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Les médias, ou la manipulation de lopinion On a lhabitude dappeler la presse le " quatrième pouvoir ", les trois autres étant, bien entendu, le législatif, lexécutif et le judiciaire. Mais, la presse, ou plus exactement les médias, ne constituent-ils pas plutôt le premier pouvoir, la clé de laction politique ? Pourtant, ce pouvoir tellement influent est à peine évoqué par la Constitution belge et si peu par la loi ! Cette lacune législative constitue la brèche par où sest infiltrée la dictature rampante qui nous gouverne. Dictature mondialiste bien entendu : Léo Bogart ne défendait-il pas déjà, en 1956, dans son livre " lâge de la télévision 1" lidée selon laquelle on assisterait sous linfluence de ce média à une uniformisation de la culture et à la disparition des cultures particulières. Herbert Marcuse affirmait dans " lhomme unidimensionnel 2" (1964) que les massmedias sont linstrument dune manipulation qui viserait à rendre les sociétés irrationnelles, totalement " intégrées " et passives comme elles ne lont jamais été. Les techniques de communication standardisées sont, selon lui, un boulevard pour la démagogie et la médiocrité, privilégiant ce qui unit au dépens de ce qui divise. Ils diffuseraient une néo-culture soporifique, incitant plus à lévasion quà laffrontement du réel. Le Canadien Marshall McLuhan3, franchit encore une étape lorsquil lance sa formule lapidaire " le message cest le médium4 " : ce qui importe, ce nest pas le contenu du message, mais la façon dont il est transmis. " Les médias, depuis la presse à imprimer jusquà lordinateur, conspirent pour changer simultanément lhomme et la société ". Selon Jacques Ellul5, avec la dissolution des groupes primaires tels que la famille, il ny a plus rien qui puisse faire écran entre les moyens de communication de masse et lindividu. De plus, selon lui, le bien-être est objectivement lallié dune propagande dont le support principal est " linformation ". La surinformation accroîtrait la vulnérabilité des individus à la propagande et aux idéologies en vogue. Francis Balle6 résume : " les médias agissent à la manière dune drogue, anesthésiante ou stimulante. ils sont capables de faire faire nimporte quoi, à nimporte qui, nimporte comment et nimporte quand. " En fait, les principes dune telle manipulation sont simples, même sil nest pas si aisé de les mettre en oeuvre. Lêtre humain fonctionne de manière schématique comme une mécanique. Toute perception est analysée par le système nerveux, ou le cerveau, suivant des " grilles dinterprétation ". Le résultat qui en ressort détermine, en fonction de divers critères, et notamment en comparant avec des situations semblables antérieures (lexpérience), sil faut agir, et quelle est la réaction la plus adéquate. Celle-ci est, en général, tout-à-fait prévisible pour celui qui connaît parfaitement " la grille " de lindividu. Cette dernière est, en effet, directement liée à sa personnalité, son système de valeurs, ses normes et motivations subtil mélange de physiologie et de vécu. En gros, à chaque stimuli correspond, pour un individu donné, une réaction type. Sil savère complexe détudier un individu particulier pour tenter de prévoir son comportement (ce nest en général " rentable ", pour un manipulateur, quen ce qui concerne les décideurs, politiques, économiques ou les leaders dopinion), il est beaucoup plus aisé détudier statistiquement une population spécifique et les réactions de " lopinion " à une information donnée. Ce sera même dautant plus aisé que lon aura fait appel aux émotions et aux sentiments plutôt quau raisonnement. En la matière, on se rapproche en fait de larc réflexe, et la prévisibilité du comportement devient très grande. Il ne reste plus dès lors quà effectuer des choix tactiques quant aux informations qui seront diffusées, quant à la manière dont elles seront propagées et quant à la façon dont elles seront commentées, de sorte que la réaction de lopinion publique soit celle que lon attend. De toutes façons, de telles décisions sont devenues une nécessité matérielle, vu la surabondance des informations disponibles. Les choix importants sont opérés de manière consciente et concertée dans le chef de certains manipulateurs. Mais en ce qui concerne la routine, la sélection est simplement le fruit inconscient des normes et valeurs diffusées dans le microcosme des médias par ces mêmes manipulateurs. Le " contrôle social " opéré dans le petit monde des médias mène inévitablement au conformisme et à lautocensure. Les grandes agences de presse et les publicitaires sont des éléments clés de la manipulation de lopinion. Les premières constituent un oligopole de linformation mondiale : elles trient linformation, sélectionnent les nouvelles sur lesquelles lattention des opinions publiques sera attirée et nhésitent pas à passer des faits essentiels sous silence. Les journalistes ne peuvent traiter le plus souvent que l'information qu'on leur fournit. La nécessité de "coller à l'actualité" augmente encore considérablement la possibilité de se faire manipuler.
