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Le billet d’humeur de Charles Magne

Au cœur de l’empire

 

Mon dernier séjour à Washington remontait à 1994. Depuis cette période, la capitale des Etats-Unis a peu changé. Toutefois, en me promenant sur le Mall[1], j’ai eu l’impression que le caractère impérial de la ville s’était accentué. L’opulence des bâtiments publics rénovés, la présence massive d’hommes en uniforme, l’omniprésence de la bannière étoilée y étaient probablement pour quelque chose. A moins que ce ne fut le souvenir immédiat de toutes les guerres récentes conduites depuis ces lieux ? Car, c’est ici et nulle part ailleurs qu’a été arrêté le destin de l’Irak, de la Yougoslavie et de l’Afghanistan. 

Tandis que j’observais les façades néo-classiques des différents ministères qui s’offraient à ma vue, je me suis interrogé sur les principes qui avaient conduit les U.S.A à la suprématie mondiale. Sans nul doute, il fallait les rechercher au cœur même de la société américaine. En les passant, brièvement en revue, je me suis aperçu combien nous, Européens, nous en étions éloignés. 

Or, ces principes sont à la base de l’efficacité sociale. Les ignorer serait une autre manière de tomber dans le piège du repli sur soi, tendu par tous les adversaires de la renaissance de l’Europe. Comme en économie, ce repli accentuerait la soviétisation de nos comportements et nous affaiblirait davantage. 

Nul besoin, pour autant, de sombrer dans une américanophilie sans retenue. Celle-ci conduit d’ailleurs, le plus souvent, à n’importer des Etats-Unis que ce qu’il y en a de plus mauvais. Si une ligne de conduite devait être recherchée, en la matière, elle devrait plutôt l’être chez Pierre le Grand[2]. En effet, celui-ci s’inspira de ses voisins occidentaux pour réformer la Russie et lui donner une place de premier rang sur l’échiquier international. Parmi les valeurs d’efficience présentes dans la société américaine, on peut citer : 

a) Le sens de la responsabilité. Dans l’ordre économique, celui-ci se traduit par une plus grande liberté d’entreprendre et surtout par un plus grand respect des droits de propriété[3]. Dans l’ordre juridique cette responsabilité est consacrée par la peine de mort. Pour les Américains, les assassins méritent leur sort. Pour nos politiciens dévoyés, ils sont les victimes de notre société. 

b) Le retour aux libertés politiques essentielles. C’est hélas devenu une triste réalité : en comparaison des Etats-Unis, l’Union Européenne et ses Etats membres s’acheminent vers une dictature technique. Celle-ci nous est, progressivement, imposée pour servir les intérêts d’une caste politique dont le seul objectif est d’accéder aux privilèges que confèrent les charges publiques. Qu’on juge de la différence : aux Etats-Unis, la liberté d’opinion n’a pas de limite. Chacun est libre de croire dans les idées les plus saugrenues sur les périodes les plus sombres de l’histoire, d’adhérer à une secte étrange, de financer avec sa fortune personnelle les activités d’un parti politique[4]. Le citoyen dispose également du droit constitutionnel de posséder une arme.  Outre la légitime-défense, cette disposition vise à donner aux citoyens  les moyens de résister à des gouvernants qui trahiraient les principes de la démocratie[5]. Faut-il préciser que toutes ces libertés sont, désormais, supprimées en Belgique ? 

c) La promotion du patriotisme comme valeur de cohésion sociale.  Alors que le patriotisme est stipendié par nos médias officiels, j’ai été frappé par la ferveur nationaliste des Américains. Les cérémonies commémoratives en l’honneur des combattants mobilisent le peuple. Dans toutes les réunions publiques, l’hymne national est chanté en chœur par une assistance fervente. Même les voitures particulières servent de porte-drapeau. 

d) Une priorité absolue donnée à la real-politik sur l’idéologie culpabilisante des pseudo-droits de l’homme. Là encore, il existe une différence substantielle entre les Etats-Unis et l’Europe. Si des deux côtés de l’Atlantique on tient, grosso-modo, le même discours larmoyant, il n’y a que les Européens pour y croire. Un exemple ? Lors de ce séjour, j’ai pu entendre Bush junior rappeler que l’Arabie Saoudite était l’un des plus fidèles alliés des Etats-Unis. Qu’il accordait toute sa confiance et même sa considération à la famille régnante, etc. Pourtant, ce pays est peu connu pour son engagement en faveur des droits de l’homme et de la femme[6]. Il est de surcroît un des vecteurs de l’expansion de l’islam en Occident. Il est vrai que le royaume est aussi un des plus gros producteurs de pétrole au monde. Or, c’est un secret de polichinelle, les présidents des Etats-Unis n’hésitent jamais à mettre quelques gouttes de pétrole dans leur bourbon démocratique quand leurs intérêts énergétiques sont en cause. 

