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Démocratie ou particratie ?
Certains lecteurs du Bastion nous ont contactés pour faire remarquer que nous citons souvent – trop souvent à leur gré – Robert Michels et son ouvrage « les partis politiques ». Ils font remarquer à juste titre que ce livre est antérieur à la première guerre mondiale et se demandent s’il est bien d’actualité: la démocratie a bien évolué depuis. Il n’empêche qu’il s’agit d’un classique de la science politique et que les intuitions de Michels – il s’agit plus d’intuitions que d’une étude scientifique au sens moderne du terme – ont été largement confirmées par nombre d’auteurs postérieurs. Pour le confirmer, nous publions le texte ci-dessous. Il ne s’agit pas d’une opinion de Henri Coston, mais bien des conclusions de l’ouvrage « Les partis politiques » du célèbre politologue français Maurice Duverger, qui ne peut vraiment pas être soupçonné de fascisme… Citer un adversaire apporte en effet plus d’eau à notre moulin... ‘’Les adversaires du « régime de partis » trouveront beaucoup d'arguments dans cet ouvrage. L'organisation des partis politiques n'est certainement pas conforme à l'orthodoxie démocratique: Leur structure intérieure est essentiellement autocratique et oligarchique: les chefs n'y sont pas réellement désignés par les adhérents, malgré, l'apparence, mais cooptés ou nommés par le centre ; ils tendent à former une classe dirigeante, isolée des militants, une caste plus ou moins fermée sur elle-même. Dans la mesure où ils sont élus, l'oligarchie partisane s'élargit mais ne devient point démocratie : car l'élection est faite par les adhérents, qui sont une minorité par rapport à ceux qui donnent leurs voix au parti lors des élections générales. Or, les parlementaires sont de plus en plus soumis à l'autorité des dirigeants intérieurs: cela signifie que la masse des électeurs est dominée par le groupe moins nombreux des adhérents et des militants, lui-même subordonné aux organismes directeurs. Il faut aller plus loin : à supposer que les partis soient dirigés par les parlementaires, leur caractère démocratique resterait illusoire. Car les élections elles-mêmes traduisent très mal la nature véritable de l'opinion. Les partis créent l'opinion autant qu'ils la représentent ; ils la forment par la propagande ; ils lui imposent un cadre préfabriqué : le système de partis n'est pas seulement le reflet de l'opinion publique, mais la conséquence d'éléments extérieurs et techniques (tel le mode de scrutin qui s'imposent à elle). Le système de partis est moins une photographie de l'opinion que l'opinion une projection du système de partis. L'évolution générale des partis accentue leur divergence par rapport au régime démocratique. La centralisation croissante diminue de plus en plus le rôle des adhérents sur les dirigeants, en augmentant au contraire l'influence des seconds sur les premiers. Les procédures électorales perdent progressivement du terrain pour la désignation des chefs : la cooptation ou la nomination par le haut, autrefois dissimulées pudiquement, sont maintenant avouées partiellement par les statuts, et parfois hautement proclamées comme un indice de progrès (dans les partis fascistes). Le développement des liaisons verticales et le compartimentage en cloisons étanches, qui en résulte, affaiblissent la liberté d'action de la base et développent les possibilités d'influence du sommet : elles permettent un encadrement précis des partisans, capable d'empêcher tout mouvement d'indépendance vis-à-vis du centre et de maintenir une orthodoxie rigoureuse. La discipline des adhérents s'accroît à la fois par ces moyens matériels et par un effort plus grand encore de propagande et de persuasion, qui les porte à vénérer le Parti et ses chefs et à croire en leur infaillibilité : l'esprit critique recule au profit de l'esprit d'adoration. Les parlementaires eux-mêmes sont soumis à cette obéissance qui les transforme en machines à voter conduites par les dirigeants du parti. On arrive ainsi à ces organismes fermés, disciplinés, mécanisés, à ces partis monolithiques dont la structure ressemble extérieurement à celle d'une armée ; mais les moyens d'encadrement y sont infiniment plus souples et plus efficaces, qui reposent sur un dressage des âmes plutôt que des corps. L'emprise sur les hommes s'approfondit : les partis deviennent totalitaires. Ils requièrent de leurs membres une adhésion plus intime : ils constituent des systèmes complets et clos d'explication du monde. L'ardeur, la foi, l'enthousiasme et l'intolérance règnent dans ces Eglises des temps modernes : les luttes partisanes deviennent des guerres de religion.’’ Certes, Maurice Duverger reste un partisan des partis politiques et leur trouve avec raison de nombreux avantages: Il ne s’agit donc pas de sortir un passage de son contexte. Nous pouvons sans crainte affirmer que l’opinion de Duverger s’applique au système politique belge, qu’il a étudié de manière approfondie. Entre-temps, la situation a largement évolué, et certainement pas dans le sens d’une meilleure démocratie! Non seulement, les partis ont renforcé le système oligarchique (on se reproduit de père en fils et d’amant en maîtresse), mais tout a été fait pour éliminer la concurrence. L’accès aux médias, le financement public (le seul autorisé), le mode d’attribution des numéros de liste, le seuil électoral de 5%, le mode de dépôt des listes (5000 signatures pour les petits partis)… tout est fait pour favoriser les partis en place et barrer la route aux nouveaux venus. La caste au pouvoir veut conserver son monopole! Cette nomenklatura est devenue autonome et de plus en plus coupée du peuple qu’elle veut diriger, éduquer et manipuler... ‘’Nous vivons sur une notion tout à fait irréelle de la démocratie, forgée par les juristes à la suite de philosophes du XVIIIe siècle. « Gouvernement du peuple, par le peuple », « gouvernement de la nation par ses représentants » belles formules, propres à soulever l'enthousiasme et à faciliter les développements oratoires. Belles formules qui ne signifient rien. On n 'a jamais vu un peuple se gouverner lui-même, et on ne le verra jamais. Tout gouvernement est oligarchique, qui comporte nécessairement la domination d'un petit nombre sur le grand. Rousseau l'avait bien vu, que ses commentateurs ont oublié de lire « A prendre le terme dans la rigueur de l'acception, il n'a jamais existé de véritable démocratie et il n'en existera jamais. Il est contre l'ordre naturel que le grand nombre gouverne et que le petit soit gouverné ». La volonté d'un peuple est profondément anarchique : il aspire à faire tout ce qui lui plaît. Obscurément, il considère le gouvernement comme un mal nécessaire en face de lui, son attitude instinctive est d'opposition. Alain a remarquablement décrit l'antinomie naturelle des gouvernants et des gouvernés. Tout gouvernement suppose une discipline. Toute discipline est imposée du dehors: la « discipline intérieure » est elle-même le produit de l'éducation, qui suppose une première discipline externe ; et elle reste toujours très limitée. Gouvernement et contrainte sont inséparables mais, par définition même, la contrainte est extérieure au contraint. Un peuple ne se contraint pas : il est contraint. Il ne se gouverne pas : on le gouverne. Proclamer l’identité des gouvernants et des gouvernés, des contraignants et des contraints, constitue un admirable moyen de justifier l'obéissance des seconds à l'égard des premiers. Tout cela est pur jeu de mots et construction de l'esprit .’’Pour notre part, nous ne pouvons accepter cet état de fait, ni la vision minimaliste du « démocrate » Maurice Duverger. Nous pensons que les politiques sont au service du peuple et non l’inverse et que c’est au peuple de décider des grandes questions politiques, que ce soit par referendum ou via une assemblée statistiquement représentative (tirée au sort). Si la gestion doit être confiée à une élite, les grandes options doivent revenir au peuple souverain. Le peuple s’en fout? Oui, il s’en fout, parce qu’il n’y croit plus, parce qu’il a été leurré durant des dizaines d’années par de prétendus démocrates qui lui ont fait croire que leur système était la véritable démocratie. Il est grand temps de changer de politique et changer la politique. F.X. Robert
(Bastion n°78 de février 2004) |