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De l’éducation à l’élévation des enfants
S’il est un sujet pour lequel un auteur engage sa responsabilité c’est bien celui de l’éducation. Peut-être ses réflexions infléchiront-elles le cours d’une vie. Peut-être seront-elles mal interprétées ou suivies à la lettre[1]. Cependant, quand on voit toute une génération abandonnée aux démons de la modernité, c’est un risque qu’il faut accepter de prendre. En ce mois consacré à la célébration des mystères de l’enfance, il est bon de rappeler quelques principes indispensables à la formation de caractères forts et indépendants. La première question qui vient à l’esprit lorsqu’on aborde le thème de l’éducation est celle de sa finalité. Pour les hommes de l’antiquité, l’éducation devait poursuivre trois buts essentiels : assurer le maintien des institutions de la cité, perpétuer le culte rendu aux dieux, honorer le souvenir des ancêtres. Cette conception du monde était marquée par la croyance selon laquelle l’univers était stationnaire, ordonné par les dieux de toute éternité. Les changements n’étaient qu’apparents. Ils s’inscrivaient dans les cycles de l’éternel retour. Le but de l’éducation était, alors, d’assurer la stabilité d’un ordre social organique où chacun avait une place prédéterminée. A Athènes comme à Rome, l’enfance n’était pas un âge de la vie digne de grand intérêt. Elle était perçue comme la période de transition allant de l’ignorance à la connaissance nécessaire à l’exercice du statut de citoyen. En ces temps difficiles, l’éducation était rude. Sparte et la république romaine, imposaient à leurs enfants un mode de vie si rigoureux qu’il serait, aujourd’hui, jugé comme inhumain. C’était, alors, le prix à payer pour la survie de la cité. Car, à l’extérieur de ses murs, régnaient la barbarie et le chaos. Avec l’apparition du christianisme, le modèle éducatif européen va sensiblement évoluer. Le futur citoyen s’efface devant la créature de Dieu. L’éducation chrétienne se donne pour objectif prioritaire d’élever l’individu au-dessus de sa condition de pécheur. Toutefois, cette élévation doit être perçue dans un cadre purement spirituel. Sinon, elle peut mener à une mauvaise interprétation de la nature enfantine, contraire au principe d’autorité fondé sur le savoir. En effet, selon la vulgate chrétienne, l’enfant bien que futur pécheur revêt, également, la figure du Saint innocent. Si l’on ne retient de sa personnalité que ce seul aspect, il est l'entité le plus proche de la source divine. Il devient, par conséquent, un modèle à suivre et non plus un individu à élever[2]. Heureusement pour la civilisation européenne, les pères de l’église et nos ancêtres ont, longtemps, su se garder de cette fatale erreur par laquelle la charge de la responsabilité pédagogique aurait été inversée. Hélas comme la mauvaise herbe parvient toujours à pousser, cette idée subversive a fini par s’incarner dans une doctrine. C’est à Jean Jacques Rousseau que l’on doit sa mise en forme. Rousseau est un chrétien dévoyé. Aussi conçoit-il, dans Emile ou de l’éducation (1762), l’enfant comme l’homme en l’état de nature. C’est-à-dire fondamentalement bon et non perverti par la société. Dans le livre II de son traité, il préconise, jusqu’à l’âge de 12 ans, l’absence de toute contrainte éducative. Logiquement, il condamne la lecture comme une pratique répressive : « Emile s’instruira par l’expérience des choses et non par la lecture des livres (…) l’enfant découvrira par lui-même toute vérité. » Après l’âge de quinze ans « l’enfant sera invité à savoir des sciences ce qu’il veut savoir, sans excès et sans rien lui imposer ». De tels principes conduisent, en vérité, à un retour à la sauvagerie où toutes les expériences de l’humanité sont à refaire d’une génération à l’autre. En deux siècles, les conceptions funestes du Genevois, se sont progressivement imposées. Elles culminent de nos jours dans de larges franges de la société. Pourtant, la démonstration de leur malfaisance n’est plus à faire. Même le célèbre Docteur Spock (1905-1998), naguère adulé par les gauchistes adeptes de l’éducation permissive, a reconnu que les préceptes anti-autoritaires étaient inopérants. Peu de temps avant sa mort, il a d’ailleurs demandé publiquement pardon aux douze millions de familles américaines dont il « avait ruiné la vie et celle de leurs enfants». On ne saurait être plus explicite. En cela, Spock a été plus courageux et honnête que Rousseau qui tout en dénigrant le modèle éducatif de son époque abandonnait, sans vergogne, ses propres enfants à l’assistance publique. Pour les experts du comportement humain et des