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Le billet dhumeur de Charles Magne Le chapeau melon de Guy Verhofstadt Le 2 mai dernier, Guy Verhofstadt a officiellement présenté les seize priorités de son gouvernement pour la onzième présidence belge de lUnion Européenne[1]. Cette annonce naura pas longuement retenu lattention des médias. En général, il se sont contentés de souligner lambition du premier ministre sans entrer dans les détails de son programme européen. Sans doute ont-ils préféré dissimuler le caractère insipide et inopportun de son intervention qui enfreignait les usages diplomatiques de lUnion Européenne. La coutume veut, en effet, que lEtat membre accédant à la présidence attende les derniers jours qui précédent la passation de pouvoir pour communiquer son plan dactions. Guy Verhofstadt, sestimant au-dessus de toute convention na pas jugé bon de respecter cette tradition. Pas davantage na-t-il tenu compte des demandes réitérées de la Suède (présidente en exercice) de reporter sa conférence de presse, créant, ainsi, dinutiles tensions au sein du Conseil européen des ministres [2] Cest dire en quelle estime le Premier ministre tient la coopération européenne. Faute dos à ronger, certains journalistes se sont laissés aller à divulguer quelques vérités sur la profondeur de vue de nos gouvernants. Ainsi, Yves Clarisse a-t-il écrit ce commentaire édifiant : « Le logo choisi par la présidence belge, qui rappelle volontairement un chapeau melon, souvent présent dans la peinture de René Magritte et les albums du dessinateur Hergé, risque dillustrer la difficulté de la tâche de la Belgique. Les négociations promettent en effet dêtre surréalistes et à linstar de Dupond et de Dupont, la Belgique pourrait bien se prendre les pieds dans le tapis à la fin de sa présidence. »[3] Malgré le ton persifleur de larticle, la prestation de Guy Verhofstadt na fait lobjet daucune critique de fond. Le Premier ministre y est même présenté comme un «jeune battant» et comme un grand politique. Manifestement, dans les médias officiels, lanalyse critique atteint rapidement ses limites. Personnellement, en lisant les seize priorités gouvernementales, cest une toute autre image de Guy Verhofstadt qui mest venue à lesprit. Celle-ci ma été inspirée par une séquence publicitaire dans laquelle on peut voir une bande de nains de jardin faire la promotion dun engrais. Lun des nains - qui donne lillusion dêtre plus grand que les autres - déclare à la cantonade que « lengrais X ne fait pas seulement grandir les géraniums. ». Un congénère lui rétorque « Cest cela, oui ! Enlève plutôt tes échasses.» Jaurais, pour ma part, linsigne envie de ramener Guy Verhofstadt à sa juste dimension historique en mécriant : « Chapeau melon bas ! Monsieur le Premier ministre ! » ; mais je crains que lon y décèle quelque allusion raciste ou sexiste[4]. Aussi, men abstiendrai-je. Plus sérieusement, que trouve-t-on dans le projet de présidence belge ? Au fond, rien de nouveau. Les mesures présentées sont étudiées depuis des lunes par les institutions européennes. On y recense pêle-mêle : la création dun brevet communautaire, la mise au point de nouveaux indicateurs statistiques en matière de qualité demploi, létablissement dune autorité alimentaire européenne. Tout ceci peut avoir son utilité, mais relève du train-train administratif de lUnion Européenne et non dune vision politique digne dune grande civilisation. Ces mesurettes techniques sont trop insignifiantes pour être vraiment préoccupantes. Par contre, celles relatives à la politique étrangère de lUnion le sont singulièrement. Que lon en juge par les priorités directement inspirées par Louis Michel : « Le respect des droits de lhomme est un des principes fondamentaux sous-tendant la détermination de la politique étrangère belge. La présidence belge envisage résolument daccorder une place majeure de ce principe de départ dans le cadre de létablissement de la politique étrangère et de sécurité commune ( ) Au conseil européen