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LE STATUT DES MOINES EN ISLAM

Cinq ans déjà… En 1997, une personnalité importante de l’islam de Belgique livre une justification canonique à l’assassinat des moines de Tibéhérine commis l’année précédente par un groupe du GIA. L’opuscule, intitulé « Le statut des moines », est publié sous le pseudonyme Lebatelier.

RAPPEL DES FAITS

Dans la nuit du 26 au 27 mars 1996, les sept moines français de Tibéhirine, en Algérie, sont enlevés par le G.I.A.(1). Après diverses tractations, le G.I.A. tue les sept trappistes et l'annonce le 21 mai.

Un opuscule, intitulé « Le Statut des moines », justifie canoniquement l’assassinat. Daté du 10 janvier 1997, il est signé Nasreddin Lebatelier et est, soi-disant, publié aux Editions El-Safîna de Beyrouth.

Le 25 juin 1997, les autorités de l’Université Catholique de Louvain (UCL) font connaître leur « totale désapprobation » à l’égard de l’opuscule qui aurait été écrit, sous alias, par un membre de leur personnel qu’elles tentent d'identifier.

Dans un article du "Vif/l'Express" du 5 septembre 1997, intitulé "Cet étrange Lebatelier", Marie-Cécile Royen révèle que Lebatelier est en réalité Jean Michot. Elle informe que, suite au scandale, le professeur s’est démis de son mandat de président du CSMB (2) et a été écarté de l’UCL.

Dans l’édition suivante de l’hebdomadaire, le professeur Felice Dassetto, sociologue connu pour ses travaux sur l'immigration musulmane en Belgique, s'inquiète de l'état d'esprit révélé par la brochure et demande qu'un débat sur le pluralisme s'ouvre entre musulmans et non-musulmans.

Quinze jours plus tard, Jean Michot prend lui-même la défense de Nasreddin Lebatelier. Il ne dément pas être l’auteur dans son droit de réponse n'apporte qu'un semblant de dénégation : "Je dois rappeler que ce texte ne me fait pas apparaître comme auteur".

L’AUTEUR

Jean Michot. Professeur à l'UCL, éminent orientaliste. Originaire de Thuin, ce brillant arabisant s’est converti à l’islam en se débarrassant de cet encombrant bagage, les valeurs occidentales, et y a acquis une position importante: il est, en effet,président du Conseil supérieur des musulmans de Belgique (CSMB).

Partisan du port du voile pour les femmes («La Libre Belgique» 26 octobre 1994), dans «Le Vif /l’Express» du 17 février 1995, Jean Yayah Michot conteste l’universalité de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, mais essaye de rassurer, et donne cette incroyable précision: «La Déclaration islamique affirme que les croyants et incroyants ne sont pas égaux : ça ne veut pas dire que les premiers vont trucider les seconds !».

Actuellement professeur de théologie à Oxford, il s’intéresse toujours aux écrits de Ibn Taymiyya : cette fois c’est un écrit sur la drogue qu’il analysera dans un prochain « Islamic studies ».

L'OPUSCULE

L'auteur constate que le communiqué du G.I.A.(1) qui indique qu'il est permis "de tuer (ces moines…) ou de les réduire en esclavage, de les gracier ou de les échanger contre de l'argent ou contre des prisonniers musulmans, selon ce qu'exige l'intérêt de la Loi", présente plus de justifications canoniques que "toutes ces vertueuses condamnations" émises par divers responsables musulmans. Il s'interroge sur les raisons de leur indulgence : "Complaisance de "compatibles" vis-à-vis de l'Occident? Légèreté du bagage canonique islamique? Souci de préserver l'avenir des communautés musulmanes en Europe?" Duplicité? (3).

Suivant le chemin théologique classique, N. Lebatelier va examiner successivement ce que disent le Coran, les hadiths (dits du Prophète), la Tradition et un théologien. Par exemple, le Coran nous donne la position de l'Islam vis à vis des moines. Elle est très critique, soit parce qu'ils sont exagérément retirés, soit parce qu'ils acquièrent richesses et pouvoirs.

Les moines qui interviennent dans les affaires de leurs coreligionnaires, en temps de guerre, peuvent être condamnés à mort et en temps de paix, la capitation (4) doit leur être imposée. Les moines «écartaient les hommes du Chemin de Dieu en les invitant à la religion du Christianisme (…) Sans parler d'autres comportements contraires aux règles de la dhimma (5)".

