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LE MYTHE EGALITAIRE
« Les hommes naissent libres et égaux… ». « Liberté, égalité fraternité ». Voilà deux mythes extrêmement populaires, mais dévastateurs. L’histoire comporte une collection impressionnante d’utopies plus ou moins généreuses qui ont mobilisé les masses au seul profit de quelques uns. La plupart des monstruosités dont l’humanité peut avoir honte sont le fruit de tels mythes mobilisateurs : combien de crimes ont été perpétrés au nom d’idées apparemment généreuses ! Les hommes ne naissent ni libres ni égaux. Jamais! La liberté s’acquiert et se mérite par un dur combat quotidien: elle n’est en aucun cas un don du ciel ! Quant à l’égalité, il n’y a que ceux qui sont moins égaux que d’autres qui peuvent y croire. Nous disserterons un jour plus longuement du problème complexe de la liberté dans ces colonnes. Il n’est pas difficile de comprendre que la liberté n’est pas la possibilité de faire ce que l’on veut : la liberté est une règle d’organisation sociale, mais aussi une discipline dans les rapports avec soi-même et avec autrui. Règle et discipline s’opposent à l’anarchie et au désordre. La liberté n’est donc pas un état spontané, mais le fruit d’une organisation sociale qui constitue l’exception. L’égalité entre les hommes est non seulement un mythe, mais elle n’est même pas souhaitable. En ce qui concerne le mythe égalitaire, la controverse des années 1970 relatives à l’inné et l’acquis est aujourd’hui éteinte. Il n’y a plus qu’une arrière-garde aveuglée par des considérations idéologiques de gauche qui nie encore le rôle primordial joué par l’hérédité1 dans la détermination des capacités intellectuelles, des traits psychologiques, de la santé2 et du potentiel physique. Il est donc clair que les hommes ne naissent pas égaux : seuls les jumeaux monozygotes possèdent le même patrimoine génétique. Dès lors, à moins de procéder au clonage humain et aux manipulations génétiques, l’égalité humaine doit être considérée comme une pure utopie. La part acquise par l’éducation ou l’expérience, largement minoritaire, est en effet incapable de compenser l’influence prépondérante de l’hérédité. En toute logique, l’égalité suppose un critère. Ce critère peut être la taille, le poids... ou toute autre mesure objective. On peut être égal en intelligence, si tant est que l’intelligence puisse être mesurée. Une égalité en fonction de tous les critères, signifie que l’on est identique. Deux êtres égaux en tout points sont des jumeaux parfaits ou des clones. Si un critère permet de déceler une différence, on est différents. Les êtres vivants sont si complexes qu’il existe une infinité de points de comparaison, et que même de purs clones, ou des jumeaux parfaits sont en réalité différents. Les hommes ne sont donc jamais égaux dans l’absolu. En outre, les comparaisons multicritères posent de tels problèmes logico-mathématiques qu’en réalité, il est impossible de classer les êtres humains suivant une hiérarchie objective. Il serait bien plus simple de comparer des pommes et des poires. Et si quelqu’un devait définir un seul critère de classement, qui le choisirait ? En dehors de la lutte – par la force ou par la ruse, qui imposerait un classement hiérarchique –, il n’y a pas d’autre solution que d’admettre une règle fictive telle que l’égalité en droits. Ou bien on admet une société hiérarchisée, fondée sur des rapports de force et de domination, ou bien on se résout à une société d’échange et de coopération fondée sur l’égalité des droits. L’égalité réelle, si tant est qu’elle puisse être réalisée, ne pourrait d’ailleurs être qu’imposée. L’égalité s’oppose donc à la liberté : pour réduire les inégalités – il est impossible de les supprimer, à moins de réduire la société à un cimetière de clones –, il faut supprimer les libertés et utiliser la contrainte pour forger tout le monde dans le même moule. L’égalité n’est par ailleurs pas souhaitable. Toute socié té, qu’elle soit primitive ou développée, suppose une différentiation des tâches et des rôles. Il n’y a pas de société sans organisation et sans spécialisation. La société humaine la plus élémentaire est le couple, et au sein d’un couple, homme et femme ont des rôles différents, effectuent des tâches différentes. La nature l’a imposé, et c’est un bien. Si les êtres humain étaient identiques, tout le monde pourrait se suffire à lui-même, il n’y aurait pas de différentiation des rôles, pas de spécialisation des tâches, pas d’échange, et pas de société. Les individus seraient en compétition permanente les uns avec les autres pour s’approprier les ressources. C’est l’échange et la spécialisation des tâches qui ont permis le progrès humain. La spécialisation des tâches est le résultat des différences entre