neurosciences, il ne fait aucun doute que l’autorité est indispensable au bien-être et à l’épanouissement de l’enfant. Alain de Benoist dans Vu de droite (Copernic, 1978) consacre un chapitre à ce sujet dans lequel il caractérise, en quelques mots, les véritables ressorts de l’éducation anti-autoritaire : « L’éducation anti-autoritaire, ne signifie rien d’autre que l’éducation hyper-autoritaire des parents par les enfants. Le style ‘’copain’’ repose sur une illusion, il suppose chez l’enfant un mode de compréhension des choses qui lui est proprement étranger. Dans cette façon d’éduquer leur progéniture, les parents se mettent en dessous de leurs enfants : ce sont eux qui régressent en âge mental (…). Les parents parlent à leurs enfants comme à des petits chiens, les affublent de diminutifs ridicules. ‘’Langage bébé’’ et chatouillis. Rien dans tout cela ne crée des âmes fortes. (…) Sans le caractère, l’intelligence n’est rien. » Ce diagnostic nous aide à comprendre pourquoi nos gouvernants encouragent le modèle d’une éducation permissive tant à l’école qu’au sein des familles. Leur projet politique est, précisément, de forger des âmes faibles et des corps débiles qui vivront dans la crainte et la dépendance de l’Etat. Rien n’est, effectivement, plus insupportable au regard des tyrans que la vue d’hommes et de femmes libres. Et s’ils ont interdit la pratique des sanctions physiques – la bonne vieille fessée – ce n’est pas par charité d’âme, c’est pour retirer aux parents l’autorité qu’ils exercent, conformément à l’ordre naturel, dans la cellule familiale. Et ce, pour la concentrer dans la sphère de l’Etat, soumise à leur contrôle exclusif. Or, n’en déplaise aux culpabilisés de tout bord, la sanction physique est, parfois, indispensable dans les premiers âges de la vie, car elle est le seul moyen d’indiquer à l’enfant la conduite à adopter. Bien entendu, elle doit être exceptionnelle et modérée. Il ne s’agit pas de martyriser ses enfants. Le recours systématique à la contrainte physique est aussi nuisible que le laisser-aller et conduit au développement des mêmes névroses. La sanction ne doit jamais être humiliante[3]. Elle doit correspondre au stade de développement neuro-biologique de l’enfant. Jusqu’à 6-7 ans, il demeure sous l’emprise de son paléo-cortex[4] et n’est pas encore suffisamment ouvert à la raison. Ensuite, les parties supérieures du cerveau - méso et néo-cortex - prennent le relais et l’enfant devient plus réceptif aux punitions d’ordre symbolique, telles que la privation d’argent de poche, de télévision, de jeu etc. Quel que soit l’âge de l’enfant, il est extrêmement important de ne jamais appliquer de sanction à contretemps[5]. L’enfant doit toujours être en mesure de relier un type d’acte donné à une conséquence prévisible. Ce lien de causalité est le pilier sur lequel repose la rationalité sociale et l’état de droit. Une fois encore, ce n’est pas un hasard si nos tyranneaux essayent de briser ce lien de causalité en bolchévisant l’éducation. Quoi qu’il en soit, il faut conserver à l’esprit que la punition n’est pas une fin mais un moyen pour conduire l’enfant à l’autonomie. Autrement dit, à ce stade où il se dote de sa propre loi (auto-nomos). Là est le fondement de toute autorité légitime, car elle s’exerce pour élever l’individu à sa condition d’homo-cognescens, d’être-apprenant. Dans cette perspective, l’infantilisme n’apparaît pas seulement comme une maladie du siècle, il est surtout le symptôme patent du totalitarisme mou dans lequel nous sombrons. Pour s’en guérir, il faut que nos contemporains retrouvent la fierté d’appartenir à un peuple jadis considéré comme le plus courageux de toutes les Gaules. Si nous ne respectons pas nos origines, comment pourrions-nous attendre de nos enfants qu’ils nous respectent ? Redécouvrons, avec eux, toute la sagesse contenue dans nos traditions. Et puisque décembre nous y invite, commençons par célébrer joyeusement Saint Nicolas et Noël. Bonnes fêtes à tous. Charles Magne [1] Alors qu’elles devraient être interprétées par chaque famille selon sa situation. [2] On ne peut élever ce qui est proche de Dieu. [3] Par exemple, prendre l’enfant à part, lui donner une tape sur la main, lui expliquer posément la raison de la sanction. La gifle est à proscrire car dangereuse. [4] La partie la plus ancienne du cerveau, héritée du stade reptilien de l’évolution. C’est le lieu où se concentrent les fonctions vitales et instinctives. [5] Ni à contretemps, ni à contre-âge, sinon la punition devient brimade. A chaque âge doit correspondre un type de sanction approprié au développement psychologique.
(Bastion n°65 de novembre 2002) |