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Un long dimanche de fiançailles Amis du Bastion, j’ai choisi, pour ce mois de décembre, de vous entretenir d’Un long dimanche de fiançailles ; le dernier film de Jean-Pierre Jeunet, présenté, par les publicitaires, comme un film événement sur la première guerre mondiale. Cette annonce réalisée dans la période de commémoration du 11 novembre visait à attirer un public – dont je suis – toujours marqué par un conflit aux proportions cataclysmiques. N’est-ce pas, finalement, à cause de la première guerre mondiale que la civilisation européenne a perdu sa suprématie ? Qu’elle est passée d’un statut de puissance dominante à celui d’impuissance dominée ? Toutefois, les esprits curieux de la Grande Guerre risquent d’être déçus par ce film. Celui-ci est davantage une histoire d’amour - doublée d’une intrigue policière – qu’un récit historique. Car, Un long dimanche raconte la quête d’une jeune femme, Mathilde, dont le fiancé (Manech) a disparu sur le front de la Somme en 1917. Malgré l’avis officiel de décès, Mathilde (Audrey Tautou) refuse de croire à la disparition de Manech, quelque part dans le no man's land d'une tranchée nommée Bingo Crépuscule. Tout le film est bâti sur cette recherche de la vérité dictée par l’intuition. Comme dans toute bonne enquête, les vraies pistes se mêlent aux fausses, l’espoir alterne constamment avec le désespoir. Outre les vieilles recettes empruntées au film policier, Jeunet ajoute une technique de composition du suspense très prisée des auteurs anglo-saxons – telle Marie Higgins Clarck –, qui consiste à présenter les mêmes événements vus par plusieurs personnages. Cette technique permet les retournements de situation et, surtout, les récits parallèles dans la reconstitution de la vérité. Dans cet exercice, il faut reconnaître à Jeunet un talent certain. Malgré la superposition des récits et des destins, le spectateur ne perd pas le fil conducteur de l’histoire. Les quelques allers-retours entre le passé (1917) et le temps présent de l’enquête (1919) s’articulent adroitement. Les flashs-back montrent les combats de tranchées avec un réalisme qui fait mieux comprendre la souffrance de nos aïeux et la force héroïque de leur caractère. Parvenu à ce stade de la réflexion, on pourrait penser qu’il ne reste plus qu’un avis en forme d’eurêka à donner : nous avons trouvé un bon film francophone à recommander. Hélas, c’est précisément à ce moment de l’analyse que le bât idéologique du film commence à blesser la plume du critique. Car il faut bien le dire, en dehors des satisfactions esthétiques et techniques qu’il procure, le film de Jeunet laisse le goût amer d’une manipulation bâtie sur tous les mensonges gauchistes relatifs aux mutineries de 1917. Sur le coup, je me suis fait la réflexion que le fonds de commerce idéologique d’Un long dimanche de fiançailles était le reflet de la sous-culture historique des artistes officiels. Puis, je me suis rappelé que lorsque Le fabuleux destin d’Amélie Poulain (le précédent film de Jeunet) est sorti, les critiques l’avaient agoni d’injures l’accusant de prôner le retour de la France de Vichy. Ceci, au motif que le film présentait une image faussement mono-ethnique du pays. En dépit de la présence de l’acteur Jamel Debrouze dans le rôle du nabot maghrébin persécuté par le méchant épicier franchouillard. Certains diffamateurs de Jeunet laissaient même entendre que le titre du film contenait une contrepèterie cachée, jamais trouvée, louant Pétain. Or, pour un artiste français, quoi de plus redoutable que d’être soupçonné de pétainisme ? C’est comme l’être de rexisme en Belgique. Il y a de quoi finir à l’index pour un bon siècle et perdre son gagne pain. De là à penser que Jeunet ait, rapidement, éprouvé un besoin pécuniaire de rédemption idéologique il n’y a qu’un pas. Cela expliquerait, en tout cas, sa réécriture totalement orwellienne des mutineries de 1917, dans le dessein manifeste de salir la mémoire du maréchal Pétain et de s’en démarquer à jamais. De quoi s’agit-il ? Au début d’un long dimanche de fiançailles, la caméra s’apitoie longuement sur le sort de quelques condamnés à mort pour automutilation. Les cinq hommes sont, lentement, conduits vers le lieu de leur exécution. Sur un soit disant