individus, capacités, talents et aspirations, qui varient d’un individu à l’autre. Et ces différences font que chaque être humain peut trouver un rôle qui lui convienne, où il peut se spécialiser et être meilleur qu’un autre dans son domaine propre. La spécialisation implique forcément l’échange. L’échange est une opération où chacun se dessaisit de quelque chose qu’il possède et acquiert en contrepartie autre chose qu’il ne possède pas. Le résultat de l’échange est que la satisfaction globale augmente : chacun est plus satisfait qu’avant l’échange, sinon, il n’y aurait pas eu de transaction. La loi de David Ricardo relative aux avantages comparatifs entre nations peut ainsi être transposée au niveau micro-économique entre individus3. Si tout le monde était identique (égal), il n’y aurait pas de raison de se spécialiser, et donc d’échanger. L’égalité réelle détruit donc la vie sociale. Et rend donc l’homme malheureux : l’homme est intrinsèquement un être social, programmé génétiquement en ce sens. Sans relations sociales, l’homme ne peut s’épanouir, au contraire, il s’étiole. Pourquoi le mythe de l’égalité est-il donc si mobilisateur ? Parce que, comme tous les mammifères vivant en société, l’homme possède dans son paléocortex un instinct hiérarchique qui le pousse à occuper la place la plus élevée possible dans la hiérarchie sociale. Et quand on offre à ceux qui se sentent au bas de la hiérarchie une possibilité, même utopique, de monter dans la hiérarchie, ils la saisissent, d’autant plus facilement qu’elle leur demande peu d’efforts. Pour les faibles dominés, la coalition est en général la seule option pour détrôner les forts dominants. Mais qui dit coalition dit organisation, et l’organisateur est en général quelqu’un de plus malin que les autres qui se sert de la coalition pour détrôner le dominant à son seul profit4. Le mythe de l’égalité des hommes, vieux comme le monde, n’est donc qu’une recette dont se servent des individus sans scrupules pour conquérir le pouvoir et s’en servir à leur seul profit. Quelles que soient les politiques que l‘on veut mener, il faut analyser la réalité telle qu’elle est et non telle qu’on la voudrait. Qu’importe si cela ne fait pas plaisir. Sans quoi, on se condamne à de solides désillusions. La solution ? Démonter les mythes et dénoncer les manipulateurs. Il faut accepter la réalité avec lucidité, même si elle ne fait pas toujours plaisir. Ensuite, tirer le meilleur parti possible de la réalité inégalitaire pour essayer d’obtenir un optimum social tel que personne ne puisse améliorer sa position sans détériorer celle des autres5. La démocratie, où règne une véritable égalité des droits6 entre citoyens est, jusqu’ici, la méthode politique la plus efficace que l’on ait trouvée pour approcher cet optimum. Encore faut-il que la démocratie soit effective et ne soit pas un paravent qui permette à une oligarchie totalitaire d’imposer ses lubies. R.K. 1. Voir par exemple l’ouvrage « Des gènes au comportement », rédigé par une équipe dirigée par les professeurs Robert Plomin, John C. Defries, Gérard E. McClearn, et Michel Rutter, et édité par De Boeck Université, dans la collection Neurosciences et Cognition. Bruxelles 1999.2. Il est désormais prouvé que nombre de maladies ont une origine exclusivement ou partiellement génétique (prédispositions à développer la maladie). 3. Deux travailleurs savent faire des chaussures et des chapeaux. Le premier est plus «compétitif» que l’autre dans les deux productions, mais dans des proportions différentes. Pendant que le second confectionne quatre chapeaux, il en produit – dans des conditions identiques – cinq. Avantage pour lui: 20 p. 100. Pendant que le second fabrique deux paires de souliers, il en produit trois. Avantage: 33 p. 100. Il sera de leur intérêt mutuel que chacun se spécialise dans l’occupation où il est le meilleur, 4. Telle est la nature du socialisme : se servir du mécontentement des masses pour renverser le pouvoir au profit d’une nouvelle élite, souvent plus tyrannique encore que la première. 5. On parle dans ce cas d’optimum parétien, de Vilfredo Pareto (1848-1923), sociologue et économiste italien. 6. Il est justifié d’adopter le postulat selon lequel les êtres humains sont égaux en droit, vu que les processus de décision multicritères posent de sérieux problèmes à qui voudrait démontrer le contraire. Il faudrait décider préalablement des critères à utiliser pour établir une hiérarchie, or il n‘y a aucun moyen logique de déterminer par un processus de décision collective les critères de décision indispensables sans fixer préalablement le poids décisionnel de ceux qui participent à la décision. Evidemment, pour sortir de l’impasse, certains préfèrent choisir les rapports de force, ou la manipulation…
(Bastion n°85 de décembre 2004) |