Programme FNB - Le FNB - Démocratie - Insécurité - Islam - Armes -

 Armée belge - Santé  - Féret - Le Bastion - Emploi - Enseignement - Vos élus -

ELECTIONS AU BELARUS

 

Il faut lever les sanctions de l'Union Européenne contre le Belarus!

 

Ce mois-ci, les citoyens de Belarus, anciennement Biélorussie, retournent aux urnes. Le premier tour des élections a eu lieu le 15 octobre dernier. J'étais moi-même invitée, par le Ministre des Affaires Etrangères Ural Latypov, en tant qu'observateur international. Et ce parmi quelque 150 autres députés, venus du monde entier. Trois autres députés belges étaient présents: Stef Goris (VLD), Patrick Moriau (PS) et Jean-Pol Henry (PS), tous trois membres de la Commission des Relations Extérieures à la Chambre. C'est que le Belarus fait l'objet de sanctions, de la part de l'Union Européenne (UE). Motif? L'adoption par référendum, le 24.11.1996, d'une nouvelle Constitution, instaurant un régime présidentiel, doté d'un Parlement élu au suffrage universel. Cette Constitution n'a pas eu l'heur de plaire à l'UE, qui  a suspendu les contacts ministériels bilatéraux avec le Belarus. Le Belarus a donc voulu démontrer le caractère démocratique de l'élection du 15 octobre. Las! La veille au soir, via l'émetteur TV5 diffusé par satellite, les Etats-Unis annonçaient qu'en tout état de cause ils ne reconnaîtraient pas le résultat des élections. Dans la rue, le parti pro-américain "Belarusian Social Democratic Assembly" appelait d'ailleurs au boycott du scrutin. Bref, une "Troika" composée de dignitaires du Parlement Européen, de l'OSCE et du Conseil de l'Europe, s'est empressée de faire la fine bouche, dans la foulée. C'est vrai, dit la Troika, il y a eu des progrès sensibles depuis les dernières élections, mais des progrès insuffisants. Par exemple? L'exécutif contrôle les commissions électorales. Et qui donc compose les bureaux électoraux en Belgique?! Ou encore: on a abusé des procédures d'enregistrement des candidats, pour écarter les indésirables. Qui ne se souvient du juge Panier, à Namur, en mai 1995, jetant au panier deux listes électorales indésirables (Unie et la liste de Roger Nols), sans aucun recours possible?! Ou alors: le Code réprime les appels au boycott des scrutins. Hé oui, si ce sont les Américains qui appellent au boycott, il est clair qu'ils ne peuvent être punis, ce ne serait pas démocratique. Mais lisez ceci, la cerise sur le gâteau: "Le quota de cinq minutes, alloué à chaque candidat à la télévision nationale, sur une base égale, bien qu'étant une amélioration significative par rapport aux précédentes élections, était insuffisant pour informer les électeurs des choix disponibles...". Alors là, on reste pantois! Quand on pense qu'en Belgique, tout au coeur de l'Union Européenne, au coeur de la démocratie, aucun nouveau parti n'a accès à la télévision pendant la campagne électorale, et qu'il suffit qu'une radio d'Etat, telle la RTBF, vous déclare "parti non démocratique", pour vous écarter de la radio aussi, on ne sait trop s'il faut rire ou pleurer! Je ne me suis pas privée de dire tout ceci, à la télévision, à la radio... de Belarus. Alors que je suis interdite d'antenne dans mon propre pays "démocratique". Et j'en ai conclu simplement: un pays est réputé démocratique ou ne l'est pas, selon qu'il est ou non  soumis à la diplomatie américaine. Voyez la Turquie, où l'Armée fait et défait les gouvernements, ou l'Arabie Saoudite, une monarchie absolue. Leur fait-on le moindre petit reproche? Que non! Ce sont des alliés militaires et/ou économiques des Etats-Unis. A mon étonnement, lorsque j'ai bien expliqué ce simple point devant les caméras de télévision, sur un podium que je partageais avec d'autres députés, Jordaniens, Turcs, Estoniens, Russes, Arméniens... sans compter La Ligue des Droits de l'Homme Anglaise (Human Rights, Oxford) et devant un hémicycle plein de députés et de journalistes de toutes nationalités, la salle a éclaté en applaudissements. Comme quoi, si la soumission à la diplomatie américaine est quasi-universelle, la sympathie à son égard l'est beaucoup moins. Mais, moi qui suis un député réduit au silence dans mon propre pays, faisant l'objet d'intimidations constantes, je me suis intéressée là-bas aux conditions de la campagne électorale. J'ai pu interroger à ce sujet, et à quelques autres, le premier adjoint du Ministre Latypov, Sergeï Martynov Nicolaevitch.

 

M.MB: La presse révèle aujourd'hui que les Etats-Unis ont lancé 35 millions de dollars dans la campagne électorale de Vojislav Kostunica, que Washington a formé des militants serbes aux techniques de déstabilisation du pouvoir, que l'Union Européenne a payé des dizaines de millions d'euros à la presse d'opposition ou aux municipalités tenues par l'opposition à Milosevic. Après la Yougoslavie, le Belarus?

