Programme FNB - Le FNB - Démocratie - Insécurité - Islam - Armes -

 Armée belge - Santé  - Féret - Le Bastion - Emploi - Enseignement - Vos élus -

 

La délinquance des jeunes

  Article en format pdf (nécessite Acrobat Reader) (cliquez sur ce lien)

La lutte contre la criminalité passe par l’étude et l’analyse de celle-ci. Sébastian Roché, sociologue et chercheur au CNRS français et Secrétaire général de la société européenne de criminologie, a publié récemment une étude scientifique « La délinquance des jeunes », aux éditions du Seuil. Bien qu’une telle étude scientifique se doive d’être politiquement correcte, il nous a semblé intéressant de vous en livrer certains éléments d’analyse. Ceux-ci sont selon nous largement transposables en Belgique, bien que les chiffres ne concernent que la France.

 

    

 

L’auteur commence par constater que les organes étatiques de répression voient leur importance décliner au sein des pouvoirs publics. La société se caractérise par « plus de délinquance et plus de social ». La délinquance progresse tout simplement parce qu’on ne fait rien pour l’endiguer. La société a renoncé à se défendre et les citoyens sont incapables de gérer les situations où ils sont physiquement impliqués. La grande majorité des parents tente de dissuader ses enfants de renoncer à l’usage de force physique, cela a paradoxalement pour effet de rendre l’usage de la violence plus efficace. Le désapprentissage de la violence chez les honnêtes citoyens est tel que les délinquants comptent sur l’absence de résistance de leurs victimes. Si le citoyen est physiquement et moralement désarmé, il en est de même de la police et de la Justice qui ne recueillent pas les priorités des gouvernants.

La répression s’avère pourtant indispensable pour affirmer les valeurs qui doivent prévaloir dans la société. Si la délinquance progresse, c’est parce que, ni les freins sociaux, ni les freins gouvernementaux, ne sont actifs. Le laxisme a introduit dans les esprits des délinquants l’idée qu’il existerait un droit au vol : dans cette optique, les victimes qui résistent doivent être punies !

La criminalité n’est pas une conséquence de la pauvreté. Au contraire, plus une société est riche, plus elle est criminogène, parce que les tentations et les cibles sont plus nombreuses et plus vulnérables. Enfin, les normes deviennent plus complexes, plus floues et moins sanctionnées par la loi. La disparition des normes imposées est une cause indéniable de criminalité : la société en arrive à autoriser et punir n’importe quoi, on nage en plein arbitraire.

L’idée selon laquelle les délinquants seraient des victimes de la société est une idée perverse et inexacte. C’est oublier que certains éprouvent de la jouissance à commettre des délits, à prendre des risques, à s’imposer et démontrer leur force. Il faut renoncer à la thèse marxiste selon laquelle le délinquant de rue serait, en fait, un révolutionnaire : cette thèse n’a aucun fondement autre qu’idéologique.

Les programmes de prévention sociale sont tellement vastes et flous que l’on ne peut, et on ne veut, en mesurer l’efficacité. De plus, la prévention n’a aucun sens, si elle n’est pas ciblée sur des groupes donnés ou des faits précis. Or, les pouvoirs publics tendent à mélanger animation, insertion et limitation des délits, sans aucun objectif défini.

Sexe masculin

Le critère le plus significatif en matière de délinquance est le sexe. Les garçons sont beaucoup plus délinquants que les filles. Ce constat ne date pas d’aujourd’hui. Et en ce qui concerne les jeunes, chaque âge se caractérise par un type déterminé de criminalité. Mais on constate que le délinquant apprend très vite à faire un calcul coût/avantages avant de commettre un délit.

Concentration des risques

5% des familles sont responsables de 50% des petits délits, 86% des délits graves et 95% des trafics. Ces 5% ne semblent pas particulièrement détectés par la police. Ils refusent d’autant plus de travailler que la délinquance leurs procure d’autres ressources, plus importantes et moins astreignantes : le travail salarié rapporte trop peu, il est contraignant, oblige à avoir un patron et est une entrave au goût du risque. Ces jeunes sont souvent motivés par le goût du risque et l’agressivité pure. Autre constat : plus tôt on commet un petit délit, plus on a de chances d’en commettre rapidement un grave. 

