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La nation belge : une réalité Un
peuple est un groupe d’êtres humains qui vit ensemble, forme une
communauté active, réelle, et souhaite que cette situation dure. Une
nation, est un peuple qui s'est donné des structures de gouvernement, débouchant
ainsi sur la naissance d'un Etat. La formation des nations en Europe est le résultat
d'un long processus historique dont le début se situe déjà à l'époque des
gaulois, qui a connu une phase de cristallisation au XlXme siècle, qui a modelé
la carte du continent. Il est des nations qui existent incontestablement, comme
la Française, la Portugaise ou la Grecque. Il en est d'autres qui sont moins évidentes.
Un Etat est l'expression politique et administrative d'une nation. La formation
d'un Etat viable, basé sur le réel désir du peuple qui le constitue, n'est
cependant pas toujours aisée. L'Italie et l'Allemagne n'ont trouvé une
expression politique active, réelle, clairement définie et organisée, et qui
englobait une très grande part du peuple considéré qu'en fin du 19ième
siècle, alors que ces peuples avaient depuis belle lurette une vive aspiration
à l'unité. Depuis
plus d'un demi-siècle, le nationalisme se voit traité de tous les noms par les
bien pensants. C'est le péché absolu, on lui attribue, ou peu
s’en faut, tous les maux qui nous affligent, sans d'ailleurs que ceux
qui en parlent ainsi sachent toujours exactement ce qu'il signifie mais
qu'importe : il est maudit depuis qu'on a mésusé du terme à l'occasion de la
deuxième guerre mondiale. Pourtant,
on n'empêchera jamais les hommes de s'assembler en peuples, et les peuples de
tendre à devenir nations. On
a prétendu qu'il existait en Belgique deux peuples : le wallon et le flamand.
Deux remarques s'imposent à ce propos. Tout d'abord, cette affirmation fait bon
marché des germanophones de notre pays qui, que je sache, ne sont ni l'un ni
l'autre. Ensuite, c'est
limiter la notion de peuple à des considérations linguistiques qui en
tronquent singulièrement la portée. Jose-Antonio Primo de Rivera, auquel on ne
contestera pas les qualifications en matière de nationalisme, a écrit : “ Une
nation n'est ni un langage, ni une race, ni un territoire, c'est une communauté
de destin dans l'universel. ” Cette
citation s'applique parfaitement au cas belge. Sans
remonter jusqu'à César - encore que je pourrais le faire - je n'en veux pour
meilleure preuve que la création par les ducs de Bourgogne d'un puissant Etat
aux frontières Nord de la France, et qui fit passer au roi Louis Xl pas mal de
nuits blanches. Depuis
lors, la Belgique a été gouvernée successivement par ses princes naturels,
que ce soit par filiation ou par traité dûment valable en droit international.
Même l’occasion de la mort tragique de Charles le Téméraire, les habitants
des pays de par-delà, coincés entre l'empire d'Allemagne et le royaume de
France, ont serré les rangs derrière leur jeune princesse Marie et sont
parvenus à sauver l'essentiel, c'est à dire l'autonomie de leur peuple. L'élite
du pays, dont les princes de Croÿ, a participé activement à ce sauvetage. Le
rayonnement de la Belgique de l'époque était considérable : n'oublions pas
que Charles-Quint était gantois de naissance et qu'il se proclamait volontiers
le successeur des grands ducs de Bourgogne. La
fracture qui s'est produite avec les provinces qui allaient devenir les
Pays-Bas, a eu pour cause l'adoption de la religion réformée par les habitants
de cette région, conduisant à une rupture culturelle, une modification
profonde de caractère et la formation du peuple et de la nation batave.
