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Y A-T-il ENCORE UN GOUVERNEMENT ?
Depuis les élections de 2003, on peut se demander s’il y a un gouvernement en Belgique. En théorie, il y en a six et « seulement » 55 ministres, dont certains avec plusieurs cabinets… Avant les élections de juin 2004, tout était paralysé par la préparation des élections régionales. Mais depuis, cela ne va pas mieux. Incapacité à résoudre un problème ponctuel tel que l’extension de DHL, pas de budget crédible, blocage sur la scission de l’arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde… Entre-temps, l’économie va mal, le chômage et la délinquance augmentent (malgré les statistiques falsifiées), le lien social se délite, la corruption progresse, les pensions sont menacées et personne ne voit où on va, sinon à la catastrophe ! Même si le gouvernement reste en selle, il est en crise. Les causes sont connues. La réforme permanente de l’Etat est un échec. Le fédéralisme de la Belgique est un monstre institutionnel, compliqué, inefficace, coûteux, et totalement anti-démocratique. Les réformes se sont faites sans vision d’ensemble et sans cohérence, uniquement en fonction de marchandages ponctuels et d’intérêts particularistes. Les pouvoirs publics s’occupent de tout, sauf des vrais problèmes. Ils visent plus à satisfaire les intérêts de groupes de pression bien organisés qu’à répondre à l’intérêt général ou aux besoins de l’ensemble des citoyens. Les politiciens administrent, mais ne gèrent pas. Ils tentent de concilier les intérêts contradictoires de leur clientèle politique. Ils négocient entre eux les revendications à court terme auxquelles ils sont soumis. Aucune gestion, aucune vision d’ensemble, aucune perspective d’avenir. Leur horizon le plus lointain est, au mieux, la prochaine élection. Pour réussir en politique belge, il faut être un spécialiste de l’institutionnel. Et quand on arrive à s’y retrouver dans le labyrinthe des institutions belges, on ne connaît forcément rien d’autre: pas d’économie, pas de sociologie, pas de finances, et surtout pas de bon sens! Tout au plus savent-ils comment se remplir les poches et s’octroyer un maximum d’avantages. Les vents sont toujours défavorables pour ceux qui ne savent où ils vont! Il serait temps d’avoir le courage de poser un véritable diagnostic. De savoir où on veut aller et d’oser proposer de vraies solutions. Il serait également temps de moderniser l’Etat et sa gestion! Sait-on que l’Etat n’a même pas de comptabilité en partie double, comme les entreprises? On en est toujours à une comptabilité en partie simple, une comptabilité de caisse! Comme au Moyen-Âge. Il n’y a pas d’inventaire du patrimoine public, digne de ce nom. L’Etat ne sait même pas ce qu’il possède exactement! Pas de véritable comptabilité analytique. Pas de budget pluriannuel. Pas de récompenses pour ceux qui réalisent des économies. Au contraire! On a depuis longtemps abandonné les timides tentatives de gestion, telles que le PPBS, le ZBB, ou la RCB, certes imparfaits, mais rien n’est venu s’y substituer... Pas de gestion par objectifs, et même pas d’objectifs définis, sinon des effets d’annonce dans la presse! La répartition des crédits se fait uniquement en fonction de la puissance politique des bénéficiaires, et non des réels besoins. Et cerise sur le gâteau, pas de clôture ni de reddition des comptes dans des délais utiles, donc une irresponsabilité totale des mandataires publics. Que l’électeur moyen ne comprenne rien à ce charabia et à la gestion publique n’est qu’un demi-mal. Que les ministres, les députés et même les hauts-fonctionnaires n’en connaissent pas plus est une véritable catastrophe! Milquet n’a-t-elle pas écarté Edouard Descampe, patron des mutualités chrétiennes, de la présidence du conseil d’administration de la RTBF, au motif qu’il serait incapable de lire un bilan? Comment peut-on défendre dans ces conditions l’idée que l’Etat puisse jouer un rôle sur la scène économique. Comment s’étonner dans ces conditions que tout aille mal? Qu’il n’y ait jamais assez de moyens? Comment être encore optimiste pour l’avenir? Il est temps de changer de politique. Il est temps de changer la politique!
(Bastion n°83 d'Octobre 2004) |