Programme FNB - Le FNB - Démocratie - Insécurité - Islam - Armes - Armée belge - Santé - Féret - Le Bastion - Emploi - Enseignement - Vos élus - |
Le billet dhumeur de Charles Magne Une leçon dhistoire pour les donneurs de leçons de morale
Depuis plus dun siècle les Etats-Unis se sont arrogé le monopole de la vertu politique internationale, soctroyant ainsi le privilège de mener leurs guerres impériales sous le couvert de la morale. Un dossier paru, ce mois de novembre, dans la revue Historia (n° 635 bis) consacré aux grandes manipulations de lhistoire, vient à propos rappeler que les Etats-Unis nont jamais cessé dagir avec le plus parfait cynisme et la plus constante brutalité pour asseoir leur hégémonie mondiale. Leur domination est le fruit dune technique éprouvée. Cette technique, assez grossière, nen est pas moins dune redoutable efficacité. Elle se décline en quatre temps :
Le premier temps est celui où lennemi à abattre est choisi en fonction des priorités dexpansion économique du moment. Le second temps est celui où lennemi est diabolisé aux yeux de lopinion publique. Le troisième temps vise à créer les conditions qui acculeront lennemi à la faute, si possible à lagression directe contre les Etats-Unis ou lun de ses alliés. Dans lhypothèse où cette agression ne se produirait pas, une opération de désinformation est systématiquement organisée pour faire croire à cette agression. Le quatrième temps est celui de la guerre totale. Lennemi doit non seulement être détruit mais ses dirigeants remplacés par des hommes de paille. Le scénario est exposé. Il convient, maintenant, de le vérifier à laune de la politique de conquête poursuivie par les Etats-Unis depuis la guerre de Sécession. On peut, en effet, affirmer que cest à partir de lexpérience acquise lors de ce conflit que (1861-1865) lélite du Nord des Etats-Unis a mis en place la machinerie idéologique et militaire qui allait lui assurer laccès à la suprématie planétaire. En 1861, lUnion américaine était divisée en deux zones pour schématiser le Nord et le Sud aux intérêts antagonistes. Le Nord était industriel et le Sud agricole. Dans les Etats du Nord, lesclavage (*) avait été aboli, non par générosité dâme, mais pour créer une main duvre mobile, disponible, servile, et à bon marché. Le Nord était protectionniste, tourné vers son marché intérieur et animé par légalitarisme distillé par les loges maçonniques. Le Sud était quant à lui libre-échangiste, orienté vers lEurope cétait là sans doute sa plus grave faute mû par un esprit de tradition. La confrontation était inévitable. Les élites du Nord étaient toutefois bridées dans leur volonté de domination du Sud, par le droit de sécession que prévoyait la constitution fédérale. La guerre ne pouvant se faire au nom du droit se ferait donc au nom de la morale. Les manuvres contre le Sud commencèrent dès 1832. Cette année là, le Congrès fédéral (dominé par le Nord) imposa unilatéralement à la Caroline du Sud un nouveau tarif douanier, qui menaçait tous les équilibres fondamentaux de son économie.
(*) Lauteur tient à signaler que ce développement a pour seul but déclairer le lecteur sur la politique impériale américaine. Il nest ni dune manière directe, indirecte, inconsciente ou subluminale, une apologie de lesclavage, ce qui est cohérent avec sa position de refus de lasservissement des peuples, européens en particulier, aux idées reçues et son refus de toute forme davilissement.