L'isolement politique d'avec les provinces méridionales a consommé la séparation. Nos
provinces ont raté une première fois l’acquisition de leur indépendance
sous les archiducs Albert et Isabelle : par la volonté du roi d'Espagne,
Philippe Il. Si ceux-ci avaient eu des descendants, ils auraient reçu ces régions,
dont ils n'étaient que gouverneurs, comme apanage personnel. Avec des
limitations de souveraineté, entendons-nous bien, mais un pas important aurait
été franchi. Les mystères de la biologie ont fait que le couple est resté
sans postérité. Dans
une version ancienne de la Brabançonne que les plus anciens d'entre nous avons
connue, on chantait : “ Après des siècles et des siècles d'esclavage, le
Belge sortant du tombeau... ”. C'est tout à fait indiqué dans un hymne
à caractère patriotique où il y a lieu d'exalter les vertus du citoyen, mais
c'est tout à fait faux sur le plan historique. Depuis Clovis jusqu'en 1792, la
Belgique a été gouvernée par ses souverains naturels. La conquête militaire
française a marqué une rupture nette. Nous avons été absorbés par cette république
agressive qui a brisé systématiquement nos structures politiques et sociales
de tradition, et secondairement, au nom d'une conception absurde et viciée de
la liberté, a démoli une quantité impressionnante d’œuvres d'art. Nos
institutions méritaient à coup sûr une profonde réforme, mais certes pas
cette destruction. Après
la chute de l'empire français, les politiciens qui ont concocté le traité de
Vienne, négligeant le poids de l'histoire et ignorant superbement les désirs
des peuples, ont formé un seul Etat avec la Belgique et les Pays-Bas. Le résultat
en a été notre révolution de 1830 où tous, Flamands, Wallons et Bruxellois
se sont soulevés d'un même élan contre les Hollandais, prouvant une fois de
plus que le peuple belge existait bien et qu'il savait se manifester avec énergie
quand c'était nécessaire. Les derniers orangistes qui sont restés en Belgique
après indépendance ne l'étaient que pour des raisons économiques : autrement
dit, des questions de gros sous. Et les Belges se sont donnés une dynastie dont
ils sont encore fiers de nos jours. L'actuelle constitution fédérale rencontre
l'adhésion de l'immense majorité des citoyens, tous régimes linguistiques
confondus, en mettant un terme à la manière très réellement injuste dont les
néérlandophones et les germanophones du pays avaient été traités dans le
passé par le pouvoir central, en tous cas sur les plans linguistique et
culturel : il est incontestable que pendant des décennies, les francophones ont
tenu le haut du pavé. Le
poids de l'histoire et du nationalisme ont également été négligés par les
politiciens qui ont accouché du traité de Versailles en 1919. A cette
occasion, on a créé de toutes pièces deux Etats constituant des agglomérats
de peuples qui n'avaient souvent que peu de liens entre eux quand ils n'étaient
pas séparés par des haines ancestrales inexpiables : la Tchécoslovaquie et la
Yougoslavie. La résolution du problème posé par le premier a été une des
causes de la seconde guerre mondiale, et l'éclatement du second fait encore
aujourd'hui la une des quotidiens. Voilà ce qui se passe quand on rame à
contre-courant. A
la fin du XlXme siècle, le mouvement national flamand est né dans l'esprit
d'une brochette d’intellectuels de premier plan. Il a fait tache
d'huile et l'évolution, lente au départ, mais qui s'est accélérée
progressivement, vers une situation juste et équilibrée, a commencé.
Malheureusement, les membres les plus agités de ce mouvement ont, à l'occasion
des deux guerres mondiales, joué la carte de l'occupant. C'est ainsi qu'est né
l'extrémisme flamingant, séparatiste, anti-belge, anti-monarchiste. Il y a
donc lieu de ne pas confondre communauté néerlandophone et flamingantisme : le
second est une déviation pernicieuse et perverse de la très juste fierté
d'appartenir à une culture originale et de posséder des traditions particulières.
