Programme FNB - Le FNB - Démocratie - Insécurité - Islam - Armes - Armée belge - Santé - Féret - Le Bastion - Emploi - Enseignement - Vos élus - |
En
route vers Mars et les étoiles Par
Charles Magne
Chers et fidèles lecteurs, l’actualité
spatiale de ces dernières semaines nous offre une occasion unique de placer nos
réflexions de ce mois de mars sous le signe de son astre tutélaire. Saluons
donc l’heureuse coïncidence et dirigeons nos regards vers la belle planète
rouge.
Tout a commencé comme un joli conte de Noël. Dans un concert de
trompettes médiatiques, on nous a annoncé que l’Europe allait damer le pion
américain sur l’échiquier spatial. En effet, après un voyage de six mois,
la mission européenne Mars Express approchait, la première, de la planète
Mars vers laquelle se dirigeaient également les missions américaines Spirit
et Opportunity. Le 20 décembre, le module d’exploration Beagle 2 se détachait de la sonde Mars Express. Tout était prévu pour que Beagle se posât le 25 décembre dans la matinée.
Jusqu’à ce moment, tout s’était déroulé à merveille ; si
bien que les hautes instances de l’agence spatiale européenne (ESA) vendaient
la hotte du père Noël avant qu’elle ne soit déposée dans la cendre
martienne en déclarant que l’opération était un succès sur toute la
ligne. Toutefois, le miracle n’était pas au rendez-vous. Peu après le moment théorique de son atterrissage, les ingénieurs de l’agence spatiale européenne durent se rendre à l’évidence : Beagle 2 n’émettait plus aucun signal. Le module s’était-il écrasé ? Son système de communication était-il, subitement, tombé en panne ? Nul ne le saura, sans doute, jamais. Néanmoins,
l’échec embarrassait les médias. N’avaient-ils pas clamé, haut et fort,
que rien ne pouvait plus empêcher la réussite de la mission ? Que nous
coifferions la NASA sur le poteau d’arrivée ? Alors,
comme aux meilleures heures de la propagande soviétique, les médias adoptèrent
l’hypothèse la plus invraisemblable. Ils affirmèrent que Beagle 2 était,
probablement, tombé au milieu d’un cratère dont les parois empêchaient le
bon déploiement de son antenne et par conséquent de communiquer avec la terre.
Pendant presque deux semaines, cette fable fut inlassablement répétée au
grand public et pimentée d’anecdotes techniques qui lui donnaient un soupçon
de crédibilité. Parmi ces anecdotes, il y eut celle selon laquelle le message
qui devait réveiller le module endormi était une séquence de notes composée à
la manière d’un air de rap. Hélas,
malgré toute la bonne volonté multi-culti de nos ingénieurs, Beagle
2 ne s’est pas mis à se tortiller sur ses jambes mécaniques et n’est
pas sorti de son trou. Le
‘’suspens’’ Beagle prit fin avec l’arrivée, bien réelle, du
rover américain Spirit, le 5 janvier. A peine, celui-ci fut-il posé sur
Mars qu’il envoyait des images saisissantes de sa surface. Dès lors, les médias
officiels n’eurent de cesse de dévaloriser le succès américain. Cela commença
par les difficultés que Spirit rencontra pour descendre de sa
plate-forme d’atterrissage. Sa rampe était, en partie, bloquée par les
airbags qui avaient amorti sa chute. On entendit, alors force experts nous
expliquer que Spirit pourrait bien rester coincé et ne jamais accomplir
sa mission. Dans le même temps, le site en ligne de la NASA détaillait les
solutions techniques envisagées pour pallier la difficulté.
On notera, au passage, que ce même site rencontrait un véritable
engouement planétaire puisqu’il enregistrait plus d’un milliard (vous avez
bien lu 1.000.000.000) de consultations en moins de 48 heures. On voit bien,
ici, la différence de mentalité avec l’agence spatiale européenne qui, au même
moment, s’abstenait de diffuser au public européen les photographies prises
par la sonde Mars Express restée en orbite. Pourtant ces clichés établissaient,
de manière formelle, que l’eau avait coulé à la surface martienne. Ce qui,
de l’avis unanime de la communauté scientifique, constitue une découverte
majeure. De fait, est-on saisi par le contraste entre une conception qui
consiste à mettre la conquête spatiale à la portée de tous (NASA) et celle
qui en réserve les fruits à une technocratie indifférente aux aspirations du
peuple (ESA).
