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EDITO
Certaines
lectures nous amènent, parfois, à faire des découvertes étonnantes. Cest
ainsi quen feuilletant le livre de David Lodge Nouvelles du Paradis,
jai été amené à mintéresser aux îles Hawaii. En étudiant leur
histoire, quelle ne fut pas ma surprise de voir se dérouler sous mes yeux le scénario
dune éviction de population conduite, sciemment, par les Etats-Unis. Si nous
ny prenons garde ce scénario se renouvellera en Europe, car les mêmes
causes produisent, inévitablement, les mêmes effets. Avant
de se plonger dans lhistoire de larchipel, il convient davoir à
lesprit que les Etats-Unis se sont toujours conçus comme une puissance
maritime et marchande. Dès leur origine, ils ont privilégié une politique de
domination économique et culturelle sopposant à une politique de conquête
territoriale dispendieuse dhommes et de ressources.
De
ce point de vue, les îles Hawaii font, en partie, exception à la règle impériale
américaine. Effectivement, elles ont dabord été annexées puis rattachées
à lUnion. Pour comprendre les raisons de cette exception, il suffit de
regarder la position géographique de larchipel. Seule terre émergée entre
la côte ouest des Etats-Unis et lAsie, il est avec sa baie profonde de Pearl
- capable daccueillir les navires de guerre - la clef voûte de la puissance
maritime dans le Pacifique Nord.
Depuis
sa découverte, en 1778,
par James Cook, personne ne sy est trompé. Les Anglais et les Français
sy affrontèrent longuement, mais ce sont les Américains qui finalement
remportèrent la mise par un savant travail de sape. Alors que les Européens
tentaient dinfluencer la petite monarchie hawaïenne par la menace de leurs
canonnières, les Américains lui déléguaient leurs baleinières, leurs
marchands et leurs missionnaires. Cest sous linfluence de ces derniers que
la religion traditionnelle polynésienne seffondra en 1819. En 1820 ces mêmes missionnaires - venus de
la Nouvelle-Angleterre - convertirent la régente qui avait succédé au roi
Kamehamea 1er et établirent, dans larchipel, une théocratie
puritaine destinée à combattre la pénétration catholique et française. Ils
inspirèrent aussi, en 1849-1851, une vaste réforme foncière visant à
faciliter le rachat du patrimoine foncier insulaire par les planteurs américains.
Le premier acte de léviction était joué : les Polynésiens avaient été
dépossédés de leur religion, il restait à les déposséder totalement de
leur sol. Un pas décisif fut franchi, dans ce sens, en 1876 avec la signature
du traité de réciprocité entre les États-Unis et le royaume
dHawaii. On assista alors en lespace de quelques années à la prolifération
des plantations (américaines) de canne à sucre. Une fois les planteurs dans la
place, ils prétextèrent de la faiblesse de la démographie locale pour imposer
aux indigènes limportation massive dallogènes dans le but détendre
leurs exploitations. Cest là une donnée essentielle : la population indigène na cessé
de seffondrer au fur et à mesure que saccentuait le contrôle politique
et culturel de lArchipel par les Américains. En 1853 il y avait 71 000 Hawaiiens de souche vivant sur la terre de leurs ancêtres, en 1900, il
ny en avait plus que 31.000. A la fin du XIXe siècle le parti
immigrationniste - incarné par les planteurs
américains - entra en
conflit avec la monarchie Hawaïenne. Le premier voulait importer des coolies
asiatiques bon marché et politiquement dociles alors que la seconde, consciente
du danger déviction, voulait revitaliser la race indigène. Cependant, à partir de 1890, le sort de
cette nation polynésienne était consommé. Comme lindique justement
lencyclopédie Universalis dans son article consacré à Hawaii : « Les dernières décennies du XIXe siècle sont marquées par une distorsion de
plus en plus accentuée entre la vie politique de larchipel, qui reste centrée
sur la monarchie indigène, même devenue constitutionnelle, et la réalité de
lévolution économique et humaine, qui concentre le pouvoir économique aux
mains des étrangers (américains, n.d.l.r.) qui submerge les indigènes sous
les vagues successives dimmigrants. Contestée à plusieurs reprises déjà,
la royauté, représentée en loccurrence par la reine Liliuokalani, ne put
faire face en 1893 à une nouvelle insurrection soutenue par le consul des États-Unis
et quelques troupes. » En dautres termes : lorsquil
sest avéré que la monarchie hawaïenne devenait un frein à linvasion
elle a été remplacée manu militari par une république à la solde de
loccupant économique. La
digue monarchique rompue, le flot put sécouler. Ainsi furent importés,
entre 1853 et 1933, 46 000
Chinois (avant 1898), 180 000
Japonais, 115 000 Philippins et 7 900 Coréens. La leçon de cette substitution de population
mérite dêtre tirée. Si, de nos jours, une monarchie européenne
fut-elle constitutionnelle savisait de sopposer à léviction de la
population de souche : elle serait rapidement remplacée par une république
créée de toute pièce. Il faut, cependant, admettre que ce risque ne pèse guère
sur la Belgique. En effet, à la différence des gouvernants polynésiens du siècle
dernier, lestablishment belge est déjà au service du parti de létranger.