Flamand et flamingant ne sont pas des synonymes. Et ce n'est pas parce que, en période
précédant des élections, quelques parlementaires et ministres flamands
s'agitent soudain pour accoucher de revendications qui fleurent le séparatisme
que l'extrémisme va soudain s'emparer de la totalité de la population du Nord
du pays. Pendant
les deux guerres, la très grande majorité des habitants de notre pays sont
restés belges : le sentiment national commun a même crû en ces circonstances.
Le Vlaams Blok est le dernier avatar du flamingantisme. A l’exception de la
ville d'Anvers, mais les Signoren se sont bien souvent singularisés en la matière,
son score électoral reste faible. Il se rend d'ailleurs compte que le
flamingantisme prend peu et en conséquence, ratisse large pour attirer à lui
des collections de mécontents de diverses espèces qui ne sont pas tous, et de
loin, indépendantistes. Il joue entre autres ostensiblement la carte sécuritaire.
Chercher des ennuis au Vlaams Blok est inutile et même nuisible, même si
certains de ses slogans sont nettement antinationaux. C'est la caractéristique
des pays démocratiques de tolérer même les extrémistes ; en outre, il ne
faut pas risquer de leur donner l’auréole du martyre. Etant
donné son fâcheux passé, le flamingantisme contemporain est naturellement
porté à réclamer l'amnistie de ceux qui, après la défaite allemande, ont été
condamnés pour incivisme. Cette question revient d'ailleurs périodiquement sur
le tapis et provoque à juste titre la colère des anciens combattants. Tous
ceux qui, durant la guerre, on pris un parti honnêtement, de façon désintéressée,
sont respectables. Mais le cas échéant, ils doivent assumer les conséquences
de leur choix, même si elles leur semblent injustes. Dans cet ordre d'idées,
amnistier les Belges qui ont été condamnés pour incivisme après la deuxième
guerre mondiale serait un geste politiquement dangereux et éthiquement indéfendable. Jusqu'à
très récemment, la communauté wallonne n'a compté aucun indépendantiste, et
pour seuls partisans du rattachement à la France les diplodocus de Wallonie
Libre. François Perrin avait beau s'égosiller, il prêchait dans le désert.
Et puis patatras! En juillet 1996, quelques députés échangent des invectives
: jusque là, rien de bien étonnant ni de tragique. C'est alors que monsieur
Eerdekens (un wallon comme son nom ne l'indique pas), en réponse à une réflexion
d'un de ses collègues flamands, monte sur ses grands chevaux, parle d’indépendance
wallonne et même de rattachisme ! Depuis lors, le mot est encore prononcé de
temps à autre. Mais il est sans aucune portée ; son usage par des hommes
politiques est simplement le symbole de l’énorme fossé qui, chez nous, sépare
la classe politique des électeurs. D'ailleurs, la particratie régnante réduit
l’importance de la représentation parlementaire à peu de choses et les
gesticulations du citoyen Eerdekens à moins encore. Notons
en passant que du côté flamand, aucun rattachisme vers les Pays-Bas ne se
manifeste. Joris Van Severen lui-même qui, avec son mouvement Verdinaso, avant
la deuxième guerre mondiale, était au départ le chantre d'une grande néé
derlande, a fini par changer d'avis sous la pression des réalités sociales et
politiques. En
tant que francophone habitant en pays flamand, et largement bilingue bien
entendu, je suis bien placé pour constater que l'homme de la rue, partout dans
le pays, réprouve ces tendances politiques à la scission et relève en outre
que le fédéralisme lui-même coûte cher : six gouvernements pour dix millions
d'habitants, il faut le faire. Un
danger réel existe cependant. Devant les exigences flamingantes, les partis
traditionnels flamands sont tentés d'axer leur programme dans la même
direction et ce par une sorte d'entraînement à l'extrémisme, pour ne
pas avoir l'air de rester en arrière et dans l'espoir de récolter des
suffrages ainsi que de multiplier les prébendes. Il