ordre express de Pétain, ils ne doivent pas être fusillés, mais jetés dans le no man’s land qui sépare les tranchées françaises des tranchées allemandes. Le but du supplice est de faire mourir à petit feu les mutins sous les yeux de leurs camarades, tués par l’ennemi, le froid ou la faim. Plus loin dans le film, Jeunet reprendra, à une ou deux reprises, cette accusation ignominieuse. Notamment dans la scène de la vengeance avortée, qui devait conduire à l’assassinat de ce salaud de Pétain et qui mène son instigatrice à la guillotine. Or, il faut le dire avec force l’idée que le futur maréchal ait pu être à l’origine de tels ordres est absolument contraire à la vérité historique. Dans le faits, le Général Pétain n’a jamais cessé de manifester de la compassion et de la tendresse à l’égard de ses soldats. C’est précisément ce trait de caractère qui a épargné à une armée française totalement démoralisée l’effondrement, lors de l’été 1917. Un brin d’histoire s’impose ici pour comprendre à quel point Jeunet a travesti la vérité. Quand Pétain est nommé commandement de l’armée du Nord et du Nord-Est, le 15 mai 1917, il succède à l’incompétent Nivelle. Ledit généralissime était le concepteur de la fumeuse théorie de l’offensive de rupture qui a conduit à la bataille du Chemin des Dames (16 avril, 1917) et au massacre, pour rien, de 29.000 soldats français. Avant même la bataille, Pétain avait prédit son échec. Le sort des armes lui ayant donné raison, il est nommé pour remplacer Nivelle et enrayer la crise morale qui se développe à la vitesse d’une contagion. A peine arrivé sur le front, Pétain se rend compte de l’ampleur du désastre psychologique résultant de l’impéritie de Nivelle. Si rien n’est entrepris, dans les plus brefs délais, pour restaurer le moral des troupes l’armée sera disloquée par les mutineries. Chronologiquement, ces dernières ont débuté le 29 avril, soit seulement deux semaines après le Chemin des Dames et ne cessent de s’étendre. Elles sont inspirées par le mouvement dit des permissions qui revendique le respect des tours de permission et de meilleures conditions matérielles. Mi-mai, au moment précis où Pétain entre en fonction, la crise entre dans son paroxysme. Chaque jour, on dénombre entre quinze et vingt corps de troupes en situation de rébellion. Début juin, le nombre des mutins déclarés se situe entre 50.000 et 100.000. L’armée est littéralement en voie de décomposition, face à un adversaire qui n’a rien perdu de sa discipline. Pourtant, dès le mois d’août Pétain a repris les choses en main. Fin septembre 1917, les mutineries ne sont, déjà, plus qu’un mauvais souvenir et la discipline rétablie partout. Comment le général est-il parvenu à ce retournement ? Quelle a donc été sa vraie méthode ? D’abord, Pétain s’est forgé une opinion personnelle des vrais motifs de la révolte. Il s’est fait remettre des dizaines de rapports et des centaines de lettres interceptées par la censure militaire. Dans sa correspondance privée, il indique qu’il livre à une étude psychologique des doléances avant de passer à l’action. Rapidement, il prend la décision de visiter le plus grand nombre d’unités possibles et de se parler directement aux hommes de la troupe. Malgré ses soixante ans passés, il déploie une énergie physique exceptionnelle et inspecte plusieurs dizaines de divisions en quelques semaines. Au fur et à mesure de sa prise de contact avec le terrain, Pétain parvient à la conclusion que le mouvement des permissions est légitimement fondé. Dans une note au gouvernement, il écrit : « Ainsi, le combattant va jusqu’à exprimer sa conviction que le commandement l’abandonne à ses misères, n’a pas le souci de sa santé morale et physique et le traite comme un outil sans âme ». Ledit gouvernement est dirigé par Paul Painlevé. Un homme de gauche, bien connu pour être dreyfusard. Malgré cet humanisme de façade, Painlevé se sent aux abois et peu enclin à la clémence. Pour mater les mutins, il exige de Pétain la plus expéditive des fermetés. Ce à quoi le Général répond : « Je maintiendrai (la) répression avec fermeté sans oublier qu’elle s’applique à des soldats qui, depuis trois ans, sont dans les tranchées et qui sont nos soldats. » Et de réaffirmer qu’en dépit de la crise, il offrira les garanties d’un