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AMNESIE COLLECTIVE. 

Pas une ville, pas un village, qui n’ait sa rue de la Déportation, sa place des Martyrs, sa rue du 17 octobre, son monument… Dans sa préface, Albert Henry (1) dédie son livre « aux ouvriers belges morts dans les camps d’Allemagne et au front de l’Ouest, pour rappeler leur mémoire ; A tous ceux qui ont souffert dans leur corps ou dans leur âme par la déportation, pour leur montrer qu’on se souvient ; A ceux qui seraient enclins à oublier pour leur faire honte. » Nous ne les avons pas oubliés, nous avons fait pire : nous les avons occultés, nous avons amoindri leurs souffrances et l’influence que leur courage faisait rejaillir sur nous. Sans doute, leur histoire était-elle trop embarrassante.

LES MARTYRS DE SOLTAU

Dès le début de la Grande Guerre, apparaissent des affiches, préconisant le travail en Allemagne. Devant l’insuccès, les Allemands exigent des ouvriers aux entreprises et aux communes, pour les envoyer travailler en Allemagne. (2)

Dans de nombreuses villes, surtout à partir d’octobre 1916, les hommes de 17 à 55 ans, parfois aussi des femmes, ont reçu l’ordre de se présenter à l’autorité allemande ou ont subi des rafles dans les rues (3).

Ceux qui ont été choisis sont partis dans des wagons à bestiaux, déterminés à refuser jusqu’au bout le travail imposé. Ils étaient emmenés jusqu’au camp de concentration de Soltau qui servait de «gare de triage».

Les chômeurs n’ont d’ailleurs pas été les seuls à être déportés : beaucoup ont été enlevés sans vérification de leur emploi, mais aussi des notables, tels que Henri Pirenne (4) ou le bourgmestre de Bruxelles, Adolphe Max, qui avait refusé de livrer les chômeurs de sa commune.

«Les premiers jours, les Allemands leur distribuaient chaque jour 200 grammes de pain le matin; le midi et le soir, ½ litre d’une soupe au son, aux choux-raves, aux betteraves, aux yeux ou aux entrailles de poissons.

La plupart des baraques n’étaient pas chauffées; elles étaient munies de couchettes superposées grouillantes de vermine. L’hiver 1916 à 1917 fut, on s’en souviendra, d’une rigueur anormale. Tandis que le thermomètre descendait à -20°, les déportés, dans ces hangars sans feu, n’avaient pas de couverture: l’Allemagne comptait sur la faim et le froid pour obtenir de nos compatriotes la signature d’un contrat de travail. Pour cela, il suffisait d’amener les déportés à un état d’affaiblissement physique et moral tel que la volonté fut vaincue. 

(…) Tandis que la neige couvrait le camp, (…) ils firent aligner les martyrs dans la cour, à moitié-nus. Près d’eux, les surveillants (…) tenaient à la main un gourdin dont ils frappaient le malheureux qui, par un geste, essayait de prévenir l’inévitable syncope. Et les braves restaient debout, jusqu’au moment où l’évanouissement les couchait dans la neige. Et ils ne signaient pas !»

Certains ont alors été emmenés de force vers un lieu de travail, au fond de la Silésie, en Prusse Orientale, ou encore sur la ligne de front, en France. Les récalcitrants qui refusèrent d’accompagner les groupes étaient battus et placés pendant de longues heures, debout dans la neige, avec interdiction absolue de bouger ou de mettre les mains en poche. Certains étaient enfermés dans des cachots étroits où tout mouvement était impossible et où la température descendait à -20°. Ils ne recevaient plus de nourriture qu’un jour sur quatre, à part la quotidienne miche de pain… (5)

« Remember Belgium…» Par ces affiches, les Anglais, admirant le courage du peuple belge, recrutaient des défenseurs pour notre pays. La Commission for Relief in Belgium, gérée par les Américains, mettait en exergue le courage d’un peuple qui préférait affronter faim et misère que de se laisser soumettre et qui obéissait à une loi morale élémentaire : « On ne travaille pas pour l’ennemi en temps de guerre, quelque puissent en être les conséquences. Nos soldats aussi mourraient ; eux aussi connaissaient la faim, le froid… » Et, à une époque où le mot « camarade » n’avait pas encore été connoté et approprié par les communistes, ils pouvaient dire : « les soldats étaient nos camarades, nos frères, travailler pour l’ennemi, aurait été comme de fabriquer les balles pour les tuer. 

