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Et quand je serai vieux, je serai vieille ? Des maisons de repos et de l'euthanasie...

"Le Bastion" a interrogé une directrice d'une maison de repos, pour personnes âgées. Comment réagit une veuve, "déposée" dans un home par sa famille, au lendemain même de l'enterrement de son mari?! A-t-elle une chambre privée? Combien coûte le séjour en maison de repos? Qui le paie? Est-il vrai qu'une dame âgée est soudain entourée de personnel africain et nord-africain? Arrive-t-il que deux jeunes aides-soignantes marocaines, changent ses draps ou ses langes en plaisantant entre elles, en arabe? Qu'un aide-soignant noir prodigue des soins intimes à une pensionnaire désorientée? Et puis vient l'heure de la mort. Notre interlocutrice constate qu'un malade veut rarement mourir: ce qu'il veut, c'est ne plus souffrir. Mais l'entourage? Notre société ne veut plus voir la mort en face. Dès qu'elle s'annonce, on préfère la demander...pour les autres. Et pourtant, mourir fait partie de la vie. A l'heure de la mort, il y a des gestes, des regards, des mots, uniques. De la tendresse, ou le pardon, qui peut parfois enfin s'exprimer. Le législateur veut manifestement faire l'économie, de ces moments uniques. Economie, dites-vous? Il y a trop de personnes âgées, dit le législateur, cela pose des problèmes à l'assurance-pension. Mais il tait pudiquement les problèmes que cela pose en matière d'assurance-maladie. Pour mieux cacher ses intentions réelles? Soyons très vigilants.  

Le Bastion: Comment cela se passe-t-il, quand une personne âgée arrive pour la première fois dans un home, quand elle a tout laissé derrière elle? Pense-t-elle qu'elle n'a plus qu'à attendre la mort, ou est-ce parfois le début d'une nouvelle vie?

M.: Cela dépend. Il est rare que la personne âgée ait eu le libre choix! Souvent, la famille l'a poussée à entrer dans un home, parce qu'elle n'a plus le temps, ou les moyens, de la prendre en charge. Parfois la famille est un peu trop rapide! J'ai vu bien souvent des veuves déposées dans un home, le lendemain de la mort de leur mari. Déposées comme des paquets, avec leurs valises! La personne passe souvent par une phase de dépression, il faut alors l'entourer très fort. Elle a perdu sa routine, elle n'a plus ses meubles, les repas ne sont pas cuisinés comme chez elle, parfois il faut partager une chambre commune. Pour d'autres, oui, c'est une nouvelle vie: elles étaient seules chez elles, et là elles peuvent créer des liens.

Le Bastion: A-t-on une chambre privée, dans un home, ou faut-il toujours partager?

M.: Dans les homes pour budgets modestes, ce sont souvent des chambres à 4, 3 ou 2 personnes. Le maximum autorisé aujourd'hui est de 3 lits. Il y a encore des chambres à 4 lits, mais en pratique c'est souvent 2. Quand on dispose d'un budget de moins de 35.000 francs, on n'a pas vraiment le choix. Dans les CPAS, c'est plutôt un problème de liste d'attente. Il faut attendre qu'une chambre se libère.

Le Bastion: Combien coûte un séjour en maison de repos?

M.: Le minimum est d'environ 25.000 francs par mois. En moyenne, c'est plutôt 35, 40.000 francs par mois. Mais il y a des suppléments. L'incontinence est assez fréquente chez les personnes très âgées. Le prix des alèses et des changes, Bambinettes et Pampers, est rarement compris. Cela coûte fort cher, jusqu'à 7, 8000 francs par mois. Et puis il y a les prix des maisons de standing: 80 à 100.000 francs par mois. Là, on a un flat, des repas de qualité, on est traité avec respect, il y a un coiffeur, une manucure, les dames sont en tailleur...Dans un home modeste, on conseillera à la famille de laisser le pensionnaire en "training". Si on veut épargner sur la blanchisserie, on lui laissera des vêtements tachés quelques jours! Une personne riche est toujours plus belle à voir qu'une personne pauvre, il n'y a pas d'égalité dans la vieillesse non plus.

Le Bastion: Quel est le rôle des CPAS, dans l'hébergement des personne âgées?