Selon Lebatelier, "l'observateur croyant ne peut manquer d'être troublé par la teneur canonique" du communiqué du G.I.A. qui se réclame "continuellement de textes qui constituent la Loi".

D'où "la question essentielle: les textes fondateurs de l'Islam peuvent-ils être lus tels quels pour comprendre et régenter notre époque?"

Pour le G.I.A., la pertinence de l'application des textes cités est implicite, N. Lebatelier va l’expliciter. Après avoir rappelé le passé colonial de l'Algérie il écrit : "Le couvent de Tibéhirine a été fondé en pleine époque coloniale (1934), par des religieux venus d'outremer dans les fourgons de l'armée française "croisée". Il indique que les conditions canoniques de la mise à mort étaient réalisées: en effet, les moines n'étaient pas reclus, mais faisaient du prosélytisme présentiel; la hiérarchie et la presse catholique manquaient de discrétion...

De plus, le G.I.A. est en guerre déclarée non seulement contre le gouvernement algérien renégat mais aussi contre "la France mécréante qui se veut à la fois "fille aînée de l'Eglise" et modèle de laïcité, naguère colonisatrice et qui a écroué en trois ans quelque 200 personnes accusées d' "islamisme", pour la plupart algériennes" (6). Un appel fut adressé par le G.I.A. à J. Chirac afin qu'il se convertisse à l'Islam (appel classique préalable au combat contre des infidèles).

Enfin, Lebatelier critique l'Eglise qui a mal estimé le danger encouru par les moines qui auraient succombé à une fascination morbide pour le martyre.

Lebatelier s’interroge sur le droit musulman : pourrait-il primer sur des conventions ratifiées par des Etats? Nous avons là une illustration du conflit de civilisations qui dépasse l’imagination de beaucoup. On pense à un film fantastique : Lebatelier, avatar de Ibn Taymiyya, veut installer ici et maintenant les lois de l'Islam médiéval, esprit du djihad, statut pour les minorités juives et chrétiennes incluses. Cette interprétation de l’islam qui se revendique de la doctrine des Anciens est celle du wahhâbisme saoudien.

Jean Michot a démissionné de la présidence du CSMB (2), Conseil  qui n'a ni réfuté l'opuscule ni affirmé le principe de la liberté religieuse. Les autres organisations aussi se sont tues alors qu’elles s’étaient manifesté en d’autres occasions.

Les réactions au lendemain du massacre sont restées superficielles: un haut responsable musulman, professeur dans une université catholique, expose les justifications canoniques à l'assassinat de moines et les journaux n’en informent pas leurs lecteurs! Des intellectuels, ici, en Belgique, se sont émus des crimes commis en Algérie, mais ne se sont pas interrogés sur cette Algérie idéologique !

Le Belge moyen en saura les détails, mais est tenu dans l’ignorance de l’effrayante proximité, voire même connivence, idéologique des massacreurs du GIA et d’une importante personnalité belge.

Pour quels motifs s’est-on tu ? Nos hommes politiques, si soucieux des droits de l’homme aux antipodes, n’ont rien dit mais, par ailleurs, ils parlent d’islamophobie (Jean Cornil, Louis Michel), demandent de respecter l’islam (Philippe Moureaux) ou d’arrêter de voir un intégriste derrière chaque musulman (Isabelle Durant).

Interrogeant une journaliste du « Soir », je n’entendis que de consternantes raisons de l’espèce «politiquement correct» : ne pas faire peur aux Belges, ne pas nuire à l'Islam, aux relations avec les immigrés.... Toutes supposaient le Belge mineur, incapable de comprendre; la question «immigré» semblait susceptible de faire exploser la cohésion sociétale à tout moment. Quand des journalistes se croient autorisés à commettre une telle entorse à leur déontologie, ils oublient que la liberté d’expression ne s’use que si l’on ne s’en sert pas.

AUGUSTIN

(1) GIA - Groupe islamique armé.

(2) Conseil des musulmans de Belgique

(3) (voir p. 9 et 5).

(4) Capitation: impôt par tête.

(5) (La 'dhimma', annexe du djihad, est le statut des chrétiens et des juifs en Islam, minorités protégées mais soumises à diverses discriminations dont l'impôt de capitation et qui doivent reconnaître la prééminence musulmane).

(6) (En réalité, ces islamistes ne sont pas enfermés pour délit d'opinion, mais pour avoir commis des délits punis par le code pénal comme : terrorisme, trafic d'armes et faux papiers etc. ).