L’opposition entre cet humble courage et l’actuel politiquement correct nous incite à penser qu’ils seraient peut-être qualifiés de «nazis» par ceux qui, aujourd’hui, refusent les notions démodées de courage, dignité, honneur, capacité de sacrifice et qui traitent de «naïfs» ceux d’entre nous qui, malgré les lavages de cerveau soixante-huitards, ont gardé l’idéal ou la nostalgie d’une morale solide.

Le modèle que nous a transmis l’histoire d’un peuple systématiquement envahi et écrasé sous le nombre, notre histoire, est de garder intacts espoir et combativité. Les réfractaires de Soltau nous enseignent que, même dans la défaite et l’humiliation individuelle, il est possible de demeurer moralement invaincu.

Ces faits, nous les avons laisser sombrer dans l’oubli… Nous avons pourtant le droit et le devoir de connaître une histoire qui nous concerne directement et qui forme une partie de notre héritage culturel. « La suppression de l’histoire ou, pire, sa distorsion, a permis le retour venimeux du passé, par exemple, en ex-Yougoslavie, où la répression de l’histoire a déchaîné une guerre barbare. Pour quiconque ayant quelques connaissances des siècles d’histoire de la résistance serbe sous la domination ottomane, il était évident que le retour de toute forme de pouvoir islamique en Bosnie-Herzégovine serait rejeté par les Serbes orthodoxes. Pour eux, ce qui a été appelé « cinq siècles de co-existence multiculturelle harmonieuse et pacifique », a consisté en usurpation de leurs territoires, massacres, pillages, esclavage, déportations et exil des populations chrétiennes » (6).

Mais déjà dans son livre paru en 1917, F. Passelecq parle des «dénégations obstinées (…) qui peuvent avoir troublé, en pays neutres, des esprits naturellement droits, mais mal informés…» (10): la désinformation ne datent ni d’aujourd’hui, ni de l’époque hitlérienne… La minimisation des faits, qu’ils concernent le courage de nos populations civiles ou les faits militaires des combats de l’Yser est une participation de plus à la nécessité d’auto-dénigrement qui a été appliquée chez nous depuis la fin de la seconde guerre mondiale.

Peut-être semble-t-il paradoxal de vouloir tirer gloire des pires humiliations subies dans les camps de concentration. Peut-être que la généralisation des camps, en ’40-45 et l’horreur des génocides qui s’y sont produits nous ont amenés, au nom de la compassion, à admettre l’inacceptable de la trahison que représente le travail pour l’ennemi. Sans doute, ceux qui ont été directement concernés par l’horreur des camps de travail n’ont-ils pas eu envie de rappeler qu’ils ont accepté d’être esclaves. Car ceux qui ont préféré l’horreur et la mort plutôt que la soumission et les compromis, sont là pour nous rappeler que nous avons toujours le choix.

Quand l’Américain moyen est fier de dire « Nous, nous avons marché sur la lune », je ne peux m’empêcher de me demander quel est effectivement le pourcentage d’Américains qui ont marché sur la lune. Bien moins, qu’il n’y a eu de réfractaires morts à Soltau ; bien moins qu’il n’y a eu de résistants disparus pendant la seconde guerre mondiale. Mais ceux-là, nous ne les avons pas entendus. Ils ne sont pas revenus pour nous inculquer les notions qui les ont fait agir. Nous avons surtout entendu le discours des autres : ceux qui pouvaient justifier la nécessité de leurs abdications devant les contraintes de la souffrance et de la peur de la mort. Pourtant, puisque force est de constater que c’est toujours sur les actions d’une minorité que repose la fierté d’une nation, nous avons nous aussi le droit de nous appuyer sur les exemples donnés dans notre propre pays.

Ma génération qui n’a jamais rien eu à prouver, n’a pas à juger du comportement de ces hommes devant les souffrances qu’ils ont eu à endurer. Mais, devant la minimalisation des faits comme des détournements du vocabulaire, elle a à faire, en toute connaissance de cause, un constat des faits qui se sont produits. Ce qui est important n’est pas l’attitude de certains individuels qui ont fait face, à leur façon, à des conditions et à des choix pour le moins difficiles, mais le changement de morale collective qui semble en avoir résulté.

