«Valeurs
démocratiques»
NON-SENS !
On connaissait le "politiquement
correct", la "discrimination positive",
le "droit dingérence", et en
attendant mieux encore dans le concours pour la formule la plus idiote, voici
donc les "valeurs démocratiques". Particulièrement utilisée par les
membres de la caste politique qui nous dirige, véritable nomenklatura qui a
confisqué le pouvoir et en cadenasse un peu plus chaque jour laccès à ceux
qui nen font pas partie, lexpression cherche à justifier les abus de
pouvoir et les atteintes aux libertés publiques par la prétention à
sauvegarder des valeurs
Tout autre chose sont les principes formels dune démocratie, qui
garantissent à tout citoyen les libertés de pensée, dexpression, dassociation
et de réunion. Que dire des gens qui tendent à supprimer le bénéfice de ces
principes essentiels, à ceux qui ne partagent pas leurs valeurs ? Sinon que ce
sont eux qui violent fondamentalement la démocratie ! Quiconque parle de
valeurs sous-entend une idéologie ou une religion. Or la démocratie nest
précisément pas une idéologie ! Nen déplaise à ceux qui voudraient bien
en imposer une
Car la démocratie, cest précisément le foisonnement et la relativisation
de toutes les valeurs, la mise au passé de linstitutionnalisation de quelque
valeurs que ce soient.
Valeurs OU libertés =
dictature OU démocratie |
La démarche est vieille comme le monde, qui justifie larbitraire et les abus
de pouvoir par la prééminence de valeurs, censées prévaloir sur le droit des
gens. Cest le meilleur alibi de toutes les dictatures !
Si on excepte les tyrans de la haute antiquité, qui navaient pas lhypocrisie
de chercher une justification éthique à leur pouvoir absolu, on observe que
tous les pouvoirs modernes ont trouvé progressivement plus intéressant de se
trouver une justification religieuse ou idéologique. Déjà la monarchie
absolue de lancien régime invoquait le "droit divin" ; Calvin,
Cromwell, Bonaparte etc se prétendaient les garants personnels de valeurs quil
fallait défendre, lesquelles justifiaient les multiples atteintes aux
libertés. On a vu le marxisme-léninisme faire bon marché de la vie de
millions de gens pendant la majeure partie du XXè siècle, au nom du communisme
idéal quil fallait construire.
Le national-socialisme justifiait tous ses excès au nom de la défense de la
race et de la théorie de lespace vital. On connaît toujours à lheure
actuelle de nombreux pays où sévissent des pouvoirs totalitaires : tantôt ce
sont les derniers régimes marxistes-léninistes (Chine, Cuba
), tantôt ce
sont les pays religieux du monde islamique (Arabie, Emirats du golfe persique,
Iran, Afghanistan), tantôt enfin ce sont des dictatures (nombreuses en Afrique
: rappelons Idi Amin Dada, Bokassa, Mobutu
) moins préoccupées de se
justifier idéologiquement.
De tous temps, les régimes totalitaires invoquent limpératif de maintenir
des valeurs, pour justifier les atteintes aux libertés. "La fin justifie
les moyens" signifie à lorigine que les moyens les plus cruels ou les
plus ignobles sont sanctifiés par le but idéal auxquels ils sont subordonnés.
"On ne fait pas domelette sans casser doeufs" est une formule
plus triviale, mais qui signifie exactement la même chose. Jai connu des
communistes qui la sortaient pour excuser les pires abominations commises par lURSS
pour la "bonne cause".
La
démocratie, triomphe des libertés garanties |
Depuis les millénaires que les pauvres humains subissent les pouvoirs
totalitaires, certains ont cru finir par découvrir un système qui serait
"le pire, à lexclusion de tous les autres", qui garantirait à
chaque citoyen un maximum de libertés : la démocratie. Ce système se fonde
tout bonnement sur la volonté exprimée par le plus grand nombre, par le
suffrage universel.
A noter cependant que la démocratie à lorigine, chez les Athéniens ses
inventeurs, nétait pas aussi intégrale : le suffrage ny était pas
universel puisquil nétait le privilège que des hommes libres (les
nombreux esclaves en étaient exclus).
Ainsi, la prééminence de valeurs, prétexte de tous les totalitarismes, faisait place à un empirisme pur et simple :
rien nest bien, rien nest mal, et la loi suprême est celle de la "vox populi" qui sexprime dans les élections : on choisit ses dirigeants et on leur confie, pour un temps limité, la direction des affaires au bénéfice des attentes des citoyens.
Sils ont gouverné selon ces attentes, on peut les élire pour un nouveau mandat. Sils ont déçu ces attentes, on les renvoie au vestiaire et on en élit dautres, plus proches des aspirations de lélectorat.
Tel est lesprit fondamental de la démocratie. On peut assurément regretter que ce système, par définition, fasse table rase de tout principe supérieur, mais lexpérience ayant suffisamment montré que tout "principe supérieur" avait pour fâcheuse conséquence de simposer en dominateur des individus, au point den aliéner leurs libertés essentielles (celles qui sarrêtent là où commencent celles des autres), on a décidé que le moins mauvais compromis dorganisation politique était celui-là.
Je parle donc de la démocratie, ou pouvoir du peuple (dèmos) dont ladage serait "vox populi, vox dei".
"Valeurs
démocratiques" alibi d'une nouvelle dictature ? |
Mais ne voilà-t-il pas que dans certains pays (plus que dans dautres), la démocratie a donné naissance à des partis ? Nés pour la plupart il y a plus dun siècle, et se relayant au pouvoir dans des alliances tournantes, ces partis ont colonisé tout lappareil de lEtat et sen sont progressivement approprié tous les rouages. Et ils ont fini par sidentifier au système démocratique, au point den avoir oublié que le principe de base ne leur confère quun mandat toujours conditionnel ! Alors, attachés par une longue habitude aux privilèges du pouvoir, lorsquils ont commencé à rencontrer une certaine grogne dans la population, grogne se manifestant par lémergence de nouveaux courants issus des forces vives du peuple (quils oublient) souverain, ils ont cherché le moyen le plus efficace pour faire barrage à la montée de ces courants
dont nous sommes
Et, se basant sur des analogies à lemporte-pièce, ils nous présentent comme des résurgences des fascismes davant-guerre !
Dès lors, la consigne devient : préservons les "valeurs démocratiques". Ils oublient, et peu de nos concitoyens se rendent compte, que
LA DÉMOCRATIE EST FONCIÈREMENT LABSENCE DE VALEURS INSTITUÉES !!
La démocratie, on la vu, est ce quelle est, précisément en ce quelle nie essentiellement toute autre loi suprême que la volonté du plus grand nombre ! Par conséquent, se référer à cette formule des "valeurs démocratiques" ne fait quillustrer loubli fondamental de ce que signifie la démocratie. En démocratie, il ny a pas de valeurs en dehors de celles que choisissent les individus. Et elles sont multiples et toutes respectables. Vouloir faire penser tout le monde de la même façon constitue la tentation totalitaire. La plus grande diversité des "valeurs" est le signe dune vraie démocratie. Il ny a donc pas de "valeurs démocratiques" . Les seuls critères dune démocratie sont les principes essentiels de liberté de pensée, dexpression, dassociation et de réunion. Dans la mesure où nous exprimons les aspirations réelles dun grand nombre de nos concitoyens, soyons bien convaincus que la démocratie est profondément notre force
Isy LEMAIRE.
(Bastion n°54 de Juin 2001)
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