Cet Etat tenta de sopposer au tarif douanier en question, mais dut finalement se soumettre devant la menace dune intervention armée des troupes fédérales, brandie par le président Jackson. Le galop dessai était un succès. Le scénario de la provocation/répression/soumission était rodé. Mais il fallait encore préparer les consciences à la guerre civile. Tel fut le rôle " confié " à certains intellectuels, dont Harriet Beetcher-Stowe faisait partie. Son ouvrage La case de loncle Tom (1852), fut lun des premiers ouvrages de propagande de lère moderne et produisit lémotion voulue. Dans les années suivantes, le parti Républicain (créé en 1854) sous linfluence du lobby industriel, fit du thème de labolition de lesclavage son unique discours politique. Celui-ci était ostensiblement orienté contre les Etats du Sud. En novembre 1860, lélection du candidat républicain Abraham Lincoln fut donc vécue par les Etats du Sud comme une véritable déclaration de guerre. En effet, ce président très minoritaire, élu avec seulement avec 39,8% des voix, navait pas lintention dabandonner son programme qui condamnait dans la pratique toute la structure politique, économique, culturelle et sociale des Etats du Sud. Face à ce péril, la Caroline du Sud, le Mississippi, la Floride, le Texas, La Géorgie, le Texas, la Louisiane, se retirèrent conformément à leur droit de lUnion et formèrent le 8 février 1861 un nouvel Etat baptisé " Les Etats confédérés dAmérique ". Cet Etat voulut naturellement exercer sa souveraineté sur un certain nombre de places fortes fédérales situées sur son territoire : Sumter à Charleston (Caroline du Sud) et Pickens à Pensacola (Floride), ce à quoi leurs commandants fédéraux sopposèrent. Devant ce refus, les troupes confédérales organisèrent leur siège. Cest alors que Lincoln saisit lopportunité politique et stratégique que son parti avait réussi à créer et se décida à engager la guerre civile, fort de sa posture dagressé. La suite est connue. La leçon tirée du conflit par les dirigeants du Nord fut inestimable : les foules aimaient être ébahies par la propagande humanitaire et le sentiment du bon droit (*). Elles allaient être servies.
A la fin du siècle dernier, les Etats-Unis se donnèrent de nouveaux objectifs impériaux : le contrôle exclusif de laccès à lAmérique du Sud, et la percée dans le Pacifique. Une puissance sopposait à ce dessein : lEspagne. Cependant, léloignement et lexpérience diplomatique du nouvel ennemi rendaient les tentatives de manipulation difficiles. Pour pallier labsence dagression espagnole, les Etats-Unis allaient exploiter lexplosion accidentelle du cuirassier Maine (1898) au large de Cuba, et faire croire, à leur opinion publique, quil sagissait dune attaque surprise de lArmada espagnole. Sur la base de ce motif, inventé de toutes pièces, les hostilités furent ouvertes. Après de courtes batailles navales, les Etats-Unis remportèrent une victoire totale et acquirent, en retour, la mainmise sur Porto Rico, Cuba, les Philippines et lîle de Guam. Tout cela nétait pas très moral, mais les formes (mensongères) y étaient.
(*) A ceux qui douteraient que la propagande abolitionniste du Nord nétait que poudre aux yeux, il est rappelé les faits suivants : presque tous les noirs libérés de lesclavage se retrouvèrent aux lendemains de la guerre dans une situation de misère insoutenable. Léconomie ruinée du Sud ne pouvant plus leur fournir demplois, ils émigrèrent vers le nord où ils furent employés à vil prix et dans des conditions souvent plus déplorables que leur ancien esclavage. Bien que libérés, ils durent attendre un siècle pour obtenir leurs droits politiques. Quant aux indiens, les seuls véritables américains, ils durent attendre 1918 pour recevoir... la nationalité américaine.
La seconde guerre mondiale allait donner loccasion aux Etats-Unis de décliner le scénario décrit plus haut sur une grande échelle. Lennemi cette fois était le Japon qui menaçait les fruits de la victoire sur lEspagne (Philippines et Guam) et qui était en passe de devenir une superpuissance mondiale par son industrie et ses conquêtes asiatiques. A partir de ce moment, le conflit était inéluctable. Il débute le 28 juillet 1941, par la décision de Roosevelt de geler les avoirs du Japon aux Etats-Unis et détendre lembargo aux livraisons du pétrole à destination du Japon. Cette décision accule les Japonais à lintervention militaire. Mais cette intervention militaire est diligentée par les services secrets américains, dont on a aujourdhui (cf. dossier du magazine Historia) la certitude quils en suivaient pas à pas les préparatifs. Ainsi, lintervention japonaise sur Pearl Harbor était non seulement connue dans ses détails mais désirée pour créer lélectrochoc qui permettrait de mobiliser tout un peuple dans une guerre totale contre un autre, déclaré perfide et immoral, bon à réduire en poussières atomisées.