Les publicitaires jouent, quant à eux, un rôle plus important encore. La publicité, en tant que telle représente, selon des études américaines, le facteur principal de lévolution des murs ! La publicité permet notamment de faire passer des messages implicites, qui nont rien de commercial. De plus, les publicitaires peuvent également influencer indirectement la presse: ils constituent souvent la première ressource de médias perpétuellement en quête de moyens financiers. Cependant, comme le sociologue P.F. Lazarsfeld notamment, la montré, on assiste parfois à des réactions de rejet : lindividu se rend compte de la manipulation et adopte un comportement contraire aux attentes du manipulateur. Toute la subtilité et ladresse du manipulateur consiste, dès lors, à modifier progressivement les " grilles dinterprétation " des individus qui composent lopinion. Et cela se fait par la répétition de messages apparemment anodins, mais qui simprègnent subrepticement dans le subconscient des individus. Par exemple, le fait de placer systématiquement, dans tout groupe, des personnes au physique manifestement non européen, amène progressivement la majorité des belges à considérer la présence détrangers comme normale. En représentant dans les publicités la cellule famille sous la forme du père, de la mère et dun enfant, lopinion publique en arrive à considérer quun seul enfant est la norme. Tandis que la diffusion des séries américaines bon marché par nos télévisions transforme la culture européenne et lui fait adopter progressivement les valeurs américaines. En matière de médias, rien nest innocent. Et le silence moins que tout. Dès lors, celui qui maîtrise bien les techniques de manipulation de linformation et qui en use avec circonspection, peut mener lopinion publique, cest-à-dire la majorité des citoyens à se mobiliser dans un sens ou dans un autre, en fonction de ses objectifs. Lorsque lon sait quen " démocratie " les politiciens tournent casaque au gré de ce quils croient être lopinion, on ne peut quen conclure que celui qui tient les rênes de linformation et des médias dirige en fait la société. Le " quatrième pouvoir " est donc bien un terme impropre : en réalité, il sagit de la clé de la puissance politique et du pouvoir réel. Le Constituant ne sest guère préoccupé des médias. Il sest borné à proclamer pieusement la liberté de presse. Cet oubli, grave de conséquences, a permis à des poisons redoutables de se répandre. Du fait des manipulations des médias, lidéal démocratique est, plus que jamais, devenu une façade, un " village Potemkine7". R.Kortenhorst (Bastion n°37 de Novembre 1999)_________________________________________________________________________ 1 Bogart L. The
age of television, New York, Frederick Ungar. 2 Marcuse H. One-dimensionnal man : studies in the ideology of advanced industrial society, Boston, Beacon press.3 Mc Luhan, La Galaxie Gutenberg, Paris, Gallimard (Idées)Mc Luhan, Comprendre Les Médias, Paris, Le Seuil (Point) Mc Luhan, War and peace in the global village, New York, Simon & Schuster 4 Mc Luhan, The medium is the massage, New York, Simon & Schuster 5 Ellul J. Propagandes, A. Colin, Paris 6 Balle F. Traité de sociologie, La communication, Paris, PUF 7 Une légende veut que Potemkine, favori de la grande Catherine, aurait fait construire des villages factices tout au long du trajet que suivait, lors de ses voyages, limpératrice et ses invités, afin de la convaincre des bienfaits de sa gestion.
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