tribunal pour tous les mutins. Comme on le constate, on est loin des fantasmagories gauchistes colportées par Jeunet. Ironie du sort des idéologies, c’est même le militaire réputé d’extrême droite qui se soucie du sort des pauvres poilus contre les injonctions répressives de la gauche gouvernementale. Il y aurait là de quoi en boucher un coin à toutes les cervelles spongiformes rongées par l’encéphalite médiatique… Pour conclure sur cet épisode des mutineries de 1917, il faut, aussi, reconnaître à Pétain le mérite d’avoir su, restaurer des conditions de survie bien plus acceptables pour ses soldats. Grâce à lui, les tours de permission ont été rétablis. Le rattrapage des permissions perdues a été effectué, l’amélioration de l’ordinaire réalisé. Mais, plus que tout, on devrait rendre grâce à Pétain d’avoir pratiqué une répression limitée. Après enquête minutieuse, les tribunaux placés sous sa responsabilité directe prononcent 412 condamnations à mort pour mutinerie. Seulement 55 sentences seront exécutées. Encore, Pétain n’a-t-il voulu retenir que les cas les plus graves, tels que les actes de rébellion armée. Pour les autres condamnés, il ordonne leur discret transfert au Maroc ou en Indochine. Néanmoins en bon psychologue, il laisse se propager la rumeur selon laquelle les mutins graciés ont été fusillés pour l’exemple. Ainsi, limite-t-il le nombre des exécutions sans en limiter les effets. La mansuétude de Pétain, dans l’exécution des peines, se manifeste, également, dans son commandement. Dans sa première directive à ses armées, il écrit que les conditions ne sont pas réunies pour la rupture stratégique et que l’important est d’user l’adversaire avec le minimum de pertes et d’épargner le sang en évitant l’effort brutal de percée et de mort se développant indéfiniment et avec une obstination aveugle sur le même champ clos. Les combattants de la première guerre mondiale ne s’y trompèrent pas. Ils adorèrent littéralement ce nouveau chef, si différent des Nivelle, Mangin et consorts, dont Jeunet ne pipe mot. Aussi, n’est-ce pas parce que la seconde guerre mondiale a donné tort à Pétain qu’il faut réécrire la première ; comme dans le 1984 d’Orwell, où chaque fois qu’un dignitaire du régime tombe en disgrâce, on réécrit son passé pour démontrer qu’il a toujours vécu dans l’erreur. Pour cette raison, il convient de voir Un long dimanche averti des contrevérités qu’il propage. Conscient qu’il exalte, comme bien d’autres films européens, des valeurs de lâcheté et de soumission. Finalement, on aurait préféré pour le récit de ces tragiques événements un traitement à la Alien la résurrection, dans lequel Jeunet n’avait pas, précisément, donné dans la guimauve gauchisante. Il est vrai que cette œuvre là visait le marché des Etats-Unis. Tandis qu’Un long dimanche - également financé par des capitaux américains – est, de toute évidence, destiné à l’Europe du déclin. Ainsi, vérité au-delà de l’Atlantique n’est qu’erreur en deçà… Alexandre Lignières
Réaction (courrier des lecteurs) et réponse de l'auteur
Je trouve l’article de monsieur Alexandre Lignières paru dans le dernier Bastion particulièrement maladroit. Cet article prenait la défense du maréchal Philippe Pétain pour son action durant la première guerre mondiale (Un long dimanche de fiançailles). Je ne doute pas que Monsieur Lignières ait historiquement raison, il n’empêche qu’il a indiscutablement politiquement tort. Le combat que vous menez est déjà tellement couvert d’embûches qu’il est inutile d’en rajouter. Que Pétain ait eu un comportement conforme à la version de monsieur Lignières ou qu’il soit le traître sympathisant d’Hitler que nous présente l’histoire officielle n’a aucune importance pour les combats actuels. On sait que l’histoire officielle est toujours celle des vainqueurs et de l’idéologie dominante. Démontrer le contraire vous place d’office dans le camp du vaincu et permet de faire l’amalgame avec les pires monstruosités. Dans un monde où l’histoire est peu connue et présentée pour servir les intérêts du pouvoir, il n’y a plus qu’une histoire en noir et blanc. Les bons sont caricaturalement bons et les mauvais sont mauvais jusqu’au bout des ongles. C’est scientifiquement faux et regrettable, mais c’est un fait qu’il est vain de nier. Vouloir