M.: Les prix d'hébergement dans les homes des CPAS, sont assez élevés: 40, 44.000 francs. Ces homes disposent de bons équipements, offrent des animations aux pensionnaires. Le CPAS intervient donc, si on ne dispose pas d'une telle somme. J'ai été effarée par la rapidité avec laquelle l'assistante sociale fait l'enquête financière: en deux jours, elle connaît l'état de tous vos comptes! Et elle choisit les pensionnés aux revenus les plus élevés, pour que le CPAS doive intervenir le moins possible. Les personnes aux revenus modestes sont orientées vers les homes privés vieillots, où les prix d'hébergement sont beaucoup plus bas. Imaginez une personne qui a 22.000 francs de pension. Elle sera orientée vers un home vieillot dont le coût d'hébergement est de 28.000 francs, par exemple, car le CPAS ne devra ajouter que 6000 francs par mois! Si ce pensionné était orienté vers un home du CPAS, où le coût d'hébergement est de 44.000 francs, le CPAS devrait ajouter 22.000 francs, et il n'y tient pas!

Le Bastion: On dit souvent que dans les homes, les personnes âgées belges sont de plus en plus souvent soignées par des Nord-Africaines, des Turques, des Africaines. Est-ce vrai?

M.: Dans les écoles d'infirmières, plus de la moitié des élèves sont arabes ou africaines. Pour les aides-soignantes, la proportion d'étrangères est encore plus importante. C'est une profession ingrate. Une aide-soignante est payée comme un ouvrier non qualifié. Les pères orientent les jeunes Marocaines vers les maisons de repos, où elles seront mieux protégées pensent-ils. Elles traitent souvent bien les pensionnaires, car elles ont encore le sens du respect de la personne âgée.

Le Bastion: Et que pense le pensionnaire, soudain entouré de Marocaines ou d'Africaines, pour ses vieux jours?

M.: Hé bien, on essaye de garder un certain équilibre. S'il n'y a que des aides-soignantes marocaines, par exemple, il se crée, inévitablement, un esprit de groupe. Imaginez deux aides-soignantes marocaines, qui changent les draps ou les langes d'une vieille dame, tout en plaisantant en arabe entre elles. La personne âgée va se sentir exclue. Et puis certaines pensionnaires refusent mordicus d'être lavées par une Noire. Je viens par exemple d'engager un aide-soignant Ruandais, un homme donc de surcroît...

Le Bastion: Vous voulez dire que cet aide-soignant africain lave les dames âgées, leur donne des soins intimes?

M.: Oui, mais c'est un garçon très bien. De plus, je n'ai pas eu le choix, c'est le seul qui ait répondu à mon annonce. Quand je fais ses listes de toilette le matin, je fais une sélection. Je sais que telle ou telle pensionnaire ne le supportera absolument pas. J'attends qu'il soit intégré et apprécié.

Le Bastion: Les partis traditionnels entendent légaliser l'euthanasie. Or, les droits du patient dans les hôpitaux sont déjà rarement respectés. On lui impose souvent des examens, des prises de sang, un traitement, une opération, sans lui donner beaucoup d'explications. N'y a-t-il pas lieu de craindre, dans un tel climat, qu'on lui impose désormais, directement ou indirectement, de mourir, quand l'entourage aura décidé qu'il a vécu assez longtemps?

M.: Oh! C'était pire avant. Le médecin, l'équipe soignante, étaient souverains, le patient subissait. L'idée commence à s'imposer, qu'il ne s'agit pas seulement d'un patient, mais d'un client. Qui a le droit de refuser un traitement, de poser des questions. Certains médecins se donnent la peine d'expliquer ce qu'il va subir, ce qui diminue sa peur. Donc, on a fait quelques progrès. Quant au problème de l'euthanasie, il n'est pas essentiel. Ce dont il faudrait parler, c'est de la qualité des soins palliatifs. Des soins qui ne peuvent plus guérir, mais qui maintiennent au mieux la qualité de vie. Avant d'administrer la mort au hasard, c'est la souffrance du patient qu'il faut alléger. On a fait des progrès énormes dans le traitement de la douleur. Mais ces techniques sont rarement maîtrisées par les médecins.

Le Bastion: Arrive-t-il vraiment qu'un patient demande lui-même l'euthanasie?