Recherche de la facilité

Dans une large mesure, l’occasion fait le larron. Une société, qui multiplie les tentations, mais qui est vulnérable, incapable de se défendre, explique largement l’explosion de la délinquance. Il est frappant de constater que les cambriolages chauds (en présence des habitants) sont beaucoup plus rares dans les pays où la détention d’armes est courante (USA). De plus, les cibles protégées et défendues sont moins souvent la cible des délinquants : ceux-ci adaptent leur comportement aux risques. Plus une cible est aisée, accessible et vulnérable, plus elle attire la délinquance[1]. Et curieusement, plus il y a de cibles vulnérables, plus on assiste à de la violence et des homicides !

Le fait que la masse des citoyens ait désappris à utiliser la violence et à se défendre est une source indiscutable de criminalité. Plus on renonce à l’usage de la violence, moins on sait réagir adéquatement en cas d’agression. De ce fait, la violence devient la méthode la plus efficace pour les délinquants. Pour les jeunes délinquants, celui qui est incapable de réagir est un faible et suscite le mépris. Il semble que le fait de ne pas résister au vol ne protège pas de la violence, mais au contraire la suscite !

Manque de contrôle social et de solidarité

Le fait de vivre dans une société anonyme et urbaine, le manque de contrôle social, et notamment la passivité des témoins potentiels favorise également la délinquance : le taux de réaction de la plupart des témoins d’un délit est proche de zéro. Pour les vols, les témoins n’envisagent même pas de les déclarer aux autorités, ils ne se sentent pas concernés, ne veulent pas perdre leur temps, ou répugnent à la dénonciation. Enfin, la peur des représailles est importante : le simple fait d’appeler les professionnels de la sécurité semble déjà un risque trop important pour la plupart. Le fait qu’il n’y ait dans la rue de surveillance, d’autorité légitim, pour dissuader de passer à l’acte n’est pas sans importance. On doit recourir à des professionnels de la sécurité parce les gens ne s’assistent plus mutuellement.

Les témoins qui ne sont ni des proches ni des victimes pensent n’avoir aucune légitimité pour agir. Les « autorités » qui entrent en ligne de compte sont avant tout les parents, les copains, puis la police et enfin les professionnels de la sécurité. Dans un tel contexte, le délinquant sait où et quand il peut agresser tranquillement sa victime, sans risque de voir quelqu’un réagir.

Enfin, le succès encourage à agir : le fait de réussir ses délits sans problème incite à l’escalade, et à se surpasser.

L’urbanisation

Le taux d’urbanisation est clairement un facteur de délinquance.

Ce qui détermine avant tout le taux de délits en Europe est la croissance des villes : Elle procure les cibles et engendre la disparition du tiers protecteur par l’anonymat. Il existe également un lien avec le taux de chômage et de ségrégation spatiale (ghettoïsation). L’urbanisme, l’inactivité et la ghettoïsation font apparaître une « culture de rue » propice à des motivations délinquantes. « La pauvreté est rurale et la délinquance est urbaine »

Le taux de scolarisation n’a eu aucune influence sur l’activité délictuelle. Par contre le fait de fréquenter des ZEP (zones d’éducation prioritaire dans les quartiers défavorisés)  joue un rôle indiscutable.

Les facteurs familiaux

Le manque de coordination entre les horaires scolaires et les horaires de travail des parents diminue le contrôle de l’emploi du temps des jeunes et est donc un facteur de délinquance.

70% des jeunes délinquants sont issus de familles « fraîchement installées ». La « mobilité » agit négativement sur la cohésion familiale, de voisinage et sur le parcours scolaire.

Il y a un lien clair entre la structure familiale et les comportements à risque. Les facteurs de délinquance liés à la situation familiale sont les suivants :

1.      les familles éclatées (divorces, séparation) ou monoparentales connaissent plus de délits que les familles unies ou les familles où un des parents est décédé. Le plus mauvais cas de figure est celui où les enfants sont élevés par le père sans la mère. Le décès d’un parent est beaucoup moins significatif que la séparation ou le divorce, en particulier lorsque ceux-ci interviennent avant que l’enfant atteigne l’âge de 4 ans.

