Assassins et exécuteurs ...
Le Belge moyen qui ne veut pas mourir idiot se doit, soit de lire un quotidien, soit de regarder un journal télévisé. Celui qui fait les deux est un courageux qui mérite une médaille.
Quand on se résout à se farcir le JT concocté par la grande maison du boulevard Reyers, ces derniers temps, on commence par absorber une longue séquence sur le procès Dutroux. Voilà en effet un criminel devenu célèbre et que tous les journaux de la planète nous envient. Reste à se demander pourquoi on n'a pas depuis belle lurette pendu haut et court cette crapule et ses acolytes.
Puis, viennent les deux tartes à la crème de l'information au quotidien, c'est à dire l'Irak et la Palestine. C'est ici que se pose un curieux problème de vocabulaire. Lorsque les Israéliens se servent d'un hélicoptère pour envoyer au paradis d'Allah le récent leader du Hamas, il s'agit, en langage ertébéen d'un « assassinat ».D'ailleurs, Big Loulou embraye aussi sec très exactement dans le même sens.
Mais ce qui est tout à fait étrange, c'est que lorsque des Irakiens, qualifiés à l'occasion de « résistants » tuent un otage italien qui n'avait commis d'autre crime que de se trouver à Bagdad à un moment où il aurait eu intérêt à être ailleurs, on parle cette fois d'une « exécution » ! Saluons au passage le courage de ce brave qui comme ultime propos déclare: « Vous allez voir comment meurt un Italien ». Bayard n'aurait pas dit mieux.
Il s'agit ici beaucoup plus que d'une nuance de vocabulaire, mais bien de la façon dont on aborde l'un et l'autre cas, ainsi que de la prise de position envers des problèmes majeurs de notre temps.
Je ne ferai pas ici le procès de notre honorable ministre des affaires étrangères, encore qu'il le mériterait peut-être. On peut admettre en effet qu'il est tenu, par sa fonction et sous la pression internationale, de prendre des positions fermement déterminées dans des cas précis de ce genre. En attendant, je me demande pourquoi les pontes qui régissent l'Europe jettent avec un ensemble touchant l'anathème sur les Israéliens. Il doit y avoir à cela d'obscures raisons qui m'échappent...
En tous cas, j'incrimine les positions prises par notre principale chaîne de télévision francophone.
Un assassinat est crime majeur. Une exécution est affaire de Justice. C'est une stricte question de vocabulaire dont il n'y a pas moyen de se départir. Donc les Israéliens sont des criminels et les Irakiens des justiciers. Dixit RTBF. Si nous nous plaçons à un strict point de vue éthique, nous avons cependant dans le premier cas la réaction d'un Etat envers le promoteur, le responsable, à tout le moins spirituel, d'actions terroristes envers des Juifs dont la responsabilité en l'occurrence ne dépasse pas celle de l'électeur qui met son bulletin de vote dans l'urne. Dans le second cas, il s'agit d'un crime manifeste commis de sang froid sur la personne d'un innocent. Or, dans les deux affaires, sans insister mais par ses artifices de vocabulaire, notre télévision nationale prend parti pour le terroriste!
On voudra bien remarquer ici que je ne prends nullement position sur le fait de savoir si la présence américaine sur le sol irakien se justifie ou non : cela sort de mon propos.
Mais le massacre délibéré d'innocents par des actions terroristes barbares, commis d'une part par les Irakiens et de l'autre par les organisations palestiniennes est hautement condamnable au nom de la morale qui a cours dans nos pays de culture humaniste. Pour parler vulgairement, tout cela est à mettre dans le même sac. En outre, d'un point de vue purement pratique et égoïste, lsraël ne menace aucunement les puissances occidentales, au contraire des terroristes musulmans: les Américains et les Espagnols en savent quelque chose. Par conséquent, et en toute bonne logique, il y aurait lieu de prendre les positions exactement à l'opposé de celles qu'on voudrait nous imposer dans le JT soir!
Au nom d'un tiers-mondisme de pacotille, la RTBF, et elle n'est pas la seule, sans le dire ouvertement, mais de manière insidieuse, par l'artifice de la parole, prend des positions qui sont exactement à l'inverse de notre éthique et de notre intérêt national.
Sévignac
(Bastion n°80 d'avril 2004)