trouver des circonstances atténuantes aux mauvais ou nuancer l’aspect des bons vous place inévitablement dans le camp des mauvais, des fascistes, des nazis et des bourreaux d’Auschwitz. En trouvant la plus petite qualité à Pétain, en lui accordant des circonstances atténuantes, non seulement vous ne convaincrez aucun ignare, mais vous apportez de l’eau au moulin de vos adversaires qui veulent vous stigmatiser en vous assimilant au nazis. Quant aux férus d’histoire, il y a longtemps qu’ils savent à quoi s’en tenir. […] Vous disposez de faibles moyens, ne gaspillez donc pas votre énergie dans des combats secondaires et perdus d’avance. Réfléchissez et concentrez vos moyens sur l’essentiel et la clé de tout : le combat pour rétablir la Démocratie et la Liberté. De plus, vous serez inattaquables sur ce terrain ! Vous devriez avoir pour discipline de ne jamais aborder, ni de près ni de loin, les questions relatives à la période historique taboue. Quoi que vous disiez à ce sujet, cela se retournera toujours contre vous. G.R. 1070 Bruxelles Mise au point de Mr A. Lignières Cher Monsieur, J'ai bien lu votre lettre dont j'ai apprécié le style et la pertinence. Je vais, peut-être, vous surprendre, mais je partage entièrement votre avis. Je me suis, d'ailleurs, donné pour ligne directrice de ne pas disserter, ou le moins possible, sur les ''tabous'' de l'histoire. Je sais que quoi que l'on puisse en dire, même si cela était fondé sur des faits reconnus, cela nous serait reproché. C'est pour cette raison que j'ai décidé de ne pas écrire sur La chute, le film narrant les derniers jours d'Hitler dans son Bunker. Ceci, malgré le succès du film en salle et les intéressants débats qu'il suscite. Quel qu'aurait été notre avis sur la question, le risque était trop grand que nous fussions automatiquement accusé de complaisance envers le régime nazi. Dans le cas d'un Long dimanche de fiançailles, j'ai commis une faute d'inattention. Je me suis laissé emporté par l'outrance des mensonges de Jeunet. Ce sont eux que je visais et non Pétain, personnage étranger à notre histoire nationale. Comme vous le savez, mes remarques ne concernaient pas l'action politique du maréchal français, pendant la seconde guerre mondiale, mais bien la conduite militaire du général allié en 1917. Je ne pensais pas qu'en parlant de la première guerre mondiale, je risquais de tomber dans les pièges idéologiques de la seconde. Je me suis manifestement trompé. Hélas, c'est un fait que vous soulignez avec justesse, nous vivons dans un régime de terreur intellectuelle. Il faut, donc, s'autocensurer. Pour l'instant, cette autocensure doit, selon moi, principalement porter sur la période qui va de janvier 1933 à mai 1945. D'ailleurs, cela ne me pose, aucune difficulté d'ordre idéologique ou technique. Les thèmes de mes critiques me sont effectivement dictés, le plus souvent, par une actualité cinématographique dont je ne suis pas maître. Or, la sacro-sainte période n'y fait plus, autant, recette que dans les années 1960-1970. J'ai donc peu l'occasion d'être déclaré hérétique par l'inquisition juridico-médiatique. Le risque de l'autocensure est, cependant, de laisser l'esprit délétère des temps présents réécrire toute l'histoire de l'Europe. L'astuce ne consiste-t-elle, précisément, pas à déclarer taboue les périodes qui ne sont pas conformes à la présente ? C'est-à-dire toutes celles qui lui ont précédé, puisque celle que nous vivons est une ère de rupture, caractérisée par l'appétence de la mort collective. De la sorte, il ne serait déjà plus possible de parler d'une oeuvre qui aurait pour cadre le Congo belge, les croisades ou la bataille de Poitiers. Si nous voulons transmettre les valeurs qui fondent notre nation et notre civilisation, il nous faut, malgré tout, conserver une certaine indépendance d'esprit. Ceci, au risque de l'erreur d'appréciation politique. J'espère que vous excuserez celle-ci. Elle est, je dois le confesser publiquement, aussi le fruit de mauvaises habitudes rédactionnelles, contractées du temps où les pensées et les opinions étaient libres. Merci de m'inviter à la prudence exégétique. Je vous promets de faire attention à l'avenir afin de ne pas être déclaré relaps. Bien à vous, AL. Pétain Philippe Pétain
(Bastion n°85 de décembre 2004) |