2.      Le nombre d’enfants au sein de la famille influence fortement la délinquance. 58% des enfants placés par le juge sont issus de familles de 4 enfants et plus. A partir de 3 enfants, le taux de délinquance augmente de manière significative. La délinquance des jeunes est en outre influencée par celle des autres frères.

3.      Le niveau de supervision des parents et le climat au sein de la famille sont importants. Les parents sont le principal acteur de la socialisation des enfants. Le facteur le plus décisif est la manière dont les parents veillent sur leurs enfants, et particulièrement avant l’âge de 5 ans. Le modèle d’éducation autoritaire ne diminue pas le risque de délinquance, au contraire. Une supervision forte, constante et stable, dans un bon climat affectif semble donner les meilleurs résultats éducatifs.

4.      Les mauvais parents ou les parents condamnés sont un facteur de délinquance.

Les pères maghrébins auraient perdu leur autorité au yeux de leurs enfants, parce qu’ils auraient accepté des conditions de travail jugées dégradantes et de ce fait auraient perdu tout prestige auprès de leurs fils.

Le statut social des parents ne semble guère jouer de rôle dans l’émergence de la violence.

Déclin des règles morales

La famille cesse d’être un lieu d’exercice de l’autorité. Les enfants ne font plus confiance à la légitimité des règles héritées. L’esprit de liberté prend le pas sur l’obéissance et les règles de vie sociale. L’individualisme se traduit par une révolte des individus contre la hiérarchie au nom de l’égalité et par une dénonciation des traditions au nom de la liberté. Plus personne ne prend les règles au pied de la lettre. Les interdits lorsqu’ils sont perçus, ne sont plus que des indicateurs. Les notions de bien et de mal, d’acte légal et d’interdit sont sujettes à caution. Il semble qu’à peine un quart des Européens disposeraient encore de principes sûrs pour distinguer le bien du mal.

Plus on fait partie d’une génération récente, plus grande est l’aversion pour l’effort et la discipline. Plus on juge que c’est à l’individu lui-même de définir ses propres règles. Le vol n’est plus réprouvé parce que c’est un délit, mais parce que l’individu juge qu’il en est ainsi. Or de nombreux jeunes ne considèrent pas qu’il est mal de voler, surtout si la victime n’est pas identifiée (supermarché, collectivité…).

Beaucoup de jeunes mesurent la gravité d’un acte au risque couru à l’accomplir. Ce ne serait pas le fait de commettre un délit qui serait grave, mais le fait d’être pris !

Un autre critère serait le lien affectif avec les personnes qui jugent l’acte. L’autorité morale est liée à la proximité et au lien affectif. Une règle est tenue pour bonne et juste lorsque l’on se sent proche de celui qui la formule. Le jugement des parents et des copains est important : l’opinion des proches fait plus autorité que la loi.

Les institutions et organismes de prévention et de répression ne forment pas de cadre de référence. En dehors de la famille, la répression de la délinquance est le fait de la police et dans une moindre mesure de la Justice.

Les normes légales ne sont perçues que comme des indications, surtout dans les classes dominantes : les interdits y sont conçus avec souplesse, et on considère que toutes les règles sont sujettes à discussion ou négociation. Par contre, au bas de l’échelle sociale, les échelles de valeur restent bien perçues et les règles y sont appliquées de manière plus conservatrice. Il n’existe plus de morale collective qui serve de ciment à la nation.

User de drogues et d’alcool n’aide pas à la réussite scolaire : on travaille moins, l’intérêt pour les études diminue, le nombre de punitions augmente et les résultats se détériorent. La drogue et l’alcool sont des manières d’échapper à la réalité. Ils sont clairement un facteur de criminalité, notamment par la déresponsabilisation qu’ils génèrent. Pourtant la tolérance à l’égard des psychotropes (drogues) est plus grande dans les classes dominantes.

Origine immigrée

L’auteur aborde ce sujet avec une prudence de Sioux.