Peu après cet énorme cafouillage médiatique, l’ESA annonçait que le
module Beagle était définitivement perdu et qu’il lui faudrait plus
de dix ans pour préparer une autre mission. Autrement dit, l’exploration de
Mars, par les Européens, était reportée sine die. Faute de courage et
de moyens, l’essai ne serait pas transformé.
On aurait pu penser que cette série de rebuffades aurait amené les médias
officiels à un peu plus d’humilité dans leurs commentaires. Mais, que nenni.
Plus l’Europe affichait son impuissance technologique, plus les journalistes
s’en prirent aux succès américains. Ainsi, aux environs du 11-12 janvier, on
commença à diffuser une information selon laquelle une équipe française
avait découvert, grâce à l’aide de bédouins, une météorite martienne
dans le Sahara. Cet événement, assez anecdotique en soi, donna lieu à une
nouvelle campagne d’agit-prop dans laquelle, on soutint que la NASA dépensait
inutilement l’argent des contribuables américains pour prendre quelques
‘’pâles’’ clichés de la surface martienne alors que nous étions
capables de ramener des échantillons de roche pour une somme dérisoire. Il est
vrai qu’il est plus facile de monter une croisière à dos de chameau qu’une
croisière interstellaire… Faisant d’une pierre [si l’on ose dire] deux
coups, les médias officiels saluèrent, au passage, la collaboration
‘’scientifique’’ avec le Maghreb et l’islam, trouvant là une occasion
inespérée de faire passer les minarets pour des fusées intergalactiques. Dans
ce contexte, on est même étonné que l’échec de Beagle 2 n’ait pas
été imputé au complot identitaire ourdi par les forces islamophobes. Quoiqu’il en soit, les mirages sahariens se dissipèrent rapidement à l’annonce que Bush Imperator allait faire une importante déclaration sur les nouvelles orientations du programme spatial américain, le 14 janvier, au siège de la NASA. La conférence de presse n’avait pas, encore, eu lieu que l’on glosait déjà sur les motifs inavouables de la communication présidentielle. Nombreux furent ceux, en Europe, qui prédirent que Bush allait profiter de l’occasion pour violer ses obligations internationales et se désengager de la station spatiale internationale construite en coopération avec les Européens, les Japonais et les Russes.
Cette diversion anti-Bush visait, dans les faits, à dissimuler le véritable
contenu du futur programme spatial états-unien. Or, celui-ci comporte un
ensemble de mesures qui vont révolutionner l’industrie aérospatiale des
vingt prochaines années. En résumé, ces mesures sont : -
L’achèvement de la station internationale ISS, d’ici à 2010. -
La mise hors-service des navettes obsolètes à la même échéance de
2010. -
De 2010 à 2014, la construction d’un nouveau véhicule spatial dénommé
Crew Exploration Vehicle ou CEV. -
L’installation d’une base permanente sur la Lune. -
La conquête de Mars aux environs de 2030.
Si l’on est en droit de penser que le discours de Bush est
inspiré par des considérations électoralistes, il ne faut pas oublier qu’il
obéit, aussi, à une logique implacable de puissance. Il faut, effectivement,
replacer ce discours dans la perspective du premier vol habité chinois et la
promesse faite par les dirigeants de la Chine d’aller sur la Lune d’ici
quinze ans.
Or, s’il est un risque que les Etats-Unis ne veulent pas prendre,
c’est bien celui d’être dépassé par leur grand concurrent asiatique. En
cela, ils sont condamnés à prendre l’initiative. Ce qu’il y a de
remarquable ici, c’est que les dirigeants américains ont décidé de prendre
les devants en réalisant un nouveau bond technologique. Car, tandis que les
Chinois essayeront d’atteindre la Lune par des moyens classiques, les Américains
tenteront de mettre au point un système de propulsion atomique qui leur
permettra de faire des allers-retours fréquents vers notre satellite et, plus
tard, d’atteindre les autres planètes du système solaire.
