreux experts sont pessimistes. La manière dont ces pays réagiront à la croissance de l’islam radical est primordiale. Une longue période de pétrole à prix élevédevrait être mise à profit pour réaliser les réformes économiques et fiscales indispensables dans ces pays.

Les nouvelles technologies PC, Internet, GSM… ont des effets positifs sur la productivité, mais surtout dans le domaine politique: elles permettent la diffusion des idées démocratiques... ou anti-démocratiques, c’est selon. Elles permettent la création de communautés d’intérêts trans-nationales, qui peuvent compliquer les tâches des Etats et institutions qui veulent générer un consensus interne. Elles permettent aussi de défier leur autorité et leur légitimité. Internet peut notamment aider à préserver la culture d’origine des immigrés.

Les thèmes populistes vont émerger en tant que force politique puissante, surtout suite aux fractures économiques et ethniques générées par la mondialisation, notamment en Amérique Latine. Il en sera de même pour les nationalismes en Asie. On assistera à une résurgence des phénomènes identitaires. Les migrants auront notamment tendance à se réfugier dans des certitudes ethniques et religieuses qui leur sont propres. A l’exception des peuples européens, on assistera partout à une recrudescence des engagements religieux fondamentalistes.

En Europe, défendre la laïcité pourrait être un obstacle à l’intégration des immigrés musulmans, qui considèrent comme discriminatoire l’interdiction d’afficher des symboles religieux. On assistera partout à une recrudescence de l’activisme, voire de la violence, religieux.

L’islamisme radical est en pleine expansion, surtout dans les régions à très forte natalité (Moyen-Orient et Afrique). Il exprime l’aliénation d’une jeunesse très nombreuse, en déphasage complet avec les politiques irresponsables de leurs gouvernements. Cet islamisme aura un impact global significatif. Il pourrait servir de point de ralliement au delà des frontières nationales ou ethniques, voire se constituer sous une autorité commune (califat). Il séduira de plus en plus d’immigrés musulmans attirés par la prospérité européenne, mais qui rejettent la culture occidentale. Les différences religieuses et ethniques seront une source de conflits.

L’Europe serait islamisée dès 2020. Le nombre de musulmans devrait passer de 13 millions aujourd’hui, à 22 millions, voire 37 (estimation la plus haute), en 2025.

Scénario envisagé: « Un nouveau califat ». Il n’est pas nécessaire qu’un califat s’installe pour que l’islam présente un défi sérieux pour l’ordre international. La mondialisation des médias va intensifier le fossé entre le monde occidental et l’islam. La proclamation d’un califat ne diminuerait pas les risques de terrorisme, mais au contraire pourrait en alimenter un nouveau type.

4. L’insécurité dominante

L’essentiel du terrorisme international continuera à s’identifier avec l’islamisme radical. La renaissance de l’identité musulmane va créer un cadre pour la diffusion de l’idéologie islamique radicale., y compris en Europe occidentale.

Il existe des indices sérieux montrant la volonté de provoquer une insurrection internationale islamique visant à renverser plusieurs gouvernements séculiers et apostats.

L’anti-globalisation et l’anti-américanisme pourraient constituer un pôle de ralliement. La CIA pense que al-Qa’ida pourrait inspirer de nombreux groupes islamistes plus diffus qui prendraient le relais. Au méthodes terroristes classiques, il faudra vraisemblablement ajouter les armes biologiques, voire nucléaires. Il ne faudra pas non plus négliger le terrorisme informatique.

La grande criminalité internationale sera également, sans aucun doute en expansion. De nombreux pays musulmans y semblent particulièrement vulnérables, notamment à cause de leur très haut niveau de corruption. L’immigration sera elle-même source de criminalité, sur base d’organisations ethniques, qui utiliseront leur diaspora pour conquérir de nouveaux terrains de chasse. On peut redouter que des collaborations s’établissent entre le terrorisme et les grandes organisations criminelles internationales.

Une économie léthargique, une solidarité ethnique, le fondamentalisme religieux et une jeunesse pléthorique constituent le vivier idéal pour générer des conflits internes. Les pays concernés sont pour la plupart musulmans et se trouvent exclus de la globalisation. Les guerres civiles sont en général les conflits les plus horribles, générant des flots de réfugiés et déstabilisant les pays voisins.

Les puissances émergentes pourraient également être sources de conflits: la Chine avec Taïwan ou l’Inde avec le Pakistan. On assistera aussi à une prolifération des pays dotés d’armes de destruction massive, ce qui augmentera ipso facto les risques de leur utilisation par des terroristes.

Les crises internationales postérieures à la guerre froide ont démontré l’inefficacité totale des institutions internationales pour résoudre les crises. Pourtant, l’impuissance croissante des Etats impose une meilleure coordination au niveau international pour résoudre les problèmes communs. Les ONG vont se substituer de plus en plus aux Etats et aux institutions internationales pour résoudre les problèmes.

Scénario développé: « Le cycle de la peur ». Le cycle de la peur, généré par l’escalade des armes de destruction massive et le terrorisme, une fois initié, est un des plus difficiles à arrêter.

En conclusion du rapport Malgré ces constats peu encourageants, les USA restent les mieux armés pour répondre à ces défis globaux.

Les acteurs non-étatiques joueront un rôle de plus en plus grand, d’une part les organisations terroristes, qui représentent la principale menace, d’autre part, les ONG et les entreprises multinationales qui incarnent l’aspect positif de diffusion de la technologie, du progrès social, humanitaire et économique.

La capacité de l’Europe a assumer son rôle international est particulièrement peu claire et dépend de sa capacité à résoudre ses problèmes économique et démographique, ainsi que de se forger sa propre vision stratégique sur le Monde.

La manière dont les musulmans seront intégrés, ou non, dans les sociétés européennes aura un impact majeur sur la manière dont le monde musulman ressentira si un conflit de civilisations est inévitable ou non. L’Islam posera en effet un problème majeur: la réalisation d’un califat détruirait les fondements mêmes de l’actuel système international.

Les USA et autres pays resteront vulnérables au terrorisme international.

Pour Washington, la manière dont sera gérée l’émergence de l’Asie est le plus grand défi à relever pour ses relations internationales. L’Asie sera en effet le moteur du changement mondial. Le point délicat est de savoir si l’émergence de la Chine et de l’Inde se fera sans accroc.

Selon la CIA, la supériorité militaire des USA ne sera pas remise en cause par les acteurs internationaux: plutôt qu’un affrontement direct, ils utiliseront des stratégies indirectes. Les USA devront tenir compte de l’opinion publique mondiale qui a considérablement changé depuis la fin de la guerre froide. Ils devront gérer leurs relations avec le reste du monde dans le sens d’un meilleur consensus.

Réaliste? A vous de juger!

 

(1) Ceci est une opinion de la CIA que nous ne partageons bien entendu pas! Notre vision est, au contraire, de stopper l’immigration extra-européenne et de relancer la natalité autochtone.

 

Trends-Tendances a relevé, de manière un peu caricaturale – pour mieux disqualifier le rapport? –, huit prédictions :

(1) L’Europe dépassée par le Brésil et l’Indonésie; (2) L’Europe, superpuissance vieillissante; (3) L’éclatement de l’Union Européenne; (4) L’Europe dépendante du pétrole et du gaz russes; (5) L’Europe islamisée dès 2020; (6) L’Europe scientifique distancée par les pays émergents; (7) L’Europe de la Défense: une armée invisible; (8) Montée en puissance des ONG et des réseaux criminels.

 

(Bastion n°87 de février 2005)

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