Notre époque, qui a préféré nous présenter des idoles de pacotille, a pourtant dans notre propre pays des modèles autrement plus dignes de respect… Dans la même ligne de conduite, lorsque nous écoutons à la radio, des psychologues conseiller aux femmes de faire ce qui leur est demandé, en cas de viol, leur disant qu’il vaut mieux tout faire que de risquer d’être tuée, car rien n’est plus précieux que la vie, nous oublions qu’il existe d’autres valeurs, telles que la dignité et le respect de soi. Nous oublions que, tant qu’on n’a pas tout essayé, on n’a rien essayé. Mais, notre époque, qui aime tant les « reality shows » et les cascadeurs télévisés, n’est plus du genre à prendre des risques : nous sommes des gens civilisés…

Notre pays donnera-t-il raison aux craintes des femmes belges qui, le 15 décembre 1916, écrivaient (7) : « Celles qui, par mission, sont les éducatrices de l’humanité et qui sentent entre leurs mains l’avenir des générations, sont peut-être plus attentives aux conséquences morales de cette déportation indigène et s’inquiètent davantage de ses répercussions lointaines sur l’avenir de notre nation. (…) Et nous redoutons pour la Belgique de demain et pour l’avenir de la race, les conséquences de l’épuisement physique et de l’affaiblissement moral qui guettent des centaines de mille hommes, arrachés à leurs foyers» ? Ferons-nous mentir René Henning (8), que la mentalité dépravée de notre société fait paraître bien naïf quand il osait écrire : « Quand la gloire dont les générations futures hériteront cachera à leurs yeux les horreurs des combats, elles se souviendront toujours…» Ou nous souviendrons-nous qu’il y a eu chez nous, pas si éloignés dans le temps que cela, bien des modèles de courage et de résolution ?

Après avoir servi de camp de concentration pour les réfractaires belges et français du Nord, en ’14-18, Soltau fut reconverti en camp de prisonniers militaires en ’40-45. Aujourd’hui, toute infrastructure pouvant rappeler ces événements y a été détruite et le terrain a été reconverti en parc d’attractions : la vie continue. Il faut oublier l’inacceptable des combats fratricides de ces époques révolues. Mais de cet oubli de notre histoire, nous risquons de ne pas voir que ce passé existe actuellement, ailleurs, pour d’autres, et que, par là même, il peut toujours se reproduire, ici, pour nous, contre d’autres. Puissions-nous nous souvenir de ces gens de chez nous qui ont su y faire face avec honneur et nous ont transmis une culture et une dignité qu’en leur nom, nous n’avons pas le droit de mépriser…

JULIETTE H.

Note: LES CAMPS DE CONCENTRATION.  R. Henning ou A. Henry parlent, dès 1919, de «camps de concentration», expression d’ailleurs employée par les Allemands eux-mêmes. La postérité a retenu, pourtant, que les camps de concentration avaient été inventés dans les années ’30 pour les Allemands opposants au régime hitlérien.

De même, de nombreux ouvrages consacrés aux déportations de la 1ère guerre mondiale mentionnent des témoignages de déportés à qui les civils allemands jetaient, soit des pierres, soit du pain: difficile alors de croire que les Allemands, en ’40-45, ne pouvaient pas se douter de l’existence de tels camps.

Chez nous, l’occultation de camps tels que Soltau, nous amène à oublier qu’une génération seulement plus tard, nos populations n’avaient aucun doute sur la raison d’être des trains en partance vers l’est, de même que sur les risques qu’encouraient les opposants à l’occupant, qu’on voudrait maintenant nous faire prendre pour de jeunes écervelés inconscients de ce qu’ils encouraient.

Bibliographie:

(1) Henry, Albert, « Un retour à la barbarie : La déportation des ouvriers belges en Allemagne », Dewitt, 1919

(2) Henning, René, « Les Déportations de civils belges en Allemagne et dans le Nord de la France », Vromant, 1919, p.27

(3) Passelecq , Fernand, Les Déportations Belges à la lumière des documents allemands », Berger-Levrault,1917, p.198

(4) Dr J. Van Der Hoeven Léonhard, Les Déportations Belges, Harlem, H.D. Tjeenk Willink et fils, 1931, P. 78

(5) Henning, René, idem, p.51 et suivantes.

Passelecq, Fernand, La vérité sur les déportation belges, Librairie Militaire Berger-Levrault, juillet 1917, P. 58

(6) Bat Ye’Or, « Islam and Dhimmitude », p.201

(7) « Appel des femmes de la Belgique occupée aux femmes des pays neutres contre les déportations et le travail forcé des civils belges », le 15 décembre 1916.

(8) Henning, René, « Les Déportations de civils belges en Allemagne et dans le Nord de la France », Vromant, 1919, p.81

(10) Passelecq , Fernand, Les Déportations Belges à la lumière des documents allemands », Berger-Levrault,1917, p.70-71

(11) Dr J. Van Der Hoeven Léonhard, “Les Déportations belges”, Harlem, H.D. Tjeenk Willink et fils, 1931, P.86