On comprend que cet objectif, qui tirera toute la société américaine
vers le haut, est loin de faire l’unanimité chez les bien-décadents. C’est
ainsi, que l’Omar Michel n’aurait rien trouvé de mieux à dire, que l’initiative
de Bush était digne de la guerre froide et qu’elle relancerait la course aux
armements. Il faut avouer qu’on ne saisit pas vraiment tout le sens de la réaction de notre génie international. En quoi cela concernait-il une Belgique engagée dans une course frénétique au désarmement unilatéral ?
Estomaqués par le discours impérial de Bush, les journalistes se
tinrent cois, sur le chapitre spatial, pendant une bonne huitaine. Cependant,
ils y revinrent le 23 janvier pour annoncer hilares que le robot Spirit
était tombé en panne. Ce dernier rencontrait, en effet, de graves difficultés
de communication, son débit d’informations étant brusquement passé de
11.000 bits/s à 120.
La mine réjouie des journalistes se dissipa toutefois rapidement quand,
quelques jours plus tard, ils apprirent que le second rover, Opportunity,
s’était posé sans encombre dans un cratère d’une richesse géologique
exceptionnelle – ce qui ne l’empêche pas de communiquer. Tant de
retournements favorables à l’imperium americanum, les persuada
d’abandonner définitivement un sujet qui décidément tournait au cauchemar
idéologique. C’est, ainsi, que courant février, ils passèrent sous silence
le remarquable exploit qui consista pour les équipes de la NASA à reprogrammer
Spirit, à une distance de 400 millions de kilomètres, et à le rendre
à nouveau pleinement opérationnel.
Ce simple constat des faits ne signifie pas pour autant, qu’il faille
tomber dans l’américanolâtrie. Il doit servir, au contraire, à ce
que nous, Européens, prenions conscience de la manière dont la décadence
affecte nos intérêts les plus vitaux. Or, la conquête spatiale est,
aujourd’hui, l’un des moyens les plus assurés pour conserver dans la société
la tension nécessaire à sa survie. Elle porte en elle les vertus qui nous font
défaut, comme le goût du risque et de la grandeur Elle offre la possibilité
de repousser nos limites par une plus grande connaissance de la nature. Elle est
l’un des rares projets de société qui associe l’esprit de science au
romantisme attaché à l’esprit d’aventure.
A ce propos, on ne peut qu’avoir été frappé par les justifications
données par Bush Imperator à sa décision de relancer la conquête spatiale :
« celle-ci incitera les futures générations à étudier les mathématiques
avancées, l’informatique et les sciences de l’ingénierie, elle leur
offrira un but vers lequel tendre, elle profitera à nos industries et débouchera
vers de nouveaux produits dont nous n’avons pas encore l’idée aujourd’hui ».
Là encore, l’opposition est criante avec le dessein de nos dirigeants
qui est d’encourager la pensée magique, par tous les moyens, afin d’abrutir
les masses électorales. Un dessein qui, d’ailleurs, commence à porter ses
fruits puisque dans une récente enquête (février 2004) de la Commission Européenne,
il a été établi que plus de 70% des adolescents de l’Union Européenne
n’envisageaient en aucun cas de se lancer dans des études scientifiques.
Et la Commission de s’interroger sur la manière d’encourager l’étude des
sciences…
La chose serait pourtant simple, si l’on offrait aux jeunes européens
le rêve spatial en partage et si l’on récompensait, à sa juste valeur, l’effort
que requièrent les disciplines scientifiques. Mais cela, serait
contraire aux principes de la réussite pour tous et de la discrimination
positive qui incitent davantage à devenir médiateur de rues qu’ingénieur aéronautique.
L’Europe a déjà manqué deux étapes importantes de la conquête
spatiale : celle du vol habité (la capsule) et celle du véhicule réutilisable
(la navette). Manquera-t-elle, aussi, la troisième étape des nouveaux moyens
de propulsion (CEV) ? Nos
descendants coloniseront-ils la Lune ? Ou vivront-ils dans un état
d’ahurissement complet ? La tête et les yeux voilés ? Persuadés
que la terre est plate et que les
Américains ne seront jamais allés sur Mars ? L’histoire n’est pas écrite.
C’est à chacun d’entre nous de lui donner forme et de refuser les voies du
déclin.
(Bastion n°79 de mars 2004) |