La seconde guerre mondiale à peine achevée les Etats-Unis se donnent un nouvel objectif stratégique : évincer les européens de lOuest ceux de lEst ont été donnés par Roosevelt en pâture à Staline - de leurs colonies pour semparer de leurs ressources. Dans cette logique, les Etats-Unis arment le Viêt-cong et le F.L.N. en Algérie contre les Français Au Viêt-nam, leur objectif est atteint, mais le résultat de leur action est mitigé par lexistence dun Etat communiste hostile au nord. Lopinion publique américaine est selon sa tradition hostile à une intervention sans motif. Quà cela ne tienne ladministration de Lyndon Johnson va, en 1963, lui en tailler un sur mesure en accusant la marine Nord Vietnamienne davoir attaqué leur destroyer lUSS Maddox dans le golfe du Tonkin. Ce qui était là aussi un pur mensonge, mais un mensonge suffisant pour justifier une intervention directe.
La défaite contre les Vietnamiens allait refroidir quelque temps lexpansionnisme américain. Il nallait, toutefois, pas tarder à se réchauffer et à employer les bonnes vieilles recettes du succès. Dabord contre le Panama, où la venue au pouvoir dun certain Général Noriega (face dAnanas selon lexpression américaine) avait tout pour déplaire à Washington. Lhomme sopposait à la fois au FMI, critiquait laction de la CIA aux côtés des Contras au Nicaragua, et menaçait de réviser les clauses du traité régissant les droits octroyés aux Etats-Unis sur le Canal de Panama. La réaction américaine fut foudroyante. Une campagne de presse fut savamment organisée dans laquelle Noriega était présenté à la fois comme le grand organisateur du trafic mondial de la drogue, un être satanique, et ladorateur dAdolf Hitler. Lopinion publique américaine soigneusement mijotée, Georges Bush put sans résistance interne lancer, le 20 décembre 1989, son opération militaire contre Panama, dénommée " Juste cause " - tout un programme. Cette intervention effectuée en violation totale du droit international, ne suscita que quelques rodomontades diplomatiques sans conséquence sur linfluence américaine dans la zone. En 1991, lennemi suivant était lIrak, une proie pétrolifère de choix. Cette fois la recette fut cuisinée avec un degré de raffinement jamais atteint. Dun côté les autorités américaines pressaient les Koweïtiens de mettre le couteau sur la gorge des Irakiens en les incitant à leur refuser laménagement de la dette contractée à leur égard, de lautre ils faisaient savoir à Saddam Hussein, par la voix de leur ambassadrice à Bagdad, que dans léventualité où lIrak attaquerait le Koweït ils observeraient une bienveillante neutralité.
Le piège était tendu il allait fonctionner à merveille. La préparation concoctée par les services secrets était si subtile que pour la première fois la potion morale américaine allait se marier au droit international Les dupes européennes qui suivirent lempire sans barguigner en furent pour leurs frais. La potion était plus amère que le fumet de pétrole qui sen échappait. Malgré leur aide inconditionnelle et benoîte, les puissances européennes perdaient pied dans la région et dans le même temps la sécurité de leurs approvisionnements en hydrocarbures. On aurait pu penser que la tempête du désert une fois passée, les élites qui nous gouvernent auraient recouvré un peu desprit critique. Que néni ! Inlassablement elles demandent à être resservie du même brouet infâme, aussi furent-elles comblées avec le Kosovo, où la CIA grande manipulatrice de lUCK parvint à pousser Miloscevic à la faute qui justifierait sa nouvelle campagne morale contre le droit. Quel était lobjectif stratégique de cette guerre ? Mais voyons toujours le même : lEurope, le rival éternel, la civilisation à abattre.
Jallais oublier un détail : la recette impériale américaine ne produit tous ses effets quavec le bombardement des populations civiles : celles de Tokyo, de Hiroshima, de Nagasaki, de Dresde, de Hanoi, de Hué, de Phnom Penh, Panama, de Bagdad et de Belgrade. Juste quelques petits millions de morts et de carbonisés. Pas de quoi émouvoir, une conscience humanitaire bien trempée. (Bastion n°39 de janvier 2000) |