Mais, dira-t-on quel intérêt auraient les
Etats-Unis à voir lEurope submergée par les déferlantes musulmanes et
africaines ? La réponse à cette question est simple : pour le même
motif quils ont évincé la population polynésienne dHawaii. Cet intérêt
est dicté, dune part, par la docilité des populations déracinées à
saméricaniser et, dautre part, par la volonté de jouer la carte dun
Islam producteur de pétrole contre une Europe productrice de matière grise. Il est un fait notoire, comme le souligne
encore très justement lencyclopédie Universalis que : « La
civilisation américaine, rencontra un très vif succès auprès des fils et
petits-fils dimmigrés orientaux nés aux Hawaii, donc citoyens américains
et désireux de saméricaniser au maximum. » Mais avant den venir à laméricanisation
définitive de larchipel par sa transformation en Etat américain, revenons
quelques instants à la chronologie des évènements. En 1893, les insurgés qui avaient renversé la reine Liliuokalani proposèrent lannexion des Hawaii. Avec la plus parfaite hypocrisie, le gouvernement américain la refusa officiellement. Il est probable quà ce moment, il ne voulut-il pas entrer en conflit direct avec la France et avec lAngleterre, alors quil entreprenait de chasser les Espagnols de Cuba, de Guam et des Philippines (1895). Les insurgées attendirent, par conséquent, une conjonction politique plus favorable et instaurèrent une république de transition. Toutefois, il ne fallut pas attendre longtemps avant que les masques ne tombassent. En 1898, les Hawaii devenaient un territoire des États-Unis, administré par le Congrès et par un gouverneur nommé par la Maison Blanche. Sous ce régime nouvelle formule, le poids électoral des Asiatiques
saccrût au point où, dans les années 1930, les Hawaiiens de souche
disparurent des statistiques officielles pour se fondre dans le groupe des métis
asiatiques. La boucle était bouclée. Le 21 août 1959 un referendum était organisé à Hawaii. Une immense majorité
du nouveau peuple approuva laccession de larchipel au rang de
cinquantième État des Etats-Unis. A cette date plus personne ne se souvenait
du coup de force de 1893 ni quil existât, autrefois une nation polynésienne
aux îles Hawaii. Les Etats-Unis nimbés de leurs vertus démocratiques
pouvaient se présenter, à la face du monde, les mains immaculées et soutenir
dans les colonies européennes les mouvements insurrectionnels qui allaient
chasser leurs rivaux dAsie et dAfrique. Qui
sait si en 2029, on ne verrat pas en Belgique lorganisation dun referendum
pour son rattachement à une grande confédération musulmane de lEurope de
lOuest, dirigée par les Etats-Unis ? En tout cas, si rien ne change, une
chose est sure : il ne manquera pas délecteurs acquis au projet. Alors,
amis lecteurs, pour éviter que la tragédie dHawaii ne se répète, restons
vigilants et combattons pied à pied tous les discours immigrationnistes qui
portent en eux la décomposition et la mort des peuples. (Bastion n°50 de Février 2001) |