est possible que les politiciens qui sont sensés veiller aux destinées de la
Belgique conduisent celle-ci à l'éclatement. Mais ce serait contre la volonté
de la majorité1 tous régimes linguistiques confondus. Car, dans la
situation présente de l'Etat belge, les droits de tous sont identiques dans
l'optique évoquée ici. Le nationalisme est, ainsi qu'il est dit plus haut, un
mouvement naturel et louable des peuples. Mais vouloir faire voler en éclats un
Etat qui tient un juste compte des aspirations de tous, pour, au nom d'un
nationalisme-croupion, créer des entités invivables sur les plans économique,
politique et sociologique est de l'aberration mentale. Plus
grave encore, souhaiter le rattachement à une nation puissante, c'est à dire
l'absorption pure et simple qui conduirait à la disparition de la spécificité
nationale et régionale relève de la haute trahison. Pour donner un exemple, le
rattachement de la Wallonie à la France ferait de cette région une sous-Corse
et le jacobinisme traditionnel des dirigeants de Paris aurait tôt fait de
raboter les spécificités naturelles des francophones d'origine belge. Un
autre péril menace la nation belge : l'immigration. Peu après la deuxième
guerre mondiale, de nombreux travailleurs européens sont venus en Belgique,
suite à un appel de main-d’œuvre du gouvernement. La majorité d'entre eux
était constituée d'italiens. L'intégration de ceux-ci s'est passée sans
anicroche. Même culture, même religion, même valeurs de base. Le Sicilien de
Catane a bien gardé dans son cœur une grande tendresse pour son île, et
s'enflamme parfois à l'occasion d'une rencontre sportive par exemple, mais il
est devenu belge à part entière. L'immigration en provenance d'Europe ne pose
que de négligeables problèmes d'assimilation, sauf en ce qui concerne
certaines régions d'Europe centrale à majorité musulmane, pour lesquelles
nous sommes ramenés au cas ci-dessous. L'affluence sur notre sol d'immigrés
d'origine africaine en général et maghrébine en particulier est une autre
paire de manches. Dans ce cas, la différence fondamentale de culture et de
religion est une cause directe de heurts entre les populations autochtone et
allochtone et génère l'insécurité, le trouble de l'ordre public, la
surcharge de nos institutions sociales, un malaise général. Il faut savoir en
effet que l'islam et le christianisme ne sont absolument pas miscibles. Les
valeurs qu'ils sous-tendent sont à l'opposé les unes des autres. Le musulman,
outre que dès son plus jeune âge on lui inculque un mépris de fer pour tout
ce qui n'appartient pas à la religion de Mahomet, se considère, lorsqu'il se
trouve en Europe par exemple, comme en terre à conquérir au nom d'Allah. Le
résultat est que dans les zones urbaines à forte concentration maghrébine, de
véritables ghettos se constituent et l'insécurité y devient endémique. Il
est hors de doute que l'actuelle attitude de nos gouvernants en ce qui concerne
l'immigration est démentielle et mène le pays tout droit au chaos. Au bout du
chemin se trouve en effet dans un premier temps la société dite
multiculturelle où l’influence de certains étrangers devient envahissante.
Dans un deuxième temps, la destruction de l'identité nationale, la
superposition de deux cultures non miscibles conduisant à d’inévitables
tensions. Il est hors de doute qu'une partie des musulmans qui vivent chez nous
est parfaitement assimilée : ils y mettent de la bonne volonté. Ce n'est
malheureusement pas le cas de tous et tous les programmes d'intégration qu'on
peut concocter n'y changeront pas grand-chose. Dans
de multiples domaines, les princes qui nous gouvernent vont à l'encontre du vœu
du corps électoral dans son ensemble, c'est à dire du peuple dans sa généralité.
Mais le système est tel que ceux qui ne devraient être que des guides
amovibles deviennent indéracinables. Et
en plus, Jupiter rend fous ceux qu'il veut perdre.
(Bastion n°60 de Avril 2002) |