M.: Au stade terminal, le patient est si affaibli, qu'il n'a pas la capacité de formuler une telle demande. Il n'est plus à même de prendre une telle décision en toute lucidité. En fait, c'est souvent la famille qui ne supporte plus la vue de la douleur. On parle tellement d'euthanasie! C'est devenu une demande régulière. A partir du moment où on aborde le stade pré-terminal, la question est posée: "Il n'y a pas moyen de faire quelque chose, docteur?". Notre société ne supporte plus ni la souffrance ni la mort. La mort n'est plus acceptée, elle doit être poussée dans un coin, elle doit être cachée, elle est intolérable. Dès qu'approche le spectre de la mort, on refuse d'en affronter l'idée et on la demande tout de suite...pour les autres. Et puis la famille ne veut pas venir au chevet du malade pendant 3 semaines. Psychologiquement, c'est très dur. Je dirais aussi qu'il y a des raisons "pratiques". J'ai connu un couple qui voulait absolument partir en vacances, leur vieille maman de 95 ans agonisait, et ils voulaient qu'on en termine! Ils savaient très bien qu'avec une piqûre de morphine, ce serait terminé en quelque 12 heures.

Le Bastion: Comment agit la morphine, exactement?

M.: La morphine est un anti-douleur, mais elle a pour effet secondaire d'accélérer la mort. La respiration, le rythme cardiaque sont réglés par un centre nerveux situé dans le cerveau. La morphine ralentit le rythme cardiaque, le coeur bat plus lentement et plus doucement, les cellules ne sont plus oxygénées et elles meurent petit à petit, par manque d'oxygène. C'est ça, la mort: un arrêt d'oxygénation des cellules. La personne entend et comprend ce qu'on dit autour d'elle, elle ne s'aperçoit pas qu'elle manque d'air, elle est dans un état bienheureux, elle s'éteint doucement.

Le Bastion: Si l'on autorise l'euthanasie, le patient ne va-t-il pas avoir peur de son médecin, de sa famille? Cela ne va-t-il pas changer du tout au tout ses derniers contacts affectifs?

M.: C'est bien possible. J'ai souvent vu des infirmières surchargées, faire pression sur le médecin, ou sur la famille. C'est rarement le patient qui veut écourter sa vie. Ce qu'il veut, c'est ne plus souffrir. Pourtant, cela peut arriver, dans une maladie chronique longue et pénible. Là le patient voit l'échéance, la chronique d'une mort annoncée. Et il est encore lucide. J'ai connu un tel patient, dont on m'a raconté plus tard la fin. Il avait 67 ans, il souffrait terriblement. Il avait subi des dialyses pendant des années, il avait vu en salle de dialyse des patients mourir à côté de lui, il avait eu le temps d'anticiper sa propre mort. Un jour, il a fait le deuil de sa vie, il a pris une décision sans en parler à sa famille, il a dit au médecin: je veux une piqûre, demain. Il a dit: je ne veux pas souffrir encore des semaines, je ne veux pas que ma femme doive me conduire à la toilette, je ne veux pas devenir incontinent, je ne veux pas qu'on me lange, je ne veux pas avoir d'escarres, je ne veux pas étouffer. Il ne pouvait plus vivre sans apport d'oxygène. Le médecin a protesté, comme il se doit. Mais il connaissait ce patient depuis des années, il l'a écouté avec beaucoup d'attention. Je crois qu'en fait, il était d'accord. Je crois qu'on lui a donné une dose de morphine, tout à fait normale, mais comme ses reins ne fonctionnaient pas, son corps ne l'a pas éliminée. On lui a fait la même piqûre 4 heures après, les doses se sont additionnées, il est mort lucidement, il n'était pas dans le coma.

Le Bastion: Vous dites qu'un tel cas est exceptionnel. Dès lors, si l'on légifère en matière d'euthanasie, ce n'est pas au bénéfice du patient, mais plutôt de la famille, des infirmières, voire de l'assurance-maladie?

M.: Bientôt, un malade va se sentir un poids, je l'ai déjà entendu. "Je ne veux pas être une charge pour ma famille, je veux mourir, je veux partir". Et cela va devenir tellement banal, qu'ils vont finir par le demander en effet. Et puis la famille vient me dire: "Surtout ne vous acharnez pas, hé, madame, pas d'acharnement thérapeutique...". C'est toujours sous le prétexte de ne pas s'acharner, qu'on aborde la question de l'euthanasie. Parfois, la demande est très claire. Les notes d'hôpital sont lourdes. Quand à l'assurance-maladie, le malade "euthanasié", c'est, à l'évidence, une économie! On parle toujours du poids des personnes âgées sur le système de pensions, on tait pudiquement le poids qu'elles font peser sur l'assurance-maladie.

(...Pour dissimuler les intentions réelles du législateur?)

 

(Bastion n°41 de mars  2000)

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