 

S. Martynov: Je voudrais dire tout d'abord, qu'on ne peut comparer la Yougoslavie et le Belarus. Pour ce qui est de nos relations extérieures, le Belarus n'a jamais été une source de conflits, mais au contraire une source de stabilité dans la région. Nous n'avons pas de conflits avec nos voisins. Pourtant, nous avons une histoire bien compliquée, avec la Pologne, la Russie, la Lithuanie, l'Ukraine! Nous pourrions y réclamer des territoires, ou vice-versa. Mais nous ne l'avons pas fait. C'est pourquoi, le Belarus devrait être apprécié par l'Europe comme un facteur de stabilité. En ce qui concerne notre situation intérieure, le Belarus est une société multiethnique: il y a des Belarus, des Russes, des Polonais, des Ukrainiens, des Juifs, des Tatars. Nous avons deux grandes confessions: orthodoxe et catholique. Il y a un certain nombre de musulmans et de juifs, cela ne pose aucun problème. C'est pourquoi la Yougoslavie et le Belarus ne sont pas comparables.

 

M.B.: En Belgique, durant la campagne électorale, les nouveaux partis n'ont aucun accès à la télévision. Pour ce qui est de la radio, il suffit qu'une radio d'Etat les déclare "partis non démocratiques", pour les faire interdire d'antenne. La presse exerce, à notre égard, une censure totale. Des juges, le cas échéant corrompus politiquement, déchirent nos listes électorales, sans que nous ayons le moindre recours avant les élections. Qu'en est-il au Belarus?

 

S.M.: Nous avons un système mixte de médias: les médias d'Etat et les médias indépendants. Quant à la presse écrite, il y a 1300 titres enregistrés dont 1000 sont indépendants et 300 sont des médias d'Etat. Pendant la campagne électorale, tous les candidats enregistrés ont un accès égal à tous les médias d'Etat. Ils ont droit à une apparition à la télévision, une tribune libre à la radio, un article dans un journal. Tout cela est gratuit. Il y a 506 candidats enregistrés pour 110 sièges au Parlement. La télévision accorde une tribune électorale aux candidats, pendant la campagne électorale, dans la tranche horaire de 18 à 19 heures. Le temps est imparti de façon égale aux candidats, sans distinction entre les partis politiques. Nous avons un règlement concernant les journaux indépendants. S'ils prennent fait et cause pour un candidat, ils ont l'obligation d'accorder le même espace à ses concurrents.

 

M.B.: En Belgique, un nouveau parti doit récolter un certain nombre de signatures de présentation, pour pouvoir se présenter aux élections. Des partis microscopiques, manipulés par le pouvoir, déposent plainte en faux en écritures contre ces signatures, et certains juges jettent nos listes électorales au panier, sans autre forme de procès. Je précise que je suis moi-même présidente d'un parti politique, le FNB, que j'ai été auparavant, successivement, substitut du Procureur du Roi, juge au tribunal du travail et professeur à l'école de police, puis conseiller à la cour du travail de Bruxelles, et que pourtant, je suis la cible de tels procédés antidémocratiques! Qu'en est-il au Belarus?

 

S.M.: Il existe, au Belarus,  trois voies d'accès aux élections. Si vous êtes candidat d'un parti politique, vous n'avez pas besoin de signatures de présentation. Si vous êtes un candidat indépendant, il vous faut recueillir 1000 signatures. Si le nombre de signatures douteuses dépasse 15%, le candidat est écarté. Il y a cependant deux recours contre cette mise à l'écart. Vous avez 3 jours pour saisir la commission centrale des élections; celle-ci a 3 jours pour examiner votre plainte. Les audiences sont ouvertes à la presse, aux citoyens, aux observateurs nationaux et internationaux. La commission examine attentivement les signatures, entend les explications de chacun, en public. Si la plainte est rejetée, vous pouvez saisir la Cour Suprême, qui statue également dans les 3 jours. Les audiences, ici aussi, sont publiques.

 

M.B.: Nombre de pays de l'Europe de l'Est, tels la Pologne ou la Hongrie, souhaitent faire partie de l'Union Européenne. Où est l'avenir du Belarus, à votre point de vue, dans la Communauté des Etats Indépendants, avec la Russie, ou dans l'UE?

 

S.M.: Je dois d'abord vous expliquer le type d'économie que nous avons. Le Belarus a une économie productive, mais n'a pas de ressources naturelles, exactement comme la Belgique. Nous dépendons donc des importations de matières premières, d'énergie et nous dépendons de l'exportation de produits finis. Le taux des exportations représente plus de 50% de notre P.I.B. C'est pourquoi les relations internationales sont vitales pour nous. Notre source principale de matières premières et d'énergie est la Russie. C'est pourquoi l'union avec ce pays est très importante pour nous. Oui, il y a eu des accords à ce sujet, dès décembre 1998. L'accord le plus récent porte sur la libre circulation des personnes, des produits et des capitaux. Cela devrait signifier, par exemple, que les Belarus pourraient obtenir le pétrole au même prix que les Russes.  Mais nous ne voulons pas dépendre d'un seul marché, c'est pourquoi nous voulons coopérer avec la Russie et avec l'Union Européenne. Nous tachons de développer les échanges avec l'UE, et nous y parvenons, malgré les sanctions politiques prises contre nous. Vous savez que le ministre des Affaires Economiques italien ne peut pas rencontrer son homologue belarus, par exemple! Ces sanctions rendent les échanges plus difficiles. Néanmoins, en l'an 2000, la part de la Russie dans nos exportations est de 49% et celle de l'Union Européenne de 30%. Ces chiffres sont déjà comparables. Nous ne souhaitons pas que la Russie et l'Union Européenne se développent isolément, dans des blocs séparés. Nous voulons une coopération entre les deux marchés.

 

MB, député bruxellois

 

(Bastion n°47 de novembre  2000)

[Accueil]  [Bastion]