Il admet que les étrangers sont sur-représentés dans les prisons européennes. 43% des jeunes français placés en institution sont d’origine étrangère. Les statistiques démontrent que les jeunes d’origine étrangère sont plus actifs dans la délinquance, en particulier les jeunes d’origine maghrébine. Le rôle de l’origine ethnique est réel dans l’émergence des violences. La révolte contre les discriminations et le racisme sert souvent de prétexte aux comportements violents. L’auteur conclut donc « il n’est donc pas étonnant que les jeunes d’origine maghrébine, qui ont un plus fort taux de propension à la délinquance et qui appartiennent au principal groupe ethnique, soient les plus stigmatisés comme auteurs de délits ».

Il est indiscutable qu’il existe des tensions de type ethnique. L’antagonisme le plus marquant vise ceux que les jeunes appellent « les Français », ou les « rich men ». « Ils sont meilleurs que nous à l’école, ils ont leurs parents qui sont des profs, […] la plupart ils ont plein d’argent, ils ont pas de difficultés à faire leurs devoirs et tout. » L’expression « Tu te prends pour un Français » est très significative.

 

Relations avec la Police et la Justice.

 

 

Beaucoup de jeunes considèrent que ce serait une bonne chose de respecter davantage l’autorité.

La délinquance juvénile semble très mal connue de la police. Le taux d’élucidation des délits est très faible, particulièrement en ce qui concerne les trafics.

La police et la Justice ont en outre une tendance à minimiser la part des jeunes dans la délinquance : on assiste à un phénomène d’euphémisation. Les statistiques sont imprécises et difficiles à manipuler du fait notamment que pour 87% des délits, on ne sait même pas qui mettre en cause.

La Justice hésite à prendre des mesures fermes vis-à-vis des mineurs, soit pour des motifs éthiques, soit parce qu’elle est débordée. La police anticipe le manque de réactions de la Justice et a donc tendance à se montrer passive. La durée moyenne de l’instruction est longue et a tendance à augmenter. Pourtant, si la sanction apparaît tardivement, le jeune a le sentiment d’être injustement traité et donc tendance à se révolter.

Même lorsque l’auteur est identifié, le délit est de moins en moins suivi d’une action judiciaire. Dans ¾ des cas ou l’auteur est connu, l’intervention de la Justice aboutit à un classement sans suite. Les juges de la jeunesse donnent des instructions pour aboutir à la prescription ! L’appareil pénal, surchargé, se concentre sur les affaires qui lui semblent les plus graves et se débarrasse, par tous les moyens, des dossiers excédentaires. Plus la Justice tarde à agir, moins des mesures éducatives semblent s’imposer : la gravité des faits ne fait qu’augmenter.

La part des auteurs détectés par la police, pour les faits graves ne serait que de 15%, et  même de 9% pour les faits peu graves ! Cela ne se traduit par une réponse efficace de l’appareil judiciaire que dans 1% des cas graves, et moins encore pour les autres ! Constat d’échec effarant. La Justice attend, de plus, que des faits graves soient perpétrés pour réagir : à ce moment, la dissuasion a largement perdu de son efficacité. Pas étonnant que les délinquant éprouvent un sentiment d’impunité !

La Justice se prétend saturée, pourtant elle n’est confrontée qu’à un pourcentage minime des délinquants (2 à 5%) ! Ceci signifie que renforcer la police n’a aucun sens, si on ne résout pas d’abord le problème de la Justice. Sinon, l’engorgement ne ferait que s’aggraver.

Enfin, les peines prononcées, même de prison, sont très loin d’être appliquées et il n’y a aucun suivi pour les peines alternatives. La seule peine vraiment dissuasive est pourtant la prison ferme, selon 89% des jeunes interrogés.

Dans ces circonstances, il n’est pas étonnant que la seule réponse efficace des honnêtes citoyens consiste à fuir et à se fortifier dans des lieux protégés.

 

François-Xavier ROBERT



[1] Cela semble évident, mais va à l’encontre des conseils de la police qui déconseille de se défendre

 

(Bastion n°61 de Mai 2002)

[Accueil]  [Bastion]