e) L’établissement d’une véritable politique de l’immigration. Alors que Bush et Powell ont condamné le résultat de Le Pen et du Front National au premier tour des élections présidentielles françaises - car ils rejettent la politique de la porte ouverte aux masses allogènes -, les Etats-Unis ne cessent de renforcer, chez-eux, les obstacles à l’immigration non-qualifiée[7]. Des moyens considérables sont alloués aux forces de l’ordre pour rendre moins poreuse la frontière avec le Mexique[8]. Parallèlement, les dirigeants américains encouragent la fuite des cerveaux d’Europe et d’Asie vers leur territoire. Les phénomènes sociaux liés aux flux migratoires sont publiquement disséqués pour orienter la politique des quotas. 

Dans ce domaine, nous serions, nous aussi, en droit d’espérer la même liberté d’information que les Américains. Au contraire, il est évident que tout est entrepris pour renforcer la censure et empêcher le débat démocratique sur l’immigration. 

Aussi, cela devient un fait surprenant pour un Européen de voir comment les Américains se sentent libres de discuter des faits raciaux sans avoir peur d’être arrêté sur-le-champ par la police de la pensée. 

Une anecdote personnelle me permettra d’illustrer ce propos. Dans le taxi qui me ramenait vers l’aéroport international de Dulles, la radio commentait les dernières statistiques gouvernementales sur la composition de la population carcérale. Selon le reportage, 85% des prisonniers étaient d’origine noire, 10% d’origine latino-américaine et 2% d’extraction WASP[9]. Sur ce, mon chauffeur - originaire du Pakistan - m’apostropha : Vous avez-entendu ? Je m’attendais à une diatribe contre la justice raciste des Blancs. J’eus droit à cette magnifique réflexion : nous les Pakistanais, nous représentons 0% et faisons encore mieux que les Blancs. Dans ces temps difficiles, c’est pour moi un sujet de fierté et d’espoir pour les membres de ma communauté vivant ici. 

Heureux homme qui a compris que le devoir absolu pour un étranger était de respecter les lois de son pays d’accueil. Si le sort des urnes nous était un jour favorable, faîtes-nous confiance, nous le rappellerions immédiatement aux intéressés.



[1] Perspective urbaine sur laquelle se concentrent les principaux édifices gouvernementaux  - notamment la maison blanche.

[2] En 1697, le tsar de Russie Pierre Le Grand entreprend, dans l’anonymat, un voyage dans plusieurs pays d’Europe Occidentale pour s’inspirer de leurs techniques et de leurs institutions. En Prusse, il étudie l’artillerie, en Autriche l’architecture et le système politique. En Hollande, il s’inscrit comme simple ouvrier dans les chantiers de la Compagnie hollandaise des Indes orientales et approfondit, ainsi, ses connaissances théoriques sur la construction navale.

[3] C’est un fait qu’aux Etats-Unis, les citoyens ne sont pas accablés d’impôts destinés à couvrir les  dépenses des légions d’immigrés entretenus par le système social.

[4] De même, les entreprises sont en droit de financer les partis sans limite.

[5] Dès lors, on comprend mieux pourquoi nos potentats entreprennent de désarmer le peuple.

[6] Quand elles ne sont pas enfermées dans un harem, les femmes sont cantonnées dans un statut subalterne. Les mutilations physiques font partie du droit pénal. Le Bureau International du Travail a régulièrement condamné l’Arabie Saoudite  pour ses pratiques « esclavagistes » à l’égard des travailleurs immigrés en provenance des Philippines.

[7] Une remarque essentielle : la liberté économique n’implique nullement le devoir de se faire envahir par les masses du tiers-monde. Au sujet de la politique d’immigration à adopter, se reporter à mon article du mois de mai. La situation aux Etats-Unis n’étant pas comparable à la nôtre, les mesures à adopter ne sauraient être identiques. Pour paraphraser le regretté Pym Fortuyn : la Belgique est pleine. Une politique sensée est donc de réduire les flux migratoires extra-européens  à 0.

[8] Surveillance de la frontière par satellite et caméras infrarouges, érection de grillages, patrouilles canines permanentes, obstacles physiques, guerre du renseignement, arrestations massives des illégaux et des passeurs, etc.  

[9] Blanc, protestant et anglo-saxon. Statistiques à prendre sous la réserve d’une confirmation par une source officielle.

 

(Bastion n°61 de mai 2002)

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