de Tampere organisé au mois doctobre 1999 a été approuvé un programme ambitieux et détaillé qui doit conduire à la création dun espace commun de liberté, de sécurité et de justice [5]. Il doit sagir dun espace ouvert fondé sur les principes européens de liberté et dhospitalité, de solidarité et de non-discrimination de respect des droits de lhomme et de la dignité humaine et des valeurs dune société multiculturelle » [6]. Avec tant de bons principes, il nétait pas étonnant que la grenouille gouvernementale se sentisse devenir buf et quelle envisageasse de placer la Russie sous haute surveillance droit-de-lhommesque : « Dans le cadre du dialogue avec la Russie, les questions de la stabilisation de la situation dans le Caucase et du renforcement de lEtat de droit seront également abordées. » Si la démocratie politique justifie le droit dingérence, ne serait ce pas, plutôt, à Vladimir Poutine de demander un droit de regard sur la Belgique où la liberté dexpression se réduit, de plus en plus, à une peau de chagrin ? Au stade denflure auquel est parvenu notre infatué ministre des affaires étrangères, il ne lui reste plus quà exiger du Conseil de Sécurité des Nations Unies de placer la Chine sous sa tutelle personnelle. Il risquerait, néanmoins, dêtre confronté à 1.200.000.000 de Chinois récalcitrants à lidée de se faire dominer par un tigre de papier, incapable daligner 4.000 combattants. Pour le reste, le tandem Michel-Verhofstadt connaît ses vrais maîtres. En matière de politique de défense, il prévoit que : « la présidence belge poursuivra les discussions en vue de conclure un accord définitif concernant la coopération entre lUnion Européenne et lOTAN. » Cela signifie-t-il la soumission définitive et irrévocable de la politique de défense européenne à lempire américain ? Plus effrayant, encore, est le projet de transférer la responsabilité de la politique dimmigration à la Commission Européenne, organe par essence apatride et immigrationniste. On peut, aussi, sattendre au pire avec lintention affichée délargir lUnion Européenne au plus grand nombre possible de nouveaux Etats sous entendu à la Turquie et même, pour reprendre les termes officiels : « au-delà ». En toute modestie, Guy Verhofstadt conclut son projet de présidence de lUnion par ce trait de grande modestie : « la présidence belge est ambitieuse. Cest ce qui ressort des priorités politiques quelle a identifiées. » Tiens donc ! Puisquil le dit, on ne demande quà la croire. De fait, cette présidence sera plus ambitieuse que courageuse. Sinon, elle naurait pas choisi, pour logo, le chapeau mou des évictionnistes mais le burnous des conquérants. Cela aurait au moins eu le mérite de la clarté. Quant à moi, jen men vais remettre le casque ailé de mes ancêtres. Par les temps qui courent, on ne sait jamais, un coup de cimeterre est vite arrivé.
[1] Elle débutera le 31 juillet et sachèvera le 31 décembre 2001. [2] A laquelle participait notre gourou mondial de la société multiethnique, le ci-devant Louis Michel. [3] Yahoo actualités, mercredi 2 mai 2001, communiqué de 18H45 reprenant la dépêche Reuters. [4] On remarquera que bien que la loi interdise toute discrimination, le gouvernement na pas hésité à discriminer le chapeau haut-de-forme en faveur du chapeau melon. Est-ce parce que, dans la tradition vestimentaire occidentale, le chapeau melon a été porté - en fin de mode - par les mauvais garçons ? Ou est-ce parce que le melon est originaire dAfrique du Nord ? Ou est-ce enfin parce que certains psychanalystes ont soutenu que le haut-de-forme était une sublimation du pénis et le chapeau melon celle du giron féminin ? [5] Si Louis Michel veut signifier par là que nous vivons dans un espace doppression, dinsécurité et dinjustice, je serai - pour une fois - daccord avec lui. [6] Source : « La présidence belge de lUnion Européenne 1er juillet 2001 31 décembre 2001, note de priorités. Site Internet du gouvernement.
(